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IA dans la Finance : la promesse d’une comptabilité « dynamique » face aux craintes pour l’emploi

Une étude de Forrester pour Sage révèle un fort contraste entre DAF et employés face à l’IA dans la finance. Si les premiers y voient un tremplin vers une vision en temps réel de l’entreprise, 63 % des seconds redoutent son impact sur leur métier.

Forrester Consulting a réalisé, à la demande de Sage, une étude auprès d’un peu plus de 2 300 responsables financiers de PME sur la manière dont l’intelligence artificielle va, selon eux, impacter la gestion comptable et financière d’ici 2030.

Comptabilité « dynamique » et financiers « stratèges »

Sage, qui infuse ses solutions avec de l’IA, est évidemment un partisan de cette technologie. L’IA doit permettre, pêle-mêle, « de bénéficier d’une efficacité opérationnelle inégalée, d’une conformité améliorée, d’une gestion des risques solide et de prévisions financières plus précises », vante Aaron Harris, directeur des technologies (CTO) de l’éditeur.

Celui-ci parle même d’une « nouvelle ère » pour la profession qui, grâce aux algorithmes, obtiendra des informations en temps réel et en continu.

Forrester fait quelques prévisions, dans le rapport, qui vont dans ce sens. Par exemple, le cabinet d’analystes estime que l’IA va transformer en profondeur le « forecast & planning » et que plus de 90 % des PME utiliseront des outils d’IA pour la surveillance continue et la détection des anomalies, ce qui devrait réduire les erreurs et la fraude de plus de 95 %. Quant à la clôture mensuelle, Forrester la voit tout simplement disparaître au profit de pratiques comptables « dynamiques ».

Mais il y a un « mais ». Comme souvent avec les études sur l’IA.

D’un côté, les entreprises et les DAF se montrent optimistes, voire enthousiastes. 96 % des sondés en France sont ainsi satisfaits de leurs capacités à améliorer leurs prises de décision grâce à l’IA. Plus de la moitié des PME françaises (57 %) voit également dans l’IA une technologie capable de faire évoluer leurs modèles économiques. Et 64 % des DAF et des comptables pensent que, grâce à elle, leur poste va évoluer vers le conseil stratégique.

Des freins, des défis et des peurs

Un plébiscite donc ? Pas tout à fait.

Car d’un autre côté 63 % des employés sont et restent réticents à l’IA. Sur ce point, la France serait même l’une des plus frileuses, note Sage, confirmant un constat déjà établi. Une frilosité qui pourrait refléter une réticence culturelle à adopter les nouvelles technologies, envisage l’éditeur britannique.

Dans le même ordre d’idée, un tiers des salariés français sondés se disent préoccupés par la sécurité de leur emploi. Résultat, les comptables français ne se formeraient que modérément à l’IA (42 %) qu’ils perçoivent comme une menace.

Ce point est intéressant, car BCG X notait dans une récente étude que plus on utilise l’IA, plus on a confiance en elle ; et plus on se forme à l’IA, plus on rend ses compétences pérennes.

« Les avancées technologiques, en particulier dans le domaine de l’IA, peuvent à juste titre susciter des inquiétudes chez les comptables et les employés », concède le CTO de Sage au MagIT. « Mais il est essentiel de considérer ces innovations comme des opportunités plutôt que comme des menaces. […] Pour apaiser les inquiétudes, il est crucial que les comptables et les employés français restent à la pointe en participant aux initiatives de formation et d’éducation disponibles ».

Cette dimension humaine serait d’ailleurs la cause de deux des plus gros freins identifiés par Forrester pour l’adoption de l’IA dans la finance et la comptabilité : le manque d’expertise pour utiliser ces « nouveaux » outils (63 %), et la résistance au changement (61 %) – juste derrière les problématiques de sécurité et de confidentialité (65 %) et devant les coûts (60 %), les difficultés d’intégration aux systèmes existants (59 %) ou la qualité des données (56 %).

L’IA va-t-elle augmenter le chômage des comptables ?

Reste la question des emplois eux-mêmes. Une question qui préoccupe 33 % des employés français, d’après cette étude de Sage. L’IA va-t-elle diminuer le nombre de comptables dont une entreprise a besoin ?

Pas du tout, en tout cas pas tout de suite, répond en substance Aaron Harris, quand on lui pose la question.

« Notre étude révèle que 28 % des entreprises françaises ont signalé une augmentation modérée des recrutements en raison de l’adoption de l’IA, tandis que près de 32 % n’ont observé aucun changement dans leurs pratiques de recrutement », argumente-t-il. « Cela indique qu’à ce jour, l’intégration de l’IA dans les processus comptables ne transforme pas encore radicalement les décisions de recrutement en France. »

« A ce jour ». « Pas encore ». Mais demain ? Le CTO se montre beaucoup plus évasif, évoquant plutôt la transformation – positive – du poste et de la fonction.

« En regardant vers l’avenir, le rôle des comptables est sur le point de connaître une réinvention stratégique. D’ici 2030, on estime que le temps consacré aux tâches transactionnelles sera réduit de moitié grâce à l’automatisation par l’IA », chiffre-t-il. « Leur expertise financière sera cruciale pour façonner les décisions opérationnelles clés et orienter la stratégie globale ».

D’où l’importance de la formation, insiste le dirigeant. « Bien entendu, les entreprises ont un rôle à jouer sur ce point », prévient-il. « En priorisant la formation et le développement, elles s’assureront que leurs équipes sont prêtes à naviguer dans la complexité d’un environnement dominé par l’IA ». Mais l’histoire ne dit pas s’il y aura toujours autant de matelots dans le bateau qui navigue sur l’IA.

L’enquête a été menée en août 2024 dans 8 pays (États-Unis, Royaume-Uni, France, Canada, Espagne, Portugal, Allemagne et Afrique du Sud) auprès des PME de 10 à 499 employés de tout secteur.

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