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Avec Trump, l’industrie IT américaine attend la dérégulation

Le président élu a été soutenu par une partie de la tech américaine. Une première. Le secteur espère de lui un recul de la réglementation, notamment l’abrogation du décret Biden sur l’intelligence artificielle. Mais Donald Trump introduira aussi de nouvelles taxes protectionnistes susceptibles de créer des problèmes à certaines entreprises IT. Quant aux acteurs européens, ils sont prévenus.

Le second mandat du président élu Donald Trump devrait se traduire par une diminution des régulations dans le secteur américain des technologies, mais aussi par plus de difficultés liées à l’importation de biens si son administration met en place les taxes protectionnistes qu’elle a promises.

Tout au long de son programme économique, Donald Trump a souligné la nécessité de réduire les réglementations « coûteuses et lourdes ». Cette volonté de déréglementation a reçu le soutien de plusieurs dirigeants, à commencer par Elon Musk, son supporter numéro 1. Sur X, ex-Twitter, Jeff Bezos, ex-PDG d’Amazon, a félicité Donald Trump pour son « retour politique extraordinaire et sa victoire décisive ».

Les entreprises IT font face à de plus en plus d’enquêtes, doivent payer de plus en plus d’amendes et doivent naviguer dans des régimes réglementaires de plus en plus stricts, en particulier en Europe. Les grands dirigeants de la tech ont trouvé un allié de poids en Donald Trump.

L’IT mal-aimée de l’administration Biden ?

Le soutien à Donald Trump d’une partie de l’écosystème IT américain, une nouveauté, s’explique en partie par le fait que le secteur ne se sentait pas soutenu par l’Administration Biden, et donc par la candidate démocrate et vice-présidente, Kamala Harris. C’est en tout cas ce qu’avance Sarah Kreps, professeure de droit et directrice du Tech Policy Institute de l’Université Cornell.

Le choix de Donald Trump de nommer comme colistier le sénateur J.D. Vance, un ancien entrepreneur dans la tech et capital-risqueur, a envoyé un message fort et positif à l’industrie IT, ajoute-t-elle.

« L’une des raisons pour lesquelles Trump attire cette fois-ci des grandes personnalités du secteur technologique, contrairement à ses deux précédentes campagnes, c’est la frustration de cette industrie face à l’approche plutôt agressive de l’Administration Biden, en particulier sur la régulation de la tech et de l’IA », estime Sarah Kreps.

Vers une dérégulation

Sous l’Administration Biden, la SEC (gendarme de la bourse américaine) a par ailleurs cherché à mettre en place de nouvelles règles sur les cryptomonnaies et pour le climat. Et la Federal Trade Commission a adopté une interdiction des accords de non-concurrence et intensifié la surveillance antitrust des entreprises technologiques. Autant de signes pris comme des attaques.

Dessin sur la volonté de l'administration Biden de réguler le secteur de la TechDessin de François Cointe sur la volonté de l’Administration Biden
de réguler Google, symbole d’une attitude qui a poussé une partie
de la tech américaine à soutenir Donald Trump.

 L’Administration Biden a aussi abordé les risques de l’IA au travers d’un décret (un « executive order »), qui ouvrait la voie à une régulation plus poussée de l’IA aux États-Unis. Pour Sarah Kreps, une marche arrière sur ce dossier est à prévoir avec la future administration Trump qui veut réduire le plus possible les contraintes pour stimuler l’innovation et aider ses champions locaux à conquérir des marchés à l’échelle mondiale.

Cette volonté doit aussi se lire au regard de l’évolution du tissu économique américain. Contrairement à l’Europe, les plus grosses capitalisations étasuniennes appartiennent aujourd’hui au secteur technologique. « Si Trump veut stimuler l’économie américaine, cela doit passer par la tech », rappelle Sarah Kreps.

Donald Trump le sait. Et c’est peut-être son seul point d’accord avec les démocrates. Les États-Unis ont un nouveau grand rival économique qu’il faut contrer : la Chine. Or la Chine progresse à très grande vitesse dans l’IA. Pour Darrell West, chercheur principal à la Brookings Institution, Donald Trump soutiendra donc fortement son industrie IT pour renforcer l’avantage concurrentiel des États-Unis. Cet objectif guidera « une grande partie de sa réflexion politique ».

Abroger le décret Biden sur l’IA sera a priori l’une des premières mesures dès son entrée en fonction, confirme-t-il.

Pour mémoire, « l’executive order » de Joe Biden demandait aux agences fédérales de développer des normes de sécurité en matière d’IA et exigeait que les grands développeurs de systèmes d’IA partagent les résultats de leurs tests de sécurité avec le gouvernement américain.

La dérégulation a été une priorité pour l’ancienne administration Trump. Elle continuera à l’être, acquiesce pour sa part Daniel Castro, vice-président de la Information Technology and Innovation Foundation, un organisme à but non lucratif de politique publique basé à Washington.

« Je pense que beaucoup de ces questions politiques et technologiques – la vie privée, l’IA, les cryptomonnaies – resteront prioritaires pour la prochaine administration… mais avec l’idée que le gouvernement doit se retirer », résume Daniel Castro.

Mise en place de surtaxes douanières

Donald Trump a également promis de mettre en place une taxe supplémentaire de 10 % sur les importations et de 60 % sur les marchandises chinoises. Or de nombreuses entreprises américaines sont présentes en Chine, ou dépendent d’elle d’une manière ou d’une autre.

Ces taxes vont avoir un impact majeur sur le commerce mondial (et sur les relations de l’Amérique avec ses alliés), prédit Darrell West. « Beaucoup de notre électronique est manufacturé là-bas, de nombreux téléphones Apple y sont assemblés, et une grande partie de nos produits pharmaceutiques y sont fabriqués », rappelle-t-il. « Si la Chine veut riposter, elle a de nombreuses options pour le faire ».

Les taxes douanières laissent entrevoir une guerre commerciale. Elles affecteront en tout cas négativement certaines entreprises américaines, prévient Daniel Castro. Pour lui, « si ces tarifs sont mis en place, les consommateurs et les entreprises feront face à de nombreuses difficultés ».

Quadrature du cercle

Donald Trump devra donc trouver un équilibre délicat entre les intérêts des consommateurs, des travailleurs et des entreprises, résume Sarah Kreps. Bien que le protectionnisme puisse aider les travailleurs américains, il ne profitera pas forcément aux consommateurs ni aux entreprises.

« Cela ressemble à la quadrature du cercle : juguler l’inflation pour les consommateurs, promouvoir les intérêts de l’industrie de la Tech, et soutenir les intérêts des travailleurs américains. Je ne vois pas comment il pourra concilier les trois », conclut-elle. Quoi qu’il en soit, plus de la moitié des Américains ont donné leur vote à Donald Trump pour qu’il le fasse. Le proche avenir dira s’ils ont eu raison ou tort. Et si ces actions entraînent un retour du protectionnisme mondial, comme le prédisent certains experts, avec d’innombrables conséquences, bien au-delà des États-Unis.

Les Européens sont prévenus.

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