« Il n’y a pas de fin en vue pour Tableau Server » (Ryan Aytay, CEO, Tableau)
Si les dirigeants de Tableau affirment qu’ils n’ont pas l’intention d’abandonner Tableau Server, l’avenir de la plateforme BI se joue clairement dans le cloud et, plus particulièrement, sur Salesforce.
Pas moins de 130 fonctionnalités en un an et une feuille de route qui, sur le papier, semble résolument tournée vers le cloud. Non seulement vers le cloud, mais plus particulièrement vers l’imbrication de Tableau et de Salesforce.
Et cette imbrication commence par la migration des instances Tableau Cloud vers l’infrastructure Hyperforce de Salesforce, dont les régions Allemagne et Grande-Bretagne viennent d’être lancées. Le géant du CRM et sa filiale ont déjà un œil sur les régions cloud HyperForce (AWS) déjà déployées qui pourraient accueillir Tableau Cloud – dont celle localisée en France.
Tableau et Salesforce imbriquent les pièces du puzzle
À cela s’ajoute la disponibilité au début de l’année 2025, plus particulièrement en février, de la fameuse couche sémantique et de modélisation de données évoquée par Tableau depuis mars 2024. Celle-ci permettra, entre autres, d’organiser les données en provenance de diverses sources, dont celles présentes dans Salesforce Data Cloud. Outre Tableau Pulse, l’outil « intelligent » de supervision de métriques, Tableau Agent, l’assistant d’IA générative dédié à la plateforme BI entrera en disponibilité générale en janvier. Ce dernier permet non seulement de créer des visualisations à partir de prompts, mais également de préparer les données ou d’invoquer des connecteurs. Le tout demeure sous la supervision d’un humain qui valide les recommandations ou propositions du LLM sous-jacent.
Le tout pourra être intégré avec le reste de la suite Agentforce, comme l’a démontré l’équipe de Tableau tout au long de son événement londonien. Y compris les agents « sur étagère » de Sales, Service et des autres « clouds ». En juin 2025, à travers la Tableau Marketplace, les entreprises et les usagers de Tableau Public pourront partager – en interne ou à l’externe – des « packages » applicatifs incluant l’accès aux données, des formules de calcul et des visualisations de données qu’ils pourront commercialiser.
« Aujourd’hui, dans la BI et l’analytique, les travaux sont souvent refaits de zéro. Ce besoin de réutilisation et de partage est une demande croissante, et nous l’intégrons dans notre future plateforme », déclare Southard Jones, EVP Product Management chez Tableau, auprès du MagIT.
Tableau/Salesforce n’a pas précisé le modèle économique associé à cette place de marché. En revanche, l’accès à la majorité des fonctionnalités avancées présentées hier dépendra d’un abonnement à Tableau +, une édition « premium » – « disponible uniquement sur Tableau Cloud ». Celle-ci a été lancée en juin 2024, mais sa tarification n’est pas publique. C’est par exemple l’unique porte d’accès à Tableau Agent (pour le moment), tandis que les fonctionnalités standards de Pulse sont accessibles à travers l’édition Tableau, Tableau Enterprise et Salesforce Sales Cloud.
Avec Tableau Pulse For Salesforce, un siège Creator est facturé 150 dollars par mois, tandis qu’un siège Viewer revient à 50 dollars par mois. Avec Tableau Cloud et Tableau Cloud Enterprise, cette tarification tombe respectivement à 75 et 115 dollars par mois pour un siège Creator et à 15 et 35 dollars par mois pour un siège Viewer.
En clair, toutes les pièces du puzzle prennent place comme le visuel ci-dessous le prouve.
« Nous avons essayé de livrer de plus en plus de fonctionnalités, non seulement pour Tableau Cloud, mais aussi pour Tableau Server, car nous aimons aussi les utilisateurs de Server », lance d’emblée Ryan Aytay, président et CEO de Tableau, lors du keynote de DataFam Europe 2024. C’est le premier événement de son genre ayant eu lieu à Londres les 11 et 12 novembre. Lors d’une session, LeMagIT a pu constater l’empreinte encore importante de Tableau Server chez les clients qui sont loin d’avoir tous adopté le cloud, selon un sondage à main levée. « Vous pourriez me dire : “[les fonctionnalités cloud] semblent intéressantes, mais est-ce exclusivement réservé aux données dans Salesforce ?”. La réponse est un non catégorique », poursuit-il plus loin.
