Intel contraint de réduire ses dépenses de 10 milliards de dollars
Face à la grogne de Wall Street au regard de ses derniers résultats, Intel va supprimer 15 000 emplois et limiter au strict minimum les investissements dans ses usines.
Après la publication de résultats financiers « décevants » début août, Intel se serre la ceinture. Ces derniers jours, celui qui fut pendant des décennies le numéro 1 des processeurs a annoncé qu’il réduirait ses dépenses de 10 milliards de dollars en 2025. Pour atteindre ce chiffre, l’entreprise prévoit de supprimer d’ici la fin de l’année 15 000 emplois, soit 15 % de son effectif d’environ 110 000 personnes.
« C’est une nouvelle douloureuse que je dois partager », a déclaré Pat Gelsinger, PDG d’Intel (en photo plus haut), dans une lettre adressée à ses salariés. « Je sais qu’il vous sera encore plus difficile de la lire. C’est un jour incroyablement difficile pour Intel, car nous procédons à certains des changements les plus importants de l’histoire de notre entreprise. »
Le chiffre d’affaires annuel d’Intel en 2020 était supérieur de 24 milliards de dollars à celui de 2023, alors que les effectifs de l’entreprise sont aujourd’hui 10 % plus importants, indique Pat Gelsinger dans sa lettre. Intel minimise la brutalité de l’annonce avec des offres de retraites complémentaires pour les employés éligibles et des indemnités supplémentaires pour les départs volontaires.
Pat GelsingerPDG d'Intel
La réduction est censée permettre à Intel d’aligner ses dépenses sur ses revenus, lesquels sont en deçà des attentes de Wall Street. Pour mémoire, l’entreprise a déclaré un chiffre d’affaires de 12,8 milliards de dollars au deuxième trimestre de cette année, en baisse de 1 % par rapport au CA enregistré sur la même période l’année précédente.
Intel prévoit à présent un CA de 12,5 à 13,5 milliards de dollars pour le troisième trimestre 2024, ce qui est nettement inférieur aux prévisions des analystes de Wall Street, lesquels tablaient plutôt sur 14,3 milliards de dollars. La différence est une perte de 3 cents par action, alors que les analystes avaient prédit un bénéfice aux actionnaires.
« Nous tempérons clairement notre avis sur la vitesse à laquelle nous pouvons croître à court terme en fonction des conditions du marché », a déclaré pat Gelsinger lors d’une conférence téléphonique avec les investisseurs à propos des résultats.
La difficulté de rivaliser sur les accélérateurs d’IA
Intel, qui était autrefois le leader mondial de la fabrication de puces, s’est laissé distancer par ses concurrents. Nvidia, le principal fabricant de cartes accélératrices pour les algorithmes d’intelligence artificielle, a dans le même temps dépassé les revenus d’Intel au cours de son dernier trimestre fiscal, soit une augmentation de 262 % d’une année sur l’autre pour lui.
AMD, qui rivalise avec Intel sur les processeurs x86 et qui s’est récemment développé dans les puces accélératrices pour l’IA, a déclaré 5,8 milliards de dollars de revenus pour le deuxième trimestre 2024, soit une hausse de 9 % d’une année sur l’autre. Sa capitalisation boursière est désormais supérieure de près de 100 milliards de dollars à celle d’Intel.
Selon les analystes, le frein au redressement d’Intel est son incapacité à alimenter le marché bouillonnant de l’IA, lequel stimule la croissance de Nvidia et d’AMD. La puce Gaudi3 d’Intel, qui devait lui permettre de rivaliser avec Nvidia, a finalement été froidement accueillie par les fournisseurs de cloud, lesquels sont les plus importants acheteurs d’accélérateurs pour l’IA.
Jack GoldAnalyste, J.Gold Associates
« L’investissement dans l’IA absorbe un grand nombre de décisions d’achat, car le marché s’adapte au nouveau monde des modèles d’IA et de leur entraînement. Le fait est qu’Intel n’a pas de capacité significative dans ce domaine », commente Jack Gold, analyste chez J.Gold Associates.
Rappelons tout de même que les performances d’Intel sur son marché traditionnel des processeurs pour PC ont été positives au cours du dernier trimestre. Ses revenus en provenance des fabricants de PC ont augmenté de 9 %. La croissance d’Intel sur le marché des PC a été stimulée par l’introduction des PC IA, qui sont principalement des ordinateurs portables équipés de puces spécialisées pour exécuter des applications IA. Pour autant, cette croissance n’est pas parvenue à apporter les bénéfices escomptés par Intel.
« L’ironie est que le marché des PC IA se porte mieux qu’Intel ne l’avait prévu, car l’entreprise vend plus de CPU Intel Core Ultra qu’elle ne le pensait », estime O’Donnell, analyste principal chez Technalysis. « Toutefois, ces puces ne génèrent que peu ou pas de marge », ajoute-t-il.
Sur le marché de l’IA, il est peu probable qu’Intel progresse beaucoup tant que les entreprises ne commenceront pas à créer des applications d’IA qui fonctionnent sur les sites de production. Dans ce domaine, les processeurs Intel dotés d’accélérateurs d’IA intégrés pourraient s’implanter bien plus solidement qu’ils ne le font dans le cloud, selon Jack Gold.
L’unité Foundry continue, sans dépenses excessives
Les efforts de réduction des coûts de Pat Gelsinger signifient que l’entreprise disposera de moins de ressources pour mener à bien sa stratégie visant à devenir un concurrent solide du premier fabricant mondial de puces, le Taiwanais TSMC. Intel a officiellement lancé son unité Foundry cette année dans le but de fabriquer des semi-conducteurs non plus exclusivement pour lui, mais pour les designers de puces.
Pat GelsingerPDG d'Intel
L’unité Foundry a certes réalisé un chiffre d’affaires de 4,3 milliards de dollars au cours du dernier trimestre, soit une hausse de 4 % par rapport à l’année précédente. Mais TSMC a réalisé dans le même temps un chiffre d’affaires trimestriel de près de 21 milliards de dollars, soit une augmentation de 33 % par rapport à l’année précédente.
Pat Gelsinger insiste sur le fait que ses plans de développement de l’unité Foundry ne changent pas malgré les remous financiers que traverse Intel.
« La stratégie de Foundry reste inchangée. Toutefois, tant que nous n’aurons pas de commandes fermes, nous resterons modestes quant à la quantité d’équipements industriels que nous déployons sur les sites que nous avons construits » dit le PDG d’Intel.