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Atos : finalement, l’État ne nationalisera que le supercalcul
Dans le cadre des déboires financiers d’Atos et du sauvetage de ses activités sensibles, l’État semble préférer que Thalès rachète directement la branche dédiée aux systèmes décisionnels pour l’armée et celle qui développe des produits de cybersécurité.
Rachat des activités sensibles d’Atos par l’État français, la suite. Le ministère de l’Économie vient de proposer au fournisseur informatique français un chèque de 500 à 625 millions d’euros pour nationaliser sa division Advanced Computing d’ici au 31 mai 2025. Cette branche comprend la fabrication des supercalculateurs Bull Sequana et le développement du simulateur d’ordinateur quantique Qaptiva. Elle a généré 570 millions d’euros l’année dernière et emploie 2 500 personnes.
L’ambition de l’État serait de sauver une entité commerciale sous contrat avec les centres de recherche publics et l’armée française, des déboires financiers d’Atos. L’ex-fleuron français de l’informatique se noie en effet aujourd’hui sous les dettes, après avoir raté le virage du cloud et n’avoir pas su gérer en 2020 l’écroulement de l’infogérance, son marché historique.
L’offre faite par l’État est revue à la baisse par rapport à avril dernier, lorsque Bruno Lemaire, alors ministre de l’Économie, parlait plutôt de racheter pour 700 millions à 1 milliard d’euros trois activités d’Atos. À l’époque, l’État souhaitait aussi récupérer Mission Critical Systems et Cybersecurity Products. Mission Critical Systems produit des systèmes décisionnels pour l’armée, du centre de commandement informatisé aux modules embarqués dans le Rafale. Cybersecurity Products développe des solutions de sécurité qui vont du chiffrement des communications au contrôle des accès.
En vérité, il est toujours question pour l’État de sauver les trois divisions. La nationalisation d’Advanced Computing est ainsi conditionnée par l’obligation de revendre Mission Critical Systems et Cybersecurity Products à quelqu’un d’autre.
Des observateurs proches du dossier « sous-titrent ». L’État voulait initialement nationaliser les trois activités sensibles d’Atos pour, suppose-t-on, les confier à Thalès. Thalès n’aurait pas voulu de la division supercalculateur. Donc l’État s’occuperait de sauver les supercalculateurs pendant que Thalès récupérerait les systèmes militaires et la cybersécurité.
Un plan de « sauvegarde accélérée » pour Atos
Mission Critical Systems et Cybersecurity Products ont généré 340 millions d’euros de CA en 2023.
Les trois activités sont un sous-ensemble de la division BDS, laquelle comprend également des solutions de Big Data. La division BDS est elle-même l’une des deux branches d’Eviden. L’autre branche d’Eviden, baptisée Digital, propose des services de développement d’applications en cloud. L’un dans l’autre, Eviden est censé réaliser un CA d’un peu moins de 4,9 milliards d’euros d’ici à la fin 2024, dont 1 milliard via les trois divisions supercalcul, militaire et cybersécurité.
Eviden regroupe toutes les activités dites « modernes » d’Atos. Les activités historiques, principalement l’infogérance, devraient quant à elles générer un peu moins de 4,8 mds € cette année.
Criblé de dettes, Atos est actuellement soumis à un plan de « sauvegarde accélérée » arrêté par le tribunal de commerce de Nanterre. Ce plan stipule d’une part que 2,9 milliards d’euros de dettes seront convertis en capital ; c’est-à-dire que les principaux créanciers d’Atos deviendront ses actionnaires. D’autre part, Atos compte sur l’arrivée de nouveaux financements à hauteur de 1,5 à 1,67 milliard d’euros. Ces financements sont en l’occurrence les revenus escomptés de la vente au détail de différentes divisions.
Outre Advanced Computing, Atos a déjà revendu ce mois-ci Worldgrid, sa filiale qui conçoit les logiciels de pilotage et de surveillance des centrales nucléaires. L’ESN française Alten l’a rachetée pour 270 millions d’euros. Pour atteindre l’objectif fixé par le tribunal de Nanterre, Atos doit donc encore vendre des filiales à hauteur de 730 millions d’euros. Il est probable que Thalès rachète Mission Critical Systems et Cybersecurity Products pour environ 300 millions d’euros.