GenAI : Salesforce présente Agentforce à des clients français prudents
Lors d’Agentforce World Tour Paris, Salesforce a annoncé la disponibilité générale de sa plateforme Agentforce en France et en français. Après des expériences plus ou moins fructueuses en matière d’IA générative, les clients semblent avoir gagné en précaution.
Plus de 10 000 agents Agentforce auraient déjà été déployés par quelques-uns des 150 000 clients de Salesforce. Près de 122 000 prompts seraient rédigés depuis Agent Builder et 19 000 opérations IA seraient effectuées chaque semaine. Salesforce ne détaille pas la nature des opérations et commence déjà à placer côte à côte les statistiques d’utilisation de ses outils de conception d’agents des flux de travail (83,2 milliards) activés quotidiennement et des objets customisés (28,6 millions).
Pour Salesforce, c’est l’occasion d’expliquer que ses clients peuvent déjà connecter des flux de travail, d’intégration et des objets existants dans leur écosystème de produits Salesforce avec des agents bâtis sur Agentforce.
Néanmoins, les usagers de Salesforce ont cumulé 2,8 millions « de badges IA » prouvant qu’ils ont au moins suivi des formations ou des tutoriels – désormais en grande partie gratuits – sur la plateforme Trailhead.
Ces formations sont également prises par une grande partie des employés et des partenaires du géant du CRM, au nombre de 300 en France. Certains de ces partenaires intégrateurs se préparent justement pour déployer des cas d’usage dans les grands groupes. C’est le cas d’Accenture, de Capgemini, de Deloitte Digital, d’IBM, de Niji, de PWC, de Slalom ou de VO2. Sans oublier les partenaires technologiques, dont Workday, Box, Zoom, AWS, GCP, ou encore Moody’s, dont les solutions peuvent être appelées dans les « actions » (workflows) accessibles depuis Agentforce.
La promesse d’un déploiement en deux semaines
Émilie SidiqianVice-présidente exécutive et directrice générale, Salesforce France.
« Cela fait deux ans que nous parlons d’IA générative, et aujourd’hui, le ROI peut interroger un certain nombre d’entreprises qui ont déjà investi dans cette technologie », déclare Émilie Sidiqian (en photo en haut d’article), vice-présidente exécutive et directrice générale de Salesforce France. « Nous souhaitons apporter une compatibilité avec des investissements que vous avez effectués dans l’écosystème technologique ».
La promesse de Salesforce avec Agentforce, c’est d’accélérer la « création de valeur » par rapport au déploiement d’IA générative « maison », l’ennemi désigné par Marc Benioff, cofondateur et PDG de Salesforce lors de la conférence annuelle Dreamforce. « Nous parlons de deux semaines pour déployer un agent contre 18 mois pour un projet d’IA maison », affirme Bruno Katz, directeur général adjoint et directeur des industries en France chez Salesforce.
Outre le fait qu’il n’y ait pas forcément besoin de modifier les flux déjà en place dans Salesforce, l’éditeur mise majoritairement sur la configuration low-code/no-code d’agents à travers des prompts, sans réentraîner de modèles. Pour l’heure, l’éditeur s’appuie majoritairement sur les API cloud des LLM d’OpenAI et d’Anthropic. Certaines entreprises privilégient le fine-tuning léger de modèles, des LLM qui pourront être accessibles à travers Agentforce à l’avenir.
Le géant du CRM mise sur son système de raisonnement Atlas et sur un RAG, les connecteurs vers les sources de données tierces, ainsi que sur sa « couche de confiance », la fameuse Trust Layer, chargée du filtrage et du contrôle des résultats des grands modèles de langage.
Le positionnement d’Agentforce serait idéal pour les entreprises, puisque, selon Salesforce, « 75 % de la valeur de l’IA se trouve au niveau du front office ». Ces agents pourraient être utilisés dans quinze secteurs d’activités (secteur public, transport, assurance, santé, retail, etc.) pour lesquels l’éditeur a proposé déjà une centaine de prompts prémâchés.
Dans un même temps, et malgré les statistiques avancées par Salesforce, les déploiements des agents à travers Agentforce demeurent majoritairement des preuves de concept.
