Process mining : les grands groupes français de plus en plus séduits par Celonis

Alors qu’il déploie sa plateforme chez une majorité des entreprises du CAC40, Celonis espère étendre sa présence dans un plus grand nombre d’entités au sein des grands groupes français en couvrant davantage les processus liés à la logistique et à la production.

De trois à soixante clients en quatre ans. Environ 60 % des membres du CAC40. Voilà le bilan défendu par Fadi Naffah, vice-président et directeur général France et MEA chez Celonis.

Quand en 2021 il revendiquait 2 000 clients, en 2024, l’éditeur germano-américain en mentionne « plus de 1500 » avec qui il a mené 5 000 déploiements, contre 3 000 en 2022. « Celonis possède la plus grande base de clients sur ce marché et nous estimons sa part de marché à environ 50 % », écrivent les analystes de Gartner dans le Magic Quadrant 2024 consacré aux plateformes de process mining publié en avril 2024.

Il compte désormais 24 bureaux dans le monde. Le spécialiste du process mining et de l’intelligence du processus a également su convaincre les grandes entreprises françaises. Il faut dire qu’il y met les moyens. « J’ai recruté une petite centaine de personnes dans la filiale française alors que nous étions moins de dix à l’ouverture du bureau », avance Fadi Naffah.

Les entreprises françaises acceptant de témoigner lors de la conférence annuelle, Celosphere 2024, sont néanmoins peu nombreuses. Le dirigeant compte six clients, dont Danone, Engie et GRT Gaz (les autres n’ont pas souhaité être cités) ayant accepté de témoigner lors de l’événement de Munich, les 22 et 24 octobre derniers. « L’année dernière, ils étaient deux », note le dirigeant. Pour autant, les clients français sont venus écouter leurs pairs. « Lors de Celosphere 2024, nous avons reçu une délégation française de plus de 70 personnes qui représentent 26 clients ». À titre de comparaison, la conférence a réuni environ 3 000 participants.

L’exercice n’a rien d’évident en matière d’image de marque. Il met en lumière les inefficiences ou les dérives des processus au sein des entreprises avant leur correction. Les retours nécessitent généralement d’évoquer un sujet culturellement sensible en France : les gains financiers. D’autant que les entreprises au fait du process mining évoquent des économies ou des gains chiffrés en dizaines de millions d’euros, voire en centaines de millions d’euros/de dollars pour les plus avancées.

Celonis veut que sa plateforme devienne « critique » pour les entreprises

Les résultats sont enviables. Et Celonis en joue. L’objectif de l’éditeur ? Que sa solution gagne en estime auprès des directions d’entreprise.

« Nous commençons à avoir des discussions avec les COMEX parce que ce que nous proposons affecte le futur de leurs activités », déclare Fadi Naffah. « Notre solution n’est plus cataloguée dans la catégorie “nice to have”, mais elle n’est pas encore à 100 % considérée comme un “must have” », évalue-t-il. « Notre Graal, c’est d’être “mission critical” chez nos clients, comme peuvent l’être les éditeurs d’ERP ou de CRM. Nous n’y sommes pas encore ».

« Notre Graal, c’est d’être “mission critical” chez nos clients, comme peuvent l’être les éditeurs d'ERP ou de CRM. Nous n’y sommes pas encore ».
Fadi NaffahVice-président, directeur général France et MEA, Celonis

Pour y arriver, Celonis ne vend pas seulement une plateforme logicielle, mais aussi la méthodologie qui va avec. Il entend faire deux choses complexes : changer les processus et la manière de travailler des métiers.

« J’ai demandé à mes équipes de ne pas “pitcher” le process mining. Nous sommes des agents de transformation », affirme Fadi Naffah. « Nous nous penchons sur les problèmes des dirigeants et nous leur proposons une solution pour les résoudre en partie ».

La porte d’entrée ? La comptabilité et la finance. Historiquement, Celonis s’est concentré sur les processus liés à la gestion de comptes fournisseurs, des comptes clients et sur les processus de traitement et de reporting financier. L’objectif, selon Fadi Naffah ? Maximiser le compte de résultat et le flux de trésorerie. « Les premiers cas d’usage se concentraient donc sur les achats, avec un accent sur l’amélioration du cashflow, du P&L, et la réduction des achats non conformes (maverick buying). Cela représente les gains les plus faciles à obtenir ». La plateforme permettrait de détecter « dès la connexion » les paiements en double, les retards dans les délais de paiement, les crédits non appliqués, etc.

