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Semi-conducteurs : Trump ne tuera pas le CHIPS Act de Biden
La loi bipartisane du CHIPS Act, adoptée sous l’Administration Biden pour renforcer la production de semi-conducteurs aux États-Unis, devrait rester en place sous l’Administration Trump. Mais avec des modifications dans ses directives « progressistes ».
Pour inciter les entreprises à produire aux États-Unis, le président élu Donald Trump ne cache pas qu’il préfère jouer sur les droits de douane (+10 % à +20 %, voire +60 % pour les produits chinois) que sur les subventions et les crédits d’impôt. Mais toute règle a ses exceptions, et il semble très peu probable que le futur locataire de la Maison-Blanche propose des changements radicaux au CHIPS et Science Act de 2022 – une loi proposée par l’Administration Biden qui joue justement sur les incitations.
Une annulation – ou une refonte trop profonde – du CHIPS Act serait sûrement de surcroît très mal accueillie par les élus républicains dont les États vont bénéficier de cette législation.
Vers une annulation des directives « progressistes »
Les États désignés pour accueillir ces nouvelles usines sont en effet très républicains. Certes l’État de New York, un État démocrate qui a soutenu Kamala Harris, a récemment été ajouté à la liste des États qui vont bénéficier des retombées du CHIPS Act. Mais l’Ohio, le Texas et l’Arizona ont voté pour Trump.
Plutôt que de supprimer le CHIPS Act dans un grand mouvement de déréglementation de l’IT, il est donc plus probable que Donald Trump apposera sa marque sur cette loi en modifiant les directives d’application de l’Administration Biden. Certaines ayant été contestées par les Républicains.
Parmi ces directives qui risquent d’être retirées : l’obligation de fournir des services de garde d’enfants, d’encourager l’utilisation de la main-d’œuvre syndiquée, ou encore de démontrer leur responsabilité climatique et environnementale en utilisant des énergies renouvelables.
« Les changements les plus probables consisteraient à supprimer certaines parties – appelons-les “parties progressistes” – des lignes directrices de la loi », prédit Alan Sykes, professeur de droit à l’Université de Stanford. « S’ils devaient faire des changements, ce serait les aspects les plus faciles à modifier ».
Couper ces obligations reviendrait en quelque sorte à « ajuster les contours » du CHIPS Act, ajoute Jack Gold, analyste principal chez J.Gold Associates. Supprimer l’exigence d’une main-d’œuvre syndiquée reviendrait par exemple à annuler un des objectifs de l’Administration Biden qui était de garantir des salaires pour les ouvriers du secteur.
« L’argent a été alloué pour créer des opportunités d’emploi et pour renforcer les capacités de fabrication industrielles aux États-Unis » resitue Jack Gold. « Mais ils voulaient aussi soutenir les travailleurs ».
CHIPS Act vs droits de douane
L’importance des semi-conducteurs pour la sécurité et l’économie des États-Unis a permis de rassembler un large soutien – des Démocrates, comme des Républicains – autour du CHIPS Act. Mais le débat « incitations » (subventions) vs « protection » (droits de douane) demeure.
Selon une note de recherche de Jack Gold, les incitations financières prévues par la loi seraient plus efficaces que les droits de douane pour relocaliser la production. Une subvention offrirait une aide plus adaptée au temps long de l’industrie des semi-conducteurs.
La construction d’une usine (les « fabs ») prend trois à quatre ans et coûte entre 20 et 40 milliards de dollars. C’est un projet à haut risque, rappelle Jack Gold. Par ailleurs, une usine à la pointe de la technologie aujourd’hui nécessiterait d’importantes mises à niveau tous les deux à quatre ans pour continuer à exploiter les dernières avancées en matière de fabrication de puces. Le soutien du gouvernement est essentiel pour les rendre financièrement viables, conclut l’analyste.
Les droits de douane n’insuffleraient pas la même dynamique. Au contraire, les fabricants de semi-conducteurs pourraient répercuter le coût supplémentaire des importations sur les clients, augmentant ainsi le prix du hardware.
Des subventions allouées, mais pas finalisées
Bloomberg rapporte que l’Administration Biden et les entreprises concernées (dont Samsung et Intel) feraient aujourd’hui le forcing pour finaliser les accords avant que Donald Trump ne devienne président.
Plus de 20 entreprises en sont à divers stades de finalisation de ces accords – dont Intel, Taiwan Semiconductor Manufacturing Co. (TSMC) ou GlobalFoundries.
Intel recevra le plus grand soutien dans le cadre du CHIPS Act, avec une subvention de 8,5 milliards de dollars et 11 milliards de dollars de prêts pour plusieurs projets, dont deux nouvelles usines en Arizona et un pôle de fabrication de semi-conducteurs dans l’Ohio. Intel prévoit d’investir 100 milliards de dollars dans des installations de fabrication de puces au cours des cinq prochaines années.
« En tant que seule entreprise américaine concevant et fabriquant des semi-conducteurs de pointe, Intel joue un rôle crucial, et nous sommes impatients de travailler avec l’Administration Trump sur cette priorité partagée », a cependant déclaré la société dans un communiqué.
GlobalFoundries – entreprise américaine détenue par un fonds émirien – espère recevoir 1,5 milliard de dollars pour deux projets, dont une nouvelle fab sur son campus de Malte, dans l’État de New York.
Quant à TSMC, le leader taiwanais du secteur, il souhaiterait obtenir 6,6 milliards de dollars pour construire trois fabs à Phoenix dans le cadre d’un investissement global de 65 milliards de dollars.
Sur le papier, 90 % de l’enveloppe du CHIPS Act (39 milliards $) ont été alloués. Mais tous les accords – sauf un – doivent encore être finalisés..
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