Le CTO de SAP part après un « comportement inapproprié »
Après un mea-culpa sur un « comportement » qu’il ne précise pas, Juergen Mueller quitte SAP après plus de 10 ans chez l’éditeur où il aura été un acteur majeur de la BTP et du « clean core ». SAP a désormais le board le plus inexpérimenté de son histoire. « Pas forcément une mauvaise chose », estime un analyste.
Le renouvellement de la direction de SAP se poursuit. Cette fois, c’est le directeur technique, Juergen Mueller, également membre du conseil d’administration, qui part après plus d’une décennie de service. Et quelques mois seulement après avoir prolongé son contrat de trois ans.
Juergen Mueller et SAP se sépareront le 30 septembre sur un accord mutuel. Le catalyseur de cette décision provient d’un « comportement inapproprié ». SAP n’a pas fourni d’informations supplémentaires sur ce « comportement ».
« Je souhaite évoquer un incident survenu lors d’un événement passé de l’entreprise, au cours duquel mon comportement a été inapproprié », confesse Juergen Mueller dans un communiqué. « Je regrette d’avoir été irrespectueux et je m’excuse sincèrement auprès de toutes les personnes affectées. Je reconnais que mon comportement à ce moment-là ne reflétait pas les valeurs de SAP. J’en assume l’entière responsabilité et je pense qu’il est préférable pour l’entreprise que je quitte mes fonctions. Je souhaite à l’équipe de continuer à connaître le succès. ».
Un des principaux artisans de BTP et du « clean core »
Le départ de Jurgen Mueller intervient un mois après ceux de Julia White, responsable du marketing et des solutions, et Scott Russell, responsable des ventes, effectifs depuis la fin du mois d’août.
SAP avait qualifié ces deux départs de « transition stratégique » pour rationaliser son conseil exécutif et se concentrer sur une « stratégie axée sur les suites et l’IA ». Le départ du CTO ne s’inscrit en revanche pas dans cette « transition » puisqu’il en était un des principaux artisans.
Jurgen Mueller avait en effet rejoint SAP en 2013 en tant que responsable de l’Innovation Center Network de l’éditeur avant de prendre le poste de directeur de l’innovation en 2016. Il avait ensuite été promu CTO et au conseil exécutif en 2019. En tant que directeur technique, Jurgen Mueller a joué un rôle majeur dans le développement de la Business Technology Platform (BTP), l’environnement de développement et d’intégration de SAP, aujourd’hui utilisé par plus de 23 000 clients, selon l’entreprise. Il a également été l’un des principaux promoteurs de la stratégie « clean core », qui vise à inciter les clients de SAP à revoir en profondeur leurs systèmes SAP pour revenir au code standard avant de migrer vers S/4HANA Cloud.
SAP estime que BTP et le clean core sont essentiels pour que les clients puissent tirer profit du cloud et des technologies de pointe telles que l’intelligence artificielle générative.
Christian Klein, PDG de SAP, reprendra la majeure partie du Technology and Innovation Board, anciennement dirigé par Jurgen Mueller, jusqu’à ce qu’un successeur soit nommé.
Jurgen Mueller supervisait également l’équipe Global Security and Cloud Compliance. Cette dernière rejoindra le Customer Services and Delivery Board sous la direction de Thomas Saueressig, également membre du conseil d’administration.
Pas de changements majeurs à venir
Pour Liz Herbert, analyste chez Forrester Research, Jurgen Mueller jouissait d’une bonne réputation, et était bien connu dans l’écosystème SAP. De sorte qu’il y aura probablement quelques perturbations négatives. D’autant que son départ intervient à un moment délicat, avec la conférence TechEd des développeurs de SAP prévue en octobre, où la BTP occupe souvent le devant de la scène.
Mais Liz Herbert n’anticipe pas pour autant de changements majeurs. SAP devrait nommer un remplaçant assez rapidement, étant donné qu’il s’agit d’un poste particulièrement important.
« Mon sentiment est que nous ne verrons pas nécessairement leur stratégie technologique varier, puisque [Mueller] ne semble pas partir en raison de différences professionnelles, mais plutôt en raison de ce fâcheux incident personnel », résume-t-elle.
Reste que Jurgen Muller « était une voix identifiable et fiable pour la communauté des développeurs SAP qui traversent de nombreuses phases de transitions actuellement », ajoute Jon Reed, cofondateur de Diginomica, société d’analyse IT. « Cela reste donc un changement pour SAP ».
Le Board le plus inexpérimenté de l’histoire SAP
Le départ de Jurgen Mueller est aussi le dernier signe en date de la fin de l’ère du cofondateur et icône de l’entreprise Hasso Plattner. Plusieurs cadres qu’il avait embauchés et encadrés partent, souligne Holger Mueller, analyste de Constellation Research (qui n’a pas de lien de parenté avec Jurgen Muller).
Lui aussi ne pense pas que ce départ aura une réelle influence sur la stratégie technique et l’avenir de la plateforme – dont la BTP. Toutefois, SAP se retrouve aujourd’hui avec le conseil d’administration le moins expérimenté de son histoire. Seulement trois membres y ont siégé depuis plus d’un an, rappelle Holger Mueller.
« Cela n’est pas forcément une mauvaise chose. Et nous pensons que Christian Klein va organiser SAP comme il l’entend », estime-t-il. Mais « les nouveaux recrutements du Chief Revenue Officer et du Chief Marketing Officer seront essentiels pour compléter l’équipe, afin de réaliser ce qui est vraiment important pour SAP, c’est-à-dire amener les clients à passer à S/4. »