La plupart des clients français qui témoignaient lors de Celosphere 2024 sont encore à cette première phase – dont le traitement n’est pas aussi simple qu’il y paraît – mais ils ont compris où l’éditeur souhaite les amener.

Tous les grands groupes croisés lors de l’événement ont déployé ou déploient des centres d’excellence.

Se tourner davantage vers les métiers

« Aujourd’hui, nous opérons un changement de cap : au-delà des processus financiers, nous investissons dans le cœur d’activité de nos clients, notamment au sein de la supply chain et de la production », déclare Fadi Naffah. « Cette évolution est déterminante, car l’application de nos solutions à la supply chain marque un tournant stratégique ».

Des grands comptes français s’appuient sur la plateforme de Celonis pour surveiller et améliorer la gestion des stocks et d’autres processus industriels. L’éditeur met surtout en avant son client le plus avancé en la matière : le fabricant munichois d’automobiles, BMW. « Le PDG de BMW dit qu’il n’y a aucune voiture qui sort des usines de BMW qui n’est pas touchée par Celonis. Nous avons plus de 89 cas d’usage chez BMW », lance Fadi Naffah.

Et pour assurer sa pérennité au sein des entreprises, Celonis mise sur les métiers. « Ce sont les comptables, les responsables des opérations dans les entrepôts. Nous développons un ensemble d’applications pour leur simplifier la gestion de la compatibilité, des inventaires, de la production, etc. »

Le machine learning et l’IA générative – deux thématiques importantes lors la conférence annuelle – devraient les aider à obtenir des recommandations et à effectuer ce travail plus rapidement.

Néanmoins, l’autre point de départ de Celonis, la migration de systèmes, dont SAP ECC vers S/4HANA, demeure essentiel pour l’éditeur. « Nous pouvons aider nos clients et les intégrateurs à comprendre les processus “as is”, puis à vérifier si le nouveau processus est meilleur ou non que le précédent avec nos moyens de vérification de la conformité et de comparaison entre les entités », évoque le dirigeant de la filiale française.

Les entreprises qui témoignaient lors de Celosphere 2024 avancent prudemment. Elles ont commencé par des phases expérimentales ainsi que des POCs et commencent à utiliser quotidiennement le process mining et l’intelligence des processus. Elles n’ont pas forcément automatisé ce suivi ou alors elles n’exploitent pas encore les technologies de BPM et d’IA de Celonis. L’éditeur développe ses capacités d’automatisation depuis environ cinq ans, avec les rachats successifs de Banyas, Integromat (Make), Lenses.io, PAF, Sailfin et Symbioworld entre 2019 et 2023. Selon Fadi Naffah, Symbioworld ajoute la couche BPM qui manquait à Celonis. « Avec le process mining, le BPM, l’excellence opérationnelle, nous obtenons une approche et une compréhension globale », vante-t-il.

Une plateforme complexe et chère, mais qui a fait ses preuves, selon Gartner

Pour autant, les analystes de Gartner observent chez ses interlocuteurs une « courbe d’apprentissage abrupte pour tirer le meilleur parti de l’étendue des fonctionnalités et de la flexibilité de la plateforme ». D’où la raison d’être des centres d’excellence et des applications précâblées, mais également l’existence de 400 partenariats avec des éditeurs et intégrateurs tiers.

Car connecter et traiter les données en provenance de dizaines de systèmes sources demeure un travail complexe. Aussi, Celonis a introduit depuis un an l’approche Object-Centric Process Mining (OCPM), qui permettrait d’obtenir une vision plus globale des processus et de leurs interconnexions. Une centaine de clients l’a adoptée.

Ce modèle de données est accompagné d’un positionnement tarifaire légèrement différent, selon les observations de Gartner dans son Magic Quadrant 2024. « Les grands clients nous ont dit que le nouveau modèle de tarification peut être complexe au début ou lors du passage au modèle de données de processus centré sur les objets. Ils ont notamment évoqué la manière dont les revenus d’une organisation sont pris en compte dans la tarification finale et l’approche processus par processus ».

Malgré ces deux aspects, les avis listés sur le Gartner Peer Insights et les retours d’expérience suivis par LeMagIT démontrent un niveau de satisfaction élevé de la part des clients.

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