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« Pas de big bang » : la place de Talend chez Qlik

Le rachat de Talend par Qlik avait laissé beaucoup d’interrogations l’été dernier. Le groupe et sa nouvelle entité française entendent rassurer les clients pour mieux les attirer vers son offre SaaS aux capacités hybrides.

En mai 2023, Qlik finalisait le rachat du Français Talend. Un mois plus tôt, lors de la conférence annuelle QlikWorld 2023 à Las Vegas, le ministère de l’Économie français n’avait pas encore validé la transaction.

« Quand le rachat a été annoncé, nous étions beaucoup au sein de l’équipe à nous demander quel intérêt ? Pourquoi ? Comment ? Et surtout qu’est-ce que cela deviendrait », se rappelle Jacques Padioleau, vice-président de la région Europe du Sud (France, Italie, Espagne et Portugal) chez Qlik. Le dirigeant occupait le même poste chez Talend il y a dix mois.

Jacques PadioleauJacques Padioleau, vice-président région Europe du Sud, Qlik

En juillet 2024, Qlik a présenté la disponibilité générale de Qlik Talend Cloud. Le dirigeant, qui a supervisé en partie le lancement de ce produit, considère que les équipes ont réussi le défi de livrer une solution cohérente en temps et en heure. « Si l’on passe les détails techniques, c’était relativement simple, car nous étions sur deux marchés différents », considère Jacques Padioleau. « Nous avions une partie commune entre Qlik Data Integration et Talend, mais nous avions surtout des complémentarités que nous avons souhaité renforcer dans Qlik Talend Cloud ».

La collaboration entre les équipes techniques de Talend et de Qlik s’est globalement bien déroulée. « Surtout, nous avons pu conserver nos centres de développement en France, à Nantes et à Paris. Dans d’autres pays, les centres de R&D Qlik et Talend ont fusionné, mais nous avons conservé les compétences, toutes les personnes qui ont fait la valeur de chacun des produits », assure le responsable.

Divisé en quatre éditions (starter, standard, premium, enterprise), Qlik Talend Cloud couvre les usages de réplications, d’ingestion, de transformation, de catalogage et de gouvernance de données. Qlik et Talend entendent également proposer des fonctions de transformations SQL assistées par l’IA (via Qlik Answers) et une facilité d’intégration avec Qlik Cloud. En outre, des tableaux de bord doivent aider à suivre les flux d’intégration, les transformations, les produits de données et leurs usages.

« Je suis surpris par le niveau d’adoption. Nous avons une dizaine de clients qui en deux mois et demi sont passés d’un environnement Talend Cloud à Qlik Talend Cloud », commente le vice-président de la région Europe du Sud.

Il faut dire que techniquement parlant, il n’y a pas eu de « big bang de réécriture ». « Nous avions deux plateformes matures, technologiquement stables, et qui avaient été bien pensées en matière d’architecture », affirme Jacques Padioleau. « Nous sommes donc capables aujourd’hui de reprendre nos modules et de les exposer à partir de deux environnements cloud distincts, mais de les superviser à l’aide d’une seule console d’administration ».

Il ne faut pas non plus perturber les usagers outre mesure. Ainsi, le Studio de Talend, la suite ETL au cœur de son écosystème, n’a pas été modifié. « Notre objectif est de favoriser l’adoption et les passages rapides en production », avance-t-il.

En revanche, Talend Open Studio n’est plus maintenu depuis le 31 janvier 2024, un abandon présenté officiellement comme le recentrage sur les distributions commerciales de solutions de Talend. Deilink, l’éditeur bordelais d’EtlTool se propose de maintenir un fork sous l’appellation Talaxie Open Studio, mais l’avancée du projet semble pour l’instant peu claire.

Multicloud, hybride, agnostique : les atouts de Qlik Talend

La vision de Talend et de Qlik ? Offrir une solution agnostique de l’infrastructure et hybride dans les domaines de l’intégration et de la mise en qualité de données. Avec la montée en puissance de l’IA au sein des entreprises, cet aspect deviendrait crucial pour Qlik Talend et ses clients. D’où la fusion de Talend Data Catalog et de Qlik Catalog.

« Actuellement, nous avons des clients qui ont compris les contraintes d’un certain nombre d’applications qui ne peuvent pas migrer vers le cloud pour des raisons réglementaires ou parce que ça leur coûterait trop cher », explique Jacques Padioleau.

