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Elasticsearch et Kibana « à nouveau open source »
En annonçant le retour d’une licence open source pour les versions communautaires d’Elasticsearch et de Kibana, Elastic entend redorer son blason auprès des développeurs. Le choix de l’AGPLv3 montre toutefois que l’éditeur souhaite conserver le contrôle sur l’évolution de sa base de données.
Elastic fait-il machine arrière ? C’est en tout cas ce que laisse penser le titre d’un blog écrit de la main de Shay Banon, fondateur et CTO d’Elastic : « Elasticsearch is open source, again ». Ici, la traduction la plus juste (et c’est important) serait « Elasticsearch est à nouveau open source ».
Dans ce billet publié le 29 août, Shay Bannon annonce que les versions communautaires de la base de données NoSQL Elasticsearch et de son module de visualisation de données Kibana seront disponibles suivant une nouvelle modalité, c’est-à-dire sous la licence AGPLv3.
Pour rappel, au début de l’année 2021, Elastic avait décidé de troquer sa licence Apache 2.0 pour un double mécanisme s’appuyant sur la SSPL (Service Side Public License) – mise sur pied par MongoDB – et sur une licence maison ELv2, basée sur la BSD.
L’affrontement avec AWS, un lointain souvenir ?
Comme son concurrent MongoDB en 2018, Elastic avait opté pour des licences propriétaires permissives, afin, selon les dires de ses dirigeants, de contrer la cannibalisation de son offre par AWS.
En conséquence, AWS a mené la conception d’un fork d’Elasticsearch, OpenSearch, et a renommé les produits auparavant affublés de la marque Elasticsearch.
Plus de trois ans plus tard, Shay Banon semble considérer qu’AWS est investi dans le développement d’OpenSearch et que le partenariat commercial avec le géant du cloud s’avère suffisamment solide pour réintroduire une variante open source de ses produits phares.
« J’ai toujours espéré qu’il se passerait assez de temps pour que nous puissions nous sentir en sécurité et redevenir un projet open source – et c’est enfin le cas », avance Shay Banon.
Les variantes AGPL des versions communautaires d’Elasticsearch et de Kibana seront indiscutablement qualifiables d’open source. Cette licence est reconnue et approuvée par l’Open Source Initiative (OSI), la fondation chargée de définir dans quelles conditions un logiciel peut être considéré comme ouvert et libre. Mais l’AGPLv3 n’est pas Apache 2.0.
L’AGPLv3 est une licence copyleft dite « forte » qui impose que toute modification du code disponible « publiquement » (même déployé sur un serveur) reste sous la même licence. C’est également la condition sine qua non à toute distribution de copies ou de variantes du projet. En clair, la contribution au code peut être perçue comme contraignante, puisque tous les paquets sont affectés par la licence. Les plus observateurs remarqueront qu’il n’y a pas de grande différence avec la SSPL. C’est normal : l’AGPLv3 en est la source d’inspiration.
Dotan HorovitsAmbassadeur pour la CNCF
Dans le cas d’Elastic, il s’agit d’une troisième licence pour les versions communautaires d’Elasticsearch et de Kibana. En effet, les deux projets demeurent disponibles dans leurs variantes ELv2 et SSPL. Précisons que les librairies annexes demeurent sous licence Apache 2.0.
« Il semble qu’Elastic veuille retrouver son statut et sa stature d’entreprise open source, tout en conservant la pleine propriété du projet », considère Dotan Horovits, ambassadeur pour la CNCF, sur LinkedIn.
Une stratégie marketing avant tout
Alexey Vidano, consultant cloud spécialiste d’AWS et d’OpenSearch, considère pour sa part qu’il s’agit là d’une « stratégie marketing » afin de regagner le badge open source.
Dans son billet, Shay Banon a anticipé les critiques. « L’AGPL est une licence approuvée par l’OSI et largement adoptée. Par exemple, MongoDB était sous AGPL et Grafana est sous AGPL », rappelle-t-il. « Cela montre que l’AGPL n’affecte pas l’utilisation ou la popularité. Nous l’avons choisie parce que nous pensons que c’est la meilleure façon de commencer à ouvrir la voie, avec l’OSI, vers plus d’open source dans le monde ».
D’autres professionnels IT s’interrogent. Ils se demandent si cet ajout fait une véritable différence, ou s’il n’est pas trop tard pour Elastic face aux communautés open source et aux entreprises. Beaucoup ont déjà migré d’Elasticsearch vers OpenSearch.
En observant le cours de la bourse d’Elastic, il serait tentant d’affirmer que le changement de licence acté en janvier 2021 a affecté la santé financière de l’éditeur. Ce serait trop facile. Le cours de son action n’a jamais été aussi haut qu’à la fin de l’année 2021, puis a chuté du fait de la crise économique engendrée par la COVID. Les modifications récentes de son modèle d’affaires semblent avoir, en revanche, impacté ses prévisions financières.
Depuis l’annonce de ses résultats du premier trimestre fiscal 2025 le 29 août, le cours de l’action d’Elastic a dévissé de plus de 30 %, passant de 103,64 dollars à 76,16 dollars le 30 août à 16 h. Le lundi 2 septembre était un jour férié aux États-Unis.
Elastic a pourtant vu son chiffre d’affaires grimper de 18 % par rapport à la même période l’année dernière, de 293,75 à 347,42 millions de dollars. De plus, ses revenus cloud (157 millions de dollars) ont progressé de 30 %.
« Nous avons enregistré des résultats solides au premier trimestre, dépassant nos prévisions en matière de chiffre d’affaires et de rentabilité, et nous avons continué à observer une forte adoption de nos offres GenAI », déclare Ash Kulkarni, CEO d’Elastic, dans un communiqué de presse.
« Cependant, nous avons connu un début d’année plus lent, le volume des engagements des clients étant affecté par les changements de segmentation que nous avons effectués au début de l’année, et dont le règlement prend plus de temps que prévu. Nous avons pris des mesures pour y remédier, mais cela aura un impact sur notre chiffre d’affaires cette année », prévient-il.
Voilà la raison principale de la déconvenue boursière que les analystes financiers estiment temporaire. Ce n’est en tout cas pas la raison pour laquelle Elastic change de licence, répond Shay Bannon.
« Le marché boursier connaîtra des hauts et des bas. Ce que je peux vous assurer, c’est que nous pensons toujours à long terme, et ce changement [de licence] en fait partie », écrit-il.
Reste à voir si cela permettra d’attirer des contributions de nouveaux clients ou s’il s’agit – purement et simplement – de sécuriser les clients existants.