Huawei en Europe : sous haute surveillance, mais toujours fournisseur

Dans un contexte géopolitique tendu, Huawei fait face à la méfiance des autorités européennes. Au cœur des préoccupations : la sécurité des réseaux 5G. Pour autant, il continue de vendre ses équipements aux opérateurs locaux.

Salon Network X. Huawei, le géant chinois des télécommunications, était bien présent en octobre sur le salon parisien Network X – comme son concurrent ZTE, lequel subit peu ou prou les mêmes restrictions. Il y présentait de nombreuses solutions pour les opérateurs européens, qu’il s’agisse de technologies optiques ou de fibres. Un porte-parole de l’entreprise pour la France nous explique que, s’il existe bien des restrictions de commercialisation au niveau de la 5G, la plupart des produits Huawei continuent à être commercialisés en France et dans d’autres pays européens.

C’est par exemple le cas des solutions Fiber To The Room (FTTR) qui étendent la fibre optique dans chaque pièce de la maison ou au sein des PME, notamment via la gamme de routeurs OptiXstar. À l’heure actuelle, les solutions FTTR sont principalement commercialisées en Asie avec plus de 15 millions d’utilisateurs.

Notons également que si les téléphones Huawei sont toujours commercialisés en France, les restrictions autour du Google Play Store et des applications Google ont considérablement réduit les parts de marché d’un constructeur qui fut pendant un temps numéro 1 mondial. Avant les restrictions de 2019, Huawei disposait d’environ 20 % du marché français et était 3e vendeur français. Ce chiffre est aujourd’hui tombé à moins de 2 %.

La France opte pour une voie médiane

Sans prononcer d’interdiction formelle, l’Hexagone a mis en place un dispositif de contrôle assez strict. L’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) tient désormais les rênes : chaque installation d’équipement Huawei doit passer sous son appréciation. Les autorisations, limitées à huit ans, dessinent en filigrane une stratégie d’éviction progressive du constructeur chinois.

Sur le terrain, les grands opérateurs français ont déjà tiré leurs conclusions. Orange et Bouygues Telecom se tournent résolument vers les Européens Nokia et Ericsson, pour leurs infrastructures 5G dans les grandes villes et les zones sensibles. Toutefois, ces opérateurs n’ont pas encore décidé de cesser de s’appuyer sur Huawei. Il reste leur partenaire dans les zones moins denses et, notamment, pour le réseau terrestre 50G-PON dont Orange a effectué les premières démonstrations au printemps dernier.

Un patchwork de réponses européennes

Le positionnement européen face à Huawei révèle une Europe à géométrie variable. Le Royaume-Uni a tranché dans le vif : d’ici à 2027, plus aucun équipement Huawei ne devra figurer dans les réseaux 5G britanniques.

Après une approche plus nuancée, l’Allemagne a également tranché durement : « Sur le cœur du réseau 5G, les composants Huawei et ZTE ne pourront plus être utilisés d’ici à fin 2026 au plus tard. Pour les réseaux d’accès et de transport 5G, les systèmes de gestions critiques devront être remplacés au plus tard fin 2029 », a indiqué la ministre Nancy Faeser lors d’une conférence de presse. « Cette décision vaudra pour l’ensemble de l’Allemagne », a-t-elle ajouté.

L’Italie a calqué sa position sur le modèle français, tandis que la Suède et la Pologne ont adopté une ligne dure. Cette mosaïque de mesures reflète la complexité du débat entre sécurité nationale et enjeux économiques.

En toile de fond de ces décisions européennes plane l’influence américaine. Washington, qui accuse ouvertement Huawei d’être un cheval de Troie potentiel du gouvernement chinois, exerce une pression constante sur ses alliés. Les sanctions américaines contre le groupe chinois ont créé un effet domino, poussant de nombreux pays européens à revoir leur copie.

En 2023, la Commission européenne, par la voix de son commissaire de l’époque, Thierry Breton, avait pris des décisions : « À partir d’aujourd’hui, la Commission européenne n’achètera pas de services de connectivité reposant sur des équipements de Huawei et ZTE. Nous demandons à nos services de connectivité et à nos fournisseurs de se libérer de Huawei et de ZTE. Cela s’applique aux nouveaux contrats et aux contrats existants [et] à tous les établissements de la Commission européenne et nous demandons aux autres institutions de l’UE de faire de même ».

Face à ces accusations, Huawei a contre-attaqué en multipliant les campagnes de communication et les actions de lobbying pour défendre son intégrité et préserver ses parts de marché en Europe.

Le constructeur avait d’ailleurs réagi en déclarant dans un communiqué : « Désigner publiquement une entreprise comme un fournisseur à haut risque sans fondement juridique va à l’encontre des principes du libre-échange. Cette qualification discriminatoire ne devrait jamais être appliquée sans procédure justifiée et sans audition adéquate. »

Il convient d’ailleurs de noter que le responsable de la cybersécurité du groupe n’est autre que l’ancien directeur informatique du gouvernement anglais – John Suffolk. À ce jour, il n’a jamais été démontré que les produits et technologies Huawei contenaient des malwares, logiciels d’espionnage ou chevaux de Troie. Et, ce, malgré des centaines d’analyses effectuées en Europe ou aux États-Unis.

De manière plus globale, si Huawei reste présent sur le marché européen des télécommunications, son horizon s’assombrit dans le secteur de la 5G. L’Europe privilégie désormais la prudence, quitte à se priver des technologies avancées du géant chinois. Une situation qui pourrait redessiner durablement le paysage des télécommunications sur le Vieux Continent. Cette réorientation profite aux équipementiers européens Nokia et Ericsson, qui s’imposent comme les alternatives de choix pour les opérateurs du continent. Un retour de balancier qui illustre la volonté européenne de reprendre la main sur ses infrastructures critiques.

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