SAP « a l’intention » d’héberger S/4HANA Cloud sur Bleu
SAP a annoncé sa volonté d’héberger ses solutions sur le futur cloud SecNumCloud Bleu. L’offre RISE with SAP inclura probablement la solution portée par Orange, Capgemini et Microsoft, mais l’éditeur allemand avance très prudemment.
Alors qu’il freinait des quatre fers concernant le cloud souverain, SAP a changé de braquet en 2020 pour les administrations allemandes.
Depuis cette même année, le club des utilisateurs français de SAP, l’USF, réclame une offre souveraine.
Entretemps, en 2021, SAP a revu son offre commerciale en misant sur sa solution de contractualisation Rise With SAP, en souhaitant devenir l’unique interlocuteur de ses clients qui migrent vers le cloud.
Depuis, OVHcloud a lancé une offre d’hébergement de SAP HANA sur ses instances qualifiées SecNumCloud.
L’année dernière, constatant la résistance de SAP au fait de proposer une offre souveraine rattachée à Rise with SAP, l’USF, et plus particulièrement sa commission service public, a poussé les offres SecNumCloud en devenir que sont S3NS, de Google et de Thales, et Bleu porté par Orange et Capgemini sur des technologies Microsoft Azure.
En février 2024, T-Systems est devenu un fournisseur premium dans le cadre RISE with SAP. Il propose, via l’offre RISE with SAP S/4HANA Cloud, private edition, customer data center option, de déployer l’ERP sur ses data centers allemands, respectueux des exigences souveraines, sans toutefois bénéficier de la qualification française SecNumCloud.
Une annonce qui avait été bien accueillie par l’USF, mais que SAP France ne semble pas avoir présentée plus en détail à ses clients français. Cela ne veut pas dire que le groupe allemand n’écoute pas.
« Je suis ravi aujourd’hui de vous annoncer que sur le marché français, nous allons pouvoir répondre aux réglementations relatives aux technologies de l’information, puisque nous avons annoncé notre intention de déployer le cloud souverain en France, hébergé chez Bleu, le projet de Capgemini et d’Orange », dévoile Olivier Nollent (en photo en haut de l'article), directeur général chez SAP France, lors du jour 2 de la convention de l’USF.
« Nous allons tirer parti de la prochaine certification SecNumCloud, la condition préalable, bien sûr, au déploiement des solutions SAP sur les data centers français de Bleu. L’objectif […] est de pouvoir offrir aux clients qui ont cette nécessité un environnement sécurisé et conforme [dans une démarche de] transformation numérique et répondre à la doctrine cloud au centre de l’État ».
Les clients qui auraient cette « nécessité » seraient l’ensemble du secteur public français, dont les ministères, et les secteurs de la défense et de l’espace, selon Olivier Nollent. « En ce qui concerne les tarifs, même si aucune annonce précise n’a été faite, il est clair qu’au vu de la proposition, ils seront forcément plus chers que ceux que vous pouvez obtenir chez un hyperscaler américain », ajoute-t-il lors d’un point presse.
Reproduire le partenariat SAP – Arvato-Microsoft Azure
En réalité, l’annonce a été réalisée un mois plus tôt par Thomas Saueressig, membre du conseil d’administration et directeur général pour les services à la clientèle et la livraison chez SAP, lors du Cercle de la confiance, un événement organisé par Bleu ayant eu lieu le 9 septembre dernier au Campus Cyber à Paris. L’information a été (avec peu de clarté) diffusée sur les réseaux sociaux de Bleu.
Une annonce qui semble répondre à la question de la prise en charge du cloud souverain par l’USF. SAP a donc pesé le pour et le contre entre S3NS et Bleu. « Nous avons retenu Bleu parce que nous avions déjà collaboré avec Arvato pour déployer une infrastructure Azure afin de desservir les besoins du gouvernement fédéral allemand », indique Orlando Appell, directeur des opérations chez SAP France, lors d’un point presse. « C’était aussi une opportunité de démultiplication d’un savoir-faire qu’on a construit [avec Arvato] ».
Au début du mois de septembre, Bleu a également présenté ses douze « premiers partenaires », à savoir Accenture, Avanade, Capgemini, Cellenza, Claranet, Computacenter, Exakis Nelite groupe Magellan, Experteam, Orange Business, SCC, Sopra Steria et Wavestone. Dans la liste, un bon nombre d’entre eux sont des habitués de l’intégration de l’ERP allemand.
Est-ce que l’offre sera déclinée sur S3NS ? Pour l’instant, ce n’est pas prévu.
Bleu dans RISE with SAP ? Une certitude probable
Pour autant, la réponse, faite devant les plus de 1 000 personnes présentes dans la salle, n’inclut pas la variable RISE. Une des demandes faites, à nombreuses reprises, par Gianmaria Perancin, le président de l’USF.
Questionné à ce sujet, Olivier Nollent répond : « Je pense qu’on peut dire de manière certaine que Bleu sera dans RISE, mais [cette modalité d’hébergement] pourra être proposé pour d’autres solutions ».
Quid de la PaaS BTP (Business Technology Platform) sur Bleu ? « Elle est pratiquement indispensable », ajoute le directeur général de SAP France.
« Il est important de noter que “SAP a l’intention de…” », souligne Orlando Appell. En clair, l’éditeur fait encore preuve de prudence et semble manipuler le cloud souverain avec de grosses pincettes.
SAP attend la qualification SecNumCloud
Dans un même temps, Bleu… est encore bleu.
« Bleu a précisé l’avancement de sa préparation au processus de qualification SecNumCloud 3.2, avec pour objectif la soumission de son dossier avant la fin de l’année », précise la communication de la joint-venture. Dans le jargon de l’ANSSI, cette étape s’appelle le « jalon 0 ». Si le dossier est accepté, il s’ensuit une période d’environ un an et dix-huit mois avant l’obtention de la qualification, d’après les données partagées par les fournisseurs ayant vécu le processus et l’ANSSI.
Il faut ensuite que SAP déploie ses solutions, en espérant qu’il ait défini suffisamment tôt le périmètre des solutions à déployer. Il faudrait, selon cette logique, tabler dans les meilleures conditions pour une arrivée des solutions SAP sur Bleu à l’horizon 2026. Une date de disponibilité que l’éditeur allemand ne souhaite pas confirmer.
SAP se donne donc le temps, sachant que l’ENISA, sous pression, ne semble pas vouloir intégrer les exigences SecNumCloud dans le schéma de certification européen EUCS.
« C’est compliqué d’arriver à un cadre totalement organisé au niveau européen », a affirmé Vincent Strubel, directeur général de l’ANSSI, lors de la conférence d’ouverture des Assises de la cybersécurité à Monaco. « Nous n’allons pas imposer notre point de vue ni renoncer à nos convictions. Nous allons harmoniser ce qui peut l’être et garder au niveau national ce qui ne fait pas consensus ».
Cela ne remet pas en question l’intention exprimée de SAP au regard de Bleu ni sa volonté de respecter les normes de cybersécurité européenne, selon Orlando Appell.
« Aujourd’hui, l’intention et la décision qu’on a prises, c’est celle d’accompagner chacun des pays, en dupliquant des savoir-faire qu’on a développés, je l’ai expliqué, sur Azure, et quelque part, d’avoir une compatibilité EUCS avec ces différents niveaux de gradation », affirme-t-il. « Donc nous restons tout de même dans notre philosophie d’adoption d’EUCS ».