VMware Explore 2024 : Tanzu Platform 10 arrive dans la controverse

Tanzu Platform 10 unifie enfin Cloud Foundry et Kubernetes. Cette fonction était attendue depuis des années, mais son arrivée est entachée par la vive polémique que suscitent les nouvelles pratiques commerciales de Broadcom.

VMware Tanzu Platform 10 achèvera un effort de plusieurs années visant à unifier complètement l’administration de Kubernetes et de Cloud Foundry. C’est ce que vient d’annoncer Broadcom à l’occasion de l’événement VMware Explore 2024 qui se tient cette semaine aux USA. Cet environnement d’administration unique était attendu de longue date par les ingénieurs de plateforme pour attribuer aux développeurs les ressources d’infrastructure Kubernetes et Cloud Foundry au sein d’un même Tanzu Hub.

Prévu pour novembre, Tanzu Platform 10 « offrira à Kubernetes une expérience de développement de type Cloud-Foundry, grâce à une couche d’abstraction centrée sur la partie applicative qui permet aux applications de fonctionner avec une gouvernance opérationnelle et une conformité cohérentes », selon un communiqué de presse publié cette semaine.

Ce qui est maintenant appelé Tanzu Platform était proposé sous deux formes : l’une, appelée Tanzu Application Platform, servait à administrer Kubernetes et l’autre, appelée Tanzu Application Service, administrait Cloud Foundry. Kubernetes et Cloud Foundry sont deux orchestrateurs d’applications en containers. Le premier fait désormais office de standard, le second est le produit historique créé par VMware et vendu aux grandes entreprises avant que Kubernetes ne s’impose. Des efforts antérieurs visant à réunir les modules Open source des deux produits avaient été abandonnés.

Broadcom, désormais propriétaire de VMware, a également annoncé cette semaine qu’il migrera Tanzu Kubernetes Grid Supervisor, l’une de ses implémentations maison de Kubernetes, dans la prochaine version 9 de VMware Cloud Foundation (VCF). Les autres versions de Kubernetes spécifiques à VMware – Tanzu Kubernetes Grid Integrated Edition (incluant la virtualisation de réseau NSX) et Tanzu Kubernetes Grid Management Cluster (plutôt dédié aux télécoms pour exécuter à distance des applicatifs en containers) – continueront de faire partie de l’offre Tanzu Platform. Mais en option.

En effet, Tanzu Platform n’est pas limité à l’administration des Kubernetes de VMware ; il peut contrôler toute distribution Kubernetes conforme aux normes CNCF, ainsi que les services d’infrastructure Kubernetes des hyperscalers. On pense notamment à AKS chez Azure et à EKS chez AWS.

Tanzu, un produit pris dans la tourmente actuelle de Broadcom

Reste à savoir ce que pèsent ces annonces dans un contexte où les clients de produits VMware expriment leur mécontentement à l’égard des nouvelles politiques commerciales – principalement une augmentation des tarifs – que Broadcom impose depuis qu’il a racheté l’éditeur.

Selon des visiteurs présents lors de VMware Explore 2024, nombre d’entreprises sont désormais heureuses de s’en tenir à des outils Open source, que ce soit pour administrer Kubernetes, comme pour administrer les versions Open source de Cloud Foundry. 

De fait, même si Tanzu Platform ne nécessite pas les autres abonnements aux produits VMware qui ont suscité l’ire des clients au cours des huit derniers mois, certains analystes pensent que le produit sera une victime collatérale de l’abandon de VMware. Abandon qui trouve sa raison dans des augmentations de prix spectaculaires – certaines allant jusqu’à 700 %.

Le cabinet d’études Forrester prédisait ainsi que 20 % des clients VMware « vont s’échapper des technologies du fournisseur » dans son rapport d’octobre 2023 concernant les prévisions technologiques pour 2024. Et c’est bien ce qui se confirme jusqu’à présent, selon Naveen Chhabra, analyste au sein du cabinet : « Les clients ne s’intéressent pas aux caractéristiques des produits pour l’instant. Ils sont contrariés par tous les changements majeurs apportés par Broadcom. La plupart des clients sont occupés à se demander comment s’éloigner de VMware ».

« Rester chez VMware a du sens pour certains clients de grande taille. Ils peuvent se permettre de gérer la taxe Broadcom pour ne pas avoir à modifier leur infrastructure et leurs flux de travail opérationnels. »
Rob StrechayAnalyste, TheCube

En conséquence, un rapport du cabinet TheCube Research publié ce mois-ci estime que les concurrents qui proposent des alternatives aux composants de la plateforme VMware attireront probablement de nombreux clients de petite et moyenne taille. Car ceux-ci ne peuvent pas ou ne veulent pas payer un supplément de prix. Parmi ces concurrents, Nutanix se positionne sur l’infrastructure hyperconvergée, tandis que Red Hat OpenShift et SUSE Rancher ont des plateformes de développement en cloud hybrides reconnues.