Des agents « sur étagère » en 2025
De fait, le wizard de création des agents, Agent Builder, est entré en disponibilité générale à la mi-septembre. La plupart des agents précâblés, associés aux différents « clouds », les solutions « sur étagère » qui devraient accélérer les déploiements d’Agentforce, ne sont pas pleinement disponibles.
En octobre 2024, Service Agent est entré en disponibilité générale dans Service Cloud. Il s’agit d’un package pour configurer un agent capable de gérer des « tâches habituelles d’un centre de contact », comme le suivi de tickets, de commandes ou la réponse aux questions. Un assistant de planification de rendez-vous est disponible depuis le début du mois de novembre, tandis qu’un autre dédié aux employés sera accessible en février 2025.
Les agents SDR (Sales Development Representative), et « Sales Coach » (pour entraîner les nouveaux commerciaux) seront finalement lancés en décembre 2024.
Dans Commerce Cloud, l’agent Merchant, au service des vendeurs, est disponible, tandis que Personal Shopper (ex-Buyer), pour aider les clients dans leur expérience d’achat, le sera en février 2025.
L’ensemble de ces éléments font partie de la version Winter’25 (859 pages de changelog !) dont les mises à jour roulantes se termineront à la fin du mois de février.
L’agent Personnalisation dans Marketing Cloud et Deal Desk dans Revenue Cloud seront livrés dans le cadre de la version Summer’25, à partir de la mi-mai donc. L’assistant d’aide aux campagnes est déjà configurable dans Marketing Cloud.
Les freins à l’adoption d’Agentforce
Les clients français présents sur place, dont Adecco, The Fork et Bouygues Telecom ont intégré des fonctions d’IA dans Salesforce ou utilisent déjà des modules d’IA existants de la plateforme, mais ne font pas encore appel à Agentforce, en tout cas pas en production.
Le groupe Adecco a plus particulièrement intégré à son écosystème CRM son application de génération d’offre d’emploi accessible par ses recruteurs. Il met également à disposition des candidats, CV Maker, un outil de génération de curriculum vitae s’appuyant sur les technologies de Microsoft Azure (qui héberge des LLM GPT et Whisper d’OpenAI). Il prévoit tout de même de s’essayer à Agentforce.
Les réactions des participants dans la salle aux annonces de Salesforce tendent à démontrer une petite baisse d’intérêt pour l’IA générative.
Malgré son enthousiasme, Alain Angerame, directeur Groupe Relation Client et Expérience Collaborateur de Bouygues Telecom, considère lors d’un point presse que l’IA générative ne représente « pas le grand soir ». Comme l’opérateur télécom intègre l’IA dans ses pratiques depuis 2016, il s’agit plutôt d’améliorer des systèmes existants. « Notre organisation est unique, car elle intègre les pôles métiers et outils de façon collaborative, sans département R&D isolé », poursuit-il. « Chaque collaborateur peut s’approprier progressivement les nouvelles technologies, avec pour objectif constant d’améliorer nos pratiques afin d’offrir le meilleur service ».
Alain AngerameDirecteur Groupe Relation Client et Expérience Collaborateur, Bouygues Telecom
L’IA générative n’est donc pas perçue comme « une révolution, mais une évolution ».
La tarification évoquée par Marc Benioff en personne (deux dollars par conversation et des rabais au volume) pose, par ailleurs, encore question.
« Il fut un temps où l’on achetait des serveurs physiques, puis nous sommes passés au cloud », relate Alain Angerame. « Aujourd’hui, nous devons réfléchir à la manière d’absorber et de gérer ces nouveaux modes de facturation, car, par exemple, avec l’arrivée d’Agentforce, les modèles de facturation évolueront et seront différents ».
D’autres entreprises cherchent encore à mettre à plat leur gestion de données, que ce soit en adoptant l’évolution de la CDP de l’éditeur (Data Cloud) ou en revoyant leur socle interne connecté à leur plateforme CRM. Salesforce le revendique également : « il n’y a pas de stratégie d’IA, ni même d’Agentforce, sans stratégie de données », martèle Émilie Sidiqian.