Cette année, à travers Tableau Cloud Manager, disponible depuis peu, il a également été question d’apporter des fonctionnalités de gestion des sites en provenance de Tableau Server vers Tableau Cloud.
Établir des ponts entre Tableau Server et Tableau Cloud (et Salesforce)
Tableau Cloud Manager pourrait également devenir la console pour administrer des sites déployés dans le cloud et sur site.
Déploiements exclusivement dans le cloud, seulement sur site ou hybrides, la filiale de Salesforce est parfaitement consciente des différentes réalités qui se jouent ou qui se joueront dans les entreprises.
« Nous constatons que beaucoup de nos clients de Server envisagent une sorte de double mode où certains cas d’usage vont tirer parti du cloud », observe Southard Jones.
Tout comme cette filiale entend rester fidèle à son ouverture envers différents écosystèmes de données.
Interrogé concernant cet aspect par LeMagIT, Ryan Aytay affirme que Tableau poursuit les développements de Server (toujours en 2024.2.x, contrairement aux autres modules en 2024.3.x), mais la seule fonctionnalité à venir sortant réellement du lot n’est autre que la disponibilité de la couche sémantique sur site.
« Je pense que les plus grandes questions se résument à confier une vue unique des données d’entreprise, ce dont nous avons beaucoup parlé à propos de la couche sémantique lors du keynote et que vous entendez beaucoup de la part des clients », justifie Southard Jones. « Je dois être en mesure d’établir la confiance dans les données fournies aux clients de mes clients, c’est-à-dire les métiers et leur entreprise ».
Il ne faut pas compter sur l’apport de l’IA générative ou de Pulse pour le moment. Pour cela, Southard Jones précise que la plateforme BI gagne en ouverture. Et un consultant de TheInformationLab d’en faire la démonstration pendant la conférence : lui a connecté les modèles OpenAI avec Tableau Server à travers Langchain. D’aucuns pourraient penser à de la « bidouille », mais si Server peut interagir avec Langchain, alors pourquoi ne pas l’interconnecter à un LLM sur site ? C’est possible selon Southard Jones, mais ce n’est pas la priorité de l’éditeur. Lui se concentre davantage sur la facilité d’usage et d’administration de sa plateforme BI, « même dans des environnements “air-gapped” ».
Cependant, la majorité des entreprises se tournent vers le cloud pour leurs projets analytiques et d’IA. En témoigne la popularité de Snowflake, de Databricks ou encore de BigQuery.
« Nous allons continuer à soutenir les clients de Server pendant autant d’années qu’il le faudra. Il n’y a pas de fin en vue pour Tableau Server », qui tient à clarifier Ryan Aytay auprès du MagIT.
« Nous savons que Tableau Server est essentiel pour les clients et c’est pourquoi nous aimons savoir comment nous pouvons faire le lien entre Tableau Server et Cloud/Agentforce », poursuit-il.
Il n’y a pas de doute : l’avenir se trouve du côté du cloud et de Salesforce. « Nous allons continuer à faire évoluer notre technologie en fonction de l’évolution du marché. Nous devons montrer l’avenir. Nous devons inspirer les gens », déclare le président et CEO de Tableau.
« L’avenir de Tableau se construit sur la plateforme Salesforce », renchérit Southard Jones. « En d’autres termes, l’avenir de Tableau repose sur une plateforme de développement basée sur des API », nuance-t-il. En clair, la plateforme BI doit maintenir sa prise en charge d’autres systèmes critiques des entreprises. Exemple, en ce mois de novembre, Tableau propose un connecteur Oauth/OIDC pour SAP HANA.
Dans les cartons, une facturation à la consommation
Quant au puzzle présenté plus haut, il est encore incomplet, selon Ryan Aytay. « Bientôt, nous évoquerons l’avenir de notre solution d’analytique embarquée, qui est plus orientée vers l’externe. C’est aussi quelque chose que nous proposons sur une base de consommation, et je pense que cela fera partie intégrante de notre future plateforme ».
Oui, alors que Salesforce et Tableau s’appuyaient majoritairement sur un tarif au nombre de sièges, il entend également proposer une tarification plus dynamique. « Je pense que cela correspond davantage au mode de consommation d’outils comme Agentforce [facturé à partir de deux dollars la conversation, N.D.L.R.] et Tableau Agent », considère Ryan Aytay.
Il y a quelques mois, Tableau avait déjà relevé la tarification des éditions Server pour les proposer au même prix que les versions Cloud. Sur son site Web, la présentation de Server est peu claire et réclame de se connecter à son compte ou de contacter un commercial pour se procurer des licences.