« À partir du moment où nous offrons une solution agnostique et hybride, nous sommes capables de prendre en compte le “legacy” des clients et les évolutions dans le cloud ».
Jacques PadioleauVice-président région Europe du Sud, Qlik

« À partir du moment où nous offrons une solution agnostique et hybride, nous sommes capables de prendre en compte le “legacy” des clients et les évolutions dans le cloud », poursuit-il.

De même, les clients feraient preuve d’un plus grand « pragmatisme » concernant les clouds de destination, là encore en fonction des réglementations des pays dans lesquels ils sont installés et des coûts ou spécificités des clouds et des compétences en interne.

 Ainsi, il s’agit de maintenir l’existence d’une architecture permettant de distinguer un control plane de data planes. « Nous avions mis en place cette architecture pour séparer les données de leur traitement. Nous sommes en train de l’adapter à Qlik Talend Cloud », annonce Jacques Padioleau.

Elle devrait être pleinement disponible d’ici à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine dans la nouvelle plateforme. « C’est important pour assurer la conformité aux réglementations, notamment européennes », ajoute-t-il.

Pas de vie officielle pour Talend v8

Dans un même temps, Talend a pris l’engagement en 2023 de maintenir sa distribution on premise pendant au moins cinq ans. Dans la documentation de Qlik Talend, la v8 de la plateforme, sortie en 2021, n’a pas encore de date de fin de support ni de fin de vie.

Ce n’est pas le cas pour Talend 7.3 entre en fin de vie ce mois de novembre (un support étendu est prévu jusqu’en décembre 2025 moyennant finance). Talend Data Catalog le sera au mois de décembre 2024, tandis que celle de Talend Change Data Capture est prévue pour décembre 2025. Les engins distants (remote engines) permettant de traiter les données in situ sont pris en charge en Gen2. La première génération de remote engines entre en fin de vie au mois d’avril 2025.

Cette gestion de l’existant serait aussi importante chez Qlik que chez Talend, selon Jacques Padioleau.

Malgré ces changements, Qlik devait s’assurer la pérennité des partenariats avec les intégrateurs. Les siens et ceux de Talend. « Nous conservons un mode de partenariat traditionnel avec nos partenaires afin de laisser les portes ouvertes à la collaboration et élargir notre go-to-market », avance le dirigeant français.

Par exemple, un partenaire a développé un outil d’analyse et de conversion des flux d’intégration réalisés avec PowerCenter, la solution on-premise d’Informatica vers des solutions Talend et Qlik. « La formation des partenaires a été un sujet d’investissement cette année et le restera l’année prochaine ».

De nouveaux venus de plus en plus compétitifs

Plus largement dans le monde des services « cloud native », Qlik et Talend ont vu surgir des compétiteurs, dont Fivetran, DBT ou encore Rivery. « Bien que très bonnes, ces solutions répondent à une partie spécifique des enjeux d’intégration », considère Jacques Padioleau. « Nous avons l’architecture et les connecteurs d’une plateforme. […] Beaucoup de nos clients ont déjà rationalisé leurs flux sur une plateforme Qlik Talend », défend-il.

Il a d’autres éléments spécifiques au mariage de Qlik et de Talend. Si avec Replicate, Qlik complète amplement la gestion du change data capture de l’offre de Talend, Jacques Padioleau estime que la solution ESB qui appartenait à l’acteur français est un « élément différenciateur ». « Au mois de juin de l’année dernière, la R&D de Qlik n’avait pas forcément perçu la valeur potentielle de notre ESB. Aujourd’hui, cela reste une pierre angulaire », affirme Jacques Padioleau.

Comme Qlik n’est pas coté en bourse, l’entreprise se réserve le droit de conserver la confidentialité de son chiffre d’affaires.

Jacques Padioleau évoque une part grandissante des nouveaux logos dans les résultats de l’entité Europe du Sud. « Cela représente presque 30 % de mon chiffre cette année, mais ce dont je suis le plus fier, c’est du taux de renouvellement qui est supérieur à la moyenne du marché », assure-t-il, sans pouvoir le révéler.

« Nous n’avons pas perdu de grands clients directement liés à l’annonce du rachat. En Europe du Sud, nous avons une trentaine de grands clients qui exploitent les technologies de Qlik et de Talend », complète-t-il. « Enfin, nous avons augmenté les effectifs de la force commerciale de 15 % ». 

Crédits photo de Jacques Padioleau : Qlik

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