« Rester chez VMware a du sens pour certains clients de grande taille. Ils peuvent se permettre de gérer la taxe Broadcom pour ne pas avoir à modifier leur infrastructure et leurs flux de travail opérationnels », estime Rob Strechay, analyste chez TheCube. « En revanche, les clients dont les applications ne correspondent pas au retour sur investissement vont se désolidariser. VMware pourrait ainsi devenir le prochain mainframe, c’est-à-dire une plateforme qui n’est pas morte, mais qui n’est plus omniprésente. »

Selon Keith Townsend, analyste chez The CTO Advisor, Broadcom a probablement anticipé cette situation. « Sa stratégie consiste à se concentrer sur les plus gros clients de VMware qui seront prêts à payer une prime pour continuer à utiliser ses produits, plutôt que de payer des frais de migrations. Si vous êtes une entreprise possédant 10 000 machines virtuelles, quitter VMware n’est tout simplement pas une option », dit-il.

« Si vous êtes très impliqué dans VMware NSX, par exemple, ou si vous utilisez des possibilités avancées de l’hyperviseur, il n’y a franchement rien chez les concurrents qui puisse rivaliser avec toutes ces fonctionnalités spécifiques. Vous êtes donc en quelque sorte coincé », ajoute-t-il.

Broadcom, ou un manque de légitimité dans l’IA et le web-natif

Mais selon certains analystes, être coincé par les produits de virtualisation de VMware ne signifie pas automatiquement qu’on l’est aussi sur Tanzu Platform.

« Les applications web-natives et l’IA sont un sujet à part. Ces initiatives-là relèvent de la responsabilité d’un autre acheteur d’infrastructure au sein des grandes entreprises. Et ces deux entités ne vont certainement pas fusionner en un seul acheteur qui dirait que, quitte à être client de la virtualisation VMware, autant acquérir les yeux fermés ce qu’il aura à offrir pour le développement des applications d’IA » considère Naveen Chhabra.

Car, outre les prix, c’est aussi la mainmise de Broadcom sur l’écosystème qui dérange. « L’approche de VMware/Broadcom consiste à dire que leurs produits peuvent tout faire tout seuls, que la plateforme Tanzu est un produit qui se suffit à lui-même quand il s’agit de fournir un socle PaaS aux applications que développent les entreprises. Dans ce contexte, je ne suis pas sûr que ce soit le produit que j’achèterais pour gérer le fonctionnement d’applications que j’exécute en cloud sur AKS ou EKS », fait remarquer Rob Strechay, analyste chez TheCube.

« Ce message qui dit en substance que le cloud n’est qu’une énième infrastructure de bas niveau est parfait pour les clients qui adhèrent pleinement à l’univers VMware. Mais la plupart des développeurs apprécient toutes les API du cloud public qu’ils peuvent utiliser. Ils ne veulent pas être enfermés dans VMware », ajoute-t-il, en faisant remarquer que les hyperscalers font en ce moment beaucoup d’efforts pour proposer aux développeurs des API qui facilitent la mise au point d’applications d’IA.

« La discipline data science se fait en Python, pas en Java. L’argument visant à permettre aux développeurs Java de faire de la data science sans apprendre Python pose un problème. »
Torsten VolkAnalyste, ESG

Justement. Broadcom a présenté cette semaine Tanzu Platform 10 comme le moyen pour les entreprises de développer rapidement des applications d’IA générative. Et il le fait avec des fonctionnalités avancées qui se greffent aux environnements Java utilisant le framework Spring.

« Nous apportons la puissance de l’IA générative aux développeurs Java grâce à l’expérience Spring AI intégrée », a ainsi déclaré Purnima Padmanabhan, qui dirige la division Tanzu chez Broadcom (photo en haut de l’article). « Grâce au serveur d’IA intégré à Tanzu Platform, les utilisateurs peuvent sécuriser l’accès à tous les modèles, contrôler l’utilisation des modèles, ainsi que la confidentialité des données. Il sait aussi améliorer la précision et les performances des modèles et des bases de données que vous choisissez. »

« Sauf que mettre l’accent sur les applications Java et le framework Spring limitera probablement l’attrait de Tanzu Platform sur un marché où la plupart des applications d’IA génératives sont développées à l’aide de Python », commente Torsten Volk, analyste chez ESG. « La discipline data science se fait en Python, pas en Java ! L’argument visant à permettre aux développeurs Java de faire de la data science sans apprendre Python pose un problème. ».

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