Windows Server 2025 : Microsoft entend aspirer les clients de VMware
Selon les analystes, Microsoft compte miser sur la situation compliquée créée par Broadcom pour que Windows Server devienne le produit numéro un de la virtualisation.
Après des années de retard sur VMware et sa technologie de virtualisation de pointe, Microsoft se dit désormais prêt à récupérer les clients qui quittent son concurrent suite aux augmentations tarifaires de ce dernier. L’éditeur vante de grandes avancées concernant son hyperviseur Hyper-V dans la toute prochaine version 2025 de Windows Server. Et Microsoft promet à présent de fortes réductions tarifaires aux entreprises qui migreront leurs environnements VMware vers son cloud Azure et/ou vers ses serveurs hyperconvergés Azure Stack.
« Depuis l'acquisition de Broadcom, mon téléphone n'arrête pas de sonner, les clients me demandant des informations sur les nouvelles alternatives à VMware », raconte Paul Delory, analyste chez Gartner. « Hyper-V revient souvent dans ces appels. Il présente des avantages intrinsèques, et c'est le deuxième hyperviseur sur le marché. »
VMware est la référence historique du marché IT en matière de virtualisation. Il a pour ainsi dire lui-même créé cette catégorie de logiciels dès 2001, avec son hyperviseur ESX. Et il est toujours parvenu à distancer les concurrents qui imitaient son modèle grâce à une capacité d’innovation qui n’a jamais semblé s’arrêter.
On pense notamment à la faculté de migrer à chaud des machines virtuelles entre plusieurs serveurs physiques, à la haute disponibilité, à la distribution intelligente des ressources. Ses outils d’administration, toujours plus riches, toujours commercialisés avec un temps d’avance, ont achevé de cimenter sa présence dans les datacenters des entreprises.
Microsoft est arrivé sur le segment de la virtualisation des serveurs en 2004, avec un produit qui s’appelait alors Microsoft Virtual Server. Celui-ci offrait des capacités de virtualisation si basiques qu’il fut abandonné en 2008 au profit d'Hyper-V, un logiciel bien plus avancé. Un retard de sept ans qui a entre-temps permis à VMware de tisser une communauté d'utilisateurs et de partenaires stratégiques, notamment parmi les éditeurs de logiciels tiers, les fournisseurs de service et les fabricants d’équipements informatiques.
Des avancées significatives dans Windows Server 2025
Les développeurs d’Hyper-V ont manifestement beaucoup souffert pour se mesurer, version après version, aux richesses fonctionnelles de l’offre VMware. L’une des améliorations les plus notables de la version d’Hyper-V fournie avec Windows 2025 est sa capacité à partitionner la puissance de calcul des GPU entre plusieurs VM. Cette nouvelle caractéristique, baptisée GPU-P, est essentielle pour exécuter plusieurs applications d’IA sur un cluster.
« Le partitionnement du GPU n’est pas révolutionnaire, mais il est important pour être compétitif sur les nouveaux usages du datacenter. Désormais, les entreprises peuvent comparer ESX et Hyper-V sur un pied d’égalité. Il n’y a plus ce sentiment d’éternel retard de la part de Microsoft », commente Paul Delory.
Plus précisément, GPU-P rassemble l’ensemble des GPU présents dans un cluster sous la forme d’un pool global de capacités de calcul, qu’il découpe ensuite selon les besoins de chaque machine virtuelle. Cette fonction est basée sur la capacité des GPU de Nvidia à être virtualisés, c’est-à-dire individuellement fractionnables en plusieurs GPU logiques. « De manière ironique, c’est grâce à une collaboration avec VMware que Nvidia a pu rendre ses GPU virtualisables », remarque, amusé, Keith Townsend, analyste pour le cabinet d’études Futurum Group.
Autre avancée de Windows Server 2025, la migration à chaud des machines virtuelles entre deux serveurs qui n’ont pas les mêmes caractéristiques techniques. Cette capacité, qui passe par une vérification automatique de Windows des capacités des processeurs entre les serveurs physiques, doit soulager les entreprises de l’obligation d’acheter les mêmes machines à chaque fois qu’elles étendent leurs clusters. Il deviendrait ainsi possible d’utiliser un cluster de virtualisation où se côtoient des machines Intel et AMD, un scénario pas vraiment possible sous VMware.
Enfin, Microsoft assure avoir mis au point une couche de sécurité hors pair, avec l’option (payante) de corriger les failles sans devoir redémarrer une VM.
« Insister sur la sécurité est primordial. Les entreprises avec lesquelles je travaille passent tellement de temps sur leur cybersécurité qu’elles n’en ont souvent plus à consacrer à d’autres projets. Pour elles, avoir un système qui s’occupe tout seul de la sécurité signifierait retrouver le temps d’innover », commente Dave Kawula, consultant pour le cabinet TriCon Elite Consulting.
