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Fin de vie pour CodeCommit et Cloud9 : AWS sous le feu des critiques
Avec l’abandon progressif de CodeCommit, AWS cède le marché Git à ses concurrents, notent les analystes. Surtout, l’absence de notification aux utilisateurs avant l’annonce publique amène certains professionnels à s’interroger sur l’avenir d’autres services.
La semaine dernière, Amazon Web Services a bloqué la création de nouveaux comptes pour AWS CodeCommit et six autres services. Problème, cette action a été réalisée sans avertissement préalable.
Jeff Barr, évangéliste en chef chez AWS, a reconnu ