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L’IA agentique, nouveau cheval de bataille du stockage et de la sauvegarde

Au-delà des chatbots, les fournisseurs de baies de disques et de logiciels de backup déploient des fonctions qui se substituent aux humains pour accomplir les tâches d’administration les plus ingrates. Y compris la curation des données en amont d’une IA générative.

Les fournisseurs de solutions de stockage et de protection des données voient une nouvelle opportunité de marché dans la fourniture d’agents d’intelligence artificielle, ou IA agentique. En substance, il s’agit de logiciels qui remplacent automatiquement l’administrateur dans ses tâches les plus ingrates. Observant en permanence un jeu de données, l’agent peut les sauvegarder, trier les informations sensibles ou encore vérifier des fichiers de code.

« L’IA agentique est en quelque sorte la dernière étape de l’automatisation, celle où l’informatique décide à la place d’un humain de mener les actions qui s’imposent. Et les services de stockage en deviendront probablement un composant dans un avenir proche, car l’automatisation de la création ou de la suppression des ressources de stockage, par exemple, pourrait grandement libérer les administrateurs pour des tâches plus critiques », commente Mike Gualtieri, analyste chez Forrester.

L’IA agentique la plus connue est celle des voitures capables de faire des manœuvres en toute autonomie. En informatique, un besoin actuel de l’IA agentique serait de filtrer les données avant de les livrer à… une IA générative.

C’est d’ailleurs ce que s’efforcent de faire en ce moment des fournisseurs de baies de stockage comme NetApp et Dell. Leurs solutions, qui ne relèvent pas encore totalement d’une IA agentique, consistent à générer des métadonnées à partir des fichiers stockés pour ensuite, via des règles ou des requêtes écrites à la main, trier celles à livrer à une IA générative ou un moteur d’entraînement de LLM.

Ctera à l’avant-garde de l’IA agentique

La startup Ctera, qui propose une passerelle NAS locale aux services de stockage en ligne, est pour sa part sur le point de lancer un nouveau module permettant à ses clients de créer des agents d’IA qui observent les fichiers que sa solution partage. Aron Brand, directeur technique de Ctera, cite également la possibilité de trier automatiquement les données en amont d’une IA générative : « Les projets d’IA générative vivent ou meurent en fonction des données dont ils disposent. Ce qui détermine la réussite d’un projet d’IA, c’est la qualité des données. Les passerelles de stockage de sociétés telles que la passerelle de Ctera a déjà une visibilité sur les référentiels et les silos de données de l’entreprise. Elle peut aider les utilisateurs à tirer rapidement des informations et de la valeur de ces fichiers. »

« Les projets d’IA générative vivent ou meurent en fonction des données dont ils disposent. Ce qui détermine la réussite d’un projet d’IA, c’est la qualité des données. »
Aron BrandDirecteur tehnique, Ctera

Les agents d’IA, appelés AI Experts dans la solution de Ctera, peuvent être créés par des administrateurs avec des caractéristiques et des domaines de connaissances précis. Le moteur de génération propre à Ctera, basé sur la recherche, peut automatiquement mettre à jour les agents au fur et à mesure que de nouvelles données passent par sa passerelle NAS. Les entreprises peuvent également intégrer des politiques d’identité afin que les AI Experts et les utilisateurs soient limités à des ensembles de données spécifiques pour les actions à entreprendre.

Ces AI Experts ont besoin d’un LLM préentraîné pour mener leurs réflexions. Il peut s’agir de LLM que l’entreprise installe en local ou juste d’une connexion vers le service OpenAI.

Ces agents font partie d’une extension Ctera Data Intelligence qui sera commercialisée l’année prochaine. Son prix sera fonction du volume total de stockage géré par la passerelle. Les clients auront besoin de jetons spécifiques LLM pour les frais de transaction.