Tirer parti des décisions a priori contre-productives de Broadcom
Malgré toutes ces mises à jour, Microsoft doit relever le défi de s'attaquer à la position bien établie de VMware et à son vaste écosystème. Microsoft a tenté à plusieurs reprises de prendre des parts de marché à VMware par le biais de partenariats, d'acquisitions et de nouvelles technologies. Mais il n'a pas réussi à faire beaucoup de progrès et a fini par s'installer dans une relation de co-concurrence.
« Après avoir essayé en vain de prendre la tête du marché de la virtualisation, nous les avons vu, dès 2016, concéder des avancées à VMware. Les deux concurrents sont alors entrés dans une sorte d’entente, chacun soutenant les technologies de l’autre. Par exemple, c’est à partir de ce moment où VMware s’est beaucoup appuyé sur les fonctions de Windows Server pour ses outils d’administration », se souvient Keith Townsend.
Le rachat de VMware par Broadcom en fin d’année dernière et l’augmentation des tarifs qui s’en est suivie présente une opportunité à plus d’un titre pour Microsoft. Outre les clients de VMware qui décident de partir vers une alternative moins chère, le secteur des formations se trouve aussi en souffrance depuis que, cet été, Broadcom a aboli les licences gratuites qui lui étaient réservées.
« L'arrêt de la gratuité des licences réduit à néant notre capacité à enseigner VMware en classe », se désolé Brian Kirsch, qui enseigne l’architecture informatique au Milwaukee Area Technical College, aux USA. « Le cours sur VMware est un élément clé de notre programme et de nombreux étudiants en ont bénéficié. Sans licence gratuite, nous ne pourrons plus proposer ce cours dans un an », dit-il, en suggérant que des personnes formées en moins sur VMware sont autant moins de monde pour promouvoir cette solution-là en entreprise.
En face, les licences gratuites – ou au moins de généreuses remises sur les tarifs - ont toujours cours chez Microsoft pour les formations concernant ses produits. Comme cela est aussi le cas chez Cisco ou IBM.
« Cisco a beaucoup investi dans les formations, ce qui lui permet aujourd’hui de compter sur des personnels dévoués à ses produits dans les entreprises. La décision de Broadcom sera certainement contreproductive », estime Brian Kirsch.
Des promotions contre des augmentations
Concernant les entreprises, les clients de VMware sont maintenant obligés de s’abonner à l’ensemble du catalogue, alors qu’ils pouvaient auparavant acheter au détail les seuls outils dont ils avaient besoin. Dans la grande majorité des cas, ce changement contractuel se traduit par une forte, voire une très forte augmentation du coût de la virtualisation avec des logiciels VMware. Le cabinet d’analystes Forrester estime que 20 % des plus de 300 000 clients de VMware vont partir vers une autre plateforme à cause des nouveaux coûts.
Si Microsoft propose avant tout aux clients de VMware des rabais pour migrer vers son cloud Azure, c’est parce que celui-ci héberge une infrastructure dite « Azure VMware ». Il s’agit de services de machines virtuelles, de stockage et de réseau qui reposent sur les logiciels de VMware. En pratique, cette solution permet aux entreprises de n’avoir aucun réglage à faire, ni aucune formation à suivre sur de nouveaux logiciels : Azure VMware se pilote avec les mêmes interfaces et les mêmes règles que celles d’une plateforme VMware dans le datacenter.
Outre un tarif attractif, la réservation d’instances VMware sur Azure pour une durée de cinq ans fait gagner aux entreprises des crédits d’une valeur de 120.000 dollars à dépenser dans d’autres services Azure (IA, stockage...). Cela dit, cette offre « exceptionnelle » doit être souscrite avant le 31 décembre 2024.
« Au cours des deux derniers mois, j'ai mis hors service probablement les deux tiers de notre environnement VMware et nous nous lançons à fond dans la migration vers Azure - et même pas le service Azure VMware, juste Azure », lance Mike Stump, le patron d’une ESN américaine. « Que ce soit l’hyperviseur fourni par Windows Server 2025 ou par Windows Server 2022 n'a pas d'importance. Nous voulons simplement nous éloigner des produits VMware parce que, comme tout le monde, nous sommes excessivement contrariés par les changements de tarifs ».
L’autre offre de migration proposée par Microsoft, Azure Stack HCI, est une infrastructure hyperconvergée, c’est-à-dire un cluster de serveurs qui fonctionnent de concert et simule une baie de disques logique à partir des disques physiquement présents dans chaque serveur. Le mérite d’Azure Stack est qu’il est pensé pour le cloud hybride – en l’occurrence le fonctionnement d’une IT à cheval entre le datacenter et le cloud public de Microsoft.
Azure Stack HCI nécessite un abonnement Azure que Microsoft facture en fonction des cœurs physiques utilisés. Pensé comme un service cloud plus que comme un cluster de serveurs, Azure Stack HCI est géré par Microsoft ; c’est lui qui s’occupe de déployer constamment les dernières mises à jour de sécurité.
Certains analystes prédisent qu’Hyper-V sera à terme commercialisé sous la marque Azure Stack.