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La révolution silencieuse des télécoms : le virage cloud-native ETSI

La migration des opérateurs de télécommunications vers des solutions cloud-native représente un tournant majeur dans l’optimisation et la modernisation des infrastructures réseau.

Salon Network X. Dans un monde où la connectivité est devenue aussi essentielle que l’électricité, les opérateurs de télécommunications orchestrent une révolution silencieuse. Leur objectif ? Transformer radicalement leurs infrastructures pour embrasser l’ère du cloud-native. Cette mutation profonde redéfinit non seulement la manière dont les réseaux sont construits et gérés, mais aussi comment les services sont délivrés aux consommateurs.

« Nous assistons à un changement de modèle », explique Juan Pedro Fernandez Palacios de Telefonica, lors du salon Network X, qui s’est tenu ce mois-ci à Paris et qui présentait notamment les dernières évolutions des réseaux télécoms.

« Les opérateurs abandonnent progressivement leurs équipements propriétaires au profit de solutions virtualisées. D’abord avec les VNF (Virtualized Network Functions), puis avec leur évolution naturelle : les CNF (Cloud-Native Network Functions). Ces dernières, conçues spécifiquement pour l’environnement cloud, permettent une agilité et une scalabilité sans précédent », ajoute-t-il.

« Les opérateurs abandonnent progressivement leurs équipements propriétaires au profit de solutions virtualisées. »
Juan Pedro Fernandez PalaciosHead of Unit Transport Networks Telefonica CTIO

La multiplicité des solutions Open Source montre également la dynamique. Au sein de l’ETSI, qui s’occupe de déterminer des standards, il existe plusieurs groupes de travail dédiés à ces technologies, notamment OpenSlice ou encore OSM.

L’Europe n’est pas en reste avec le lancement voici 2 ans du projet Sylva qui réunissait au départ cinq opérateurs (Telecom Italia, Orange, Vodafone, Telefonica et Deutsche Telekom) et deux fournisseurs (Nokia & Ericsson) avec pour but d’accélérer la cloudification du réseau télécom tout en respectant les exigences de l’UE en matière de sécurité, de confidentialité et d’écologie. La version 1.0 est sortie au printemps dernier avec désormais 27 sociétés qui contribuent à son développement.

Réarchitecturer l’infrastructure

Une illustration de cette évolution vers des architectures désagrégées est fournie par Open RAN qui décompose l’architecture RAN en trois éléments distincts. Radio Unit (RU) pour la gestion des signaux radio. Distributed Unit (DU) pour traitement en temps réel. Et Centralized Unit (CU) pour les fonctions non-temps réel.

Autre illustration, la capacité de découpler des fonctions télécoms, auparavant intégrées dans le même équipement, pour les exécuter en mode cloud-native sur des infrastructures distinctes. Il en va ainsi des trois plans distincts, mais interconnectés, qui orchestrent le flux incessant de données : le plan de contrôle (le cerveau), le plan de données (responsable du transport des données) et le plan de gestion (tableau de bord).

Dans l’univers complexe des réseaux de télécommunications modernes, cette architecture tripartite, souvent méconnue du grand public, est pourtant essentielle au fonctionnement de nos communications. Exécuter ses différentes parties séparément contribue à rendre leur fonctionnement bien plus réactif.

Au cœur de cette transformation se trouve Kubernetes, devenu l’outil incontournable pour orchestrer ce nouveau monde containerisé. Cette technologie permet aux opérateurs de déployer et gérer leurs services avec une flexibilité inédite, que ce soit dans le cloud public ou privé.

« C’est comme passer d’un orchestre figé à un ensemble de musiciens virtuoses capables de s’adapter instantanément », illustre le responsable technique d’un opérateur rencontré par LeMagIT, sur le salon Network X. « Avec Kubernetes, les opérateurs peuvent mieux gérer des environnements multicloud ou hybrides (cloud public et cloud privé), facilitant ainsi le déploiement de nouveaux services à la demande et dans des zones géographiques variées. »

L’adoption de l’Infrastructure as Code (IaC) révolutionne la gestion des réseaux. Les opérateurs peuvent désormais décrire leur infrastructure comme du code, automatisant ainsi des processus autrefois manuels et chronophages. Cette approche réduit les erreurs humaines et accélère considérablement le déploiement de nouveaux services.

Une transformation en cours pour tout le secteur

Les opérateurs télécoms migrent progressivement leurs fonctions réseau critiques vers des environnements cloud-native. Cela inclut des éléments comme le cœur de réseau 5G (5G-Core), qui est aujourd’hui conçu pour être cloud-native, offrant ainsi une flexibilité accrue pour gérer les différentes couches du réseau (accès radio, transport, cœur, etc.).

Les fonctions réseau comme la gestion des abonnés, les firewalls et les passerelles sont également migrées sous forme de microservices afin d’améliorer la résilience et la scalabilité. Les opérateurs adoptent massivement des standards industriels ouverts, notamment l’Open Network Automation Platform (ONAP).

Dans ce nouveau paysage, la sécurité n’est pas en reste. Les opérateurs adoptent des approches zero-trust sophistiquées, où chaque composant doit prouver son identité. « La sécurité n’est plus une couche supplémentaire, elle est intégrée à l’ADN même de nos réseaux », souligne le responsable technique de l’opérateur cité précédemment.

Cette transformation attire de nouveaux acteurs. Les géants du cloud comme AWS, Google Cloud et Microsoft Azure nouent des partenariats stratégiques avec les opérateurs. Les start-ups spécialisées dans les solutions cloud-native trouvent également leur place, apportant innovation et agilité à un secteur traditionnellement conservateur. Ces solutions offrent également une capacité d’analyse des données en temps réel grâce à l’intelligence artificielle.

Selon une analyse technique de McKinsey, l’adoption d’architectures ouvertes pourrait : réduire la complexité d’intégration de 40 %, améliorer l’efficacité spectrale de 15 % et accélérer le time-to-market des nouvelles fonctionnalités de 30 %.

Malgré l’enthousiasme, des difficultés demeurent. La migration des services critiques vers le cloud soulève des questions de fiabilité et de performance. Pour ces raisons, nombreux sont les opérateurs qui optent pour une approche hybride, gardant certains éléments critiques sur site tout en profitant des avantages du cloud pour d’autres services.

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