Cohesity voit son avenir dans l’IA agentique

De son côté, l’éditeur de solutions de sauvegarde Cohesity ne propose pas encore d’IA argentique, mais un chatbot appelé Gaia qui offre des fonctionnalités similaires pour les données indexées dans sa solution, Cohesity Data Cloud Platform. Il faut juste lui demander verbalement d’exécuter des fonctions, il ne détecte pas encore tout seul lorsqu’elles sont nécessaires.

Selon Gregory Statton, responsable des outils d’IA chez Cohesity, le fournisseur cherche à faire évoluer Gaia afin d’en faire davantage un assistant pour les tâches liées à la sauvegarde et à la gestion des données, plutôt qu’il serve à définir des coffres-forts. L’ambition initiale, formulée au moment où les ransomwares étaient plus en vogue que l’IA générative, était en effet de simplifier les sauvegardes immuables.

Gaia permet aux administrateurs des sauvegardes de mieux faire leur travail en décomposant les alertes, en enregistrant et en faisant apparaître l’historique des actions récentes, ainsi qu’en faisant des suggestions de remèdes une fois qu’on lui a demandé l’état de sécurité de certaines données et qu’il y a trouvé des failles.

« Nos clients administrateurs de sauvegarde sont déjà des experts de notre système. Ils voudraient à présent une intelligence plus profonde qui soit plus consciente du contexte dans lequel ils travaillent », reconnaît Gregory Statton en suggérant que sa solution se dirige vers une certaine forme d’autonomie.

L’IA de Rubrik collabore avec CoPilot de Microsoft pour prendre des décisions

« Les fournisseurs de solutions de protection et de stockage des données sont dans une position privilégiée sur le marché de l’IA agentique, car ces produits disposent déjà d’une variété d’accès pour analyser les données », approuve Mary Jander, analyste au cabinet d’études Futuriom. Mais elle précise : « et ceux qui établissent déjà des connexions avec des outils de cybersécurité pourraient même offrir des garanties de protection de leurs agents. »

Justement. Rubrik, autre éditeur de sauvegarde, voit une opportunité dans la montée en puissance des agents d’IA et des chatbots. L’objectif de son nouveau produit Data Security Posture Management (DSPM) est d’offrir en permanence un point de vue sécuritaire sur les données stockées par Microsoft 365, en s’interfaçant avec le chatbot Copilot de Microsoft.

Copilot ne s’occupant pas tout seul de surveiller qui accède aux données, DSPM lui demande de le faire, y compris de vérifier les autorisations inappropriées ou le partage de données sensibles. Ses découvertes sont ensuite prises automatiquement en compte dans les sauvegardes qu’effectue Rubrik.

« L’IA se fraye un chemin dans nos applications et nos appareils, mais nous avons besoin d’une autre IA pour protéger ces applications. »
Krista CaseAnalyste, Futurum Group

« On retrouve le thème d’utiliser l’IA pour protéger, derrière, l’IA générative. En effet, les entreprises ayant des projets d’IA auront probablement besoin d’outils de surveillance supplémentaires pour suivre le déluge de données non structurées susceptibles d’entrer dans un projet d’IA générative et pour restreindre des informations sensibles ou confidentielles », estime Krista Case, analyste chez Futurum Group.

« C’est devenu une thématique populaire en matière de sécurité. L’IA se fraye un chemin dans nos applications et nos appareils, mais nous avons besoin d’une autre IA pour protéger ces applications », ajoute-t-elle.

Et Mary Jander de conclure que l’engouement pour les agents d’IA relève finalement d’un effet de bord de la frénésie actuelle des entreprises pour l’IA générative. « La plupart des entreprises n’ont probablement pas les moyens d’investir plusieurs millions de dollars dans des GPU et d’autres équipements pour un projet interne d’IA générative. Elles pourraient en revanche se tourner vers des agents d’IA prêts à l’emploi dans les solutions des fournisseurs pour expérimenter l’IA générative », dit-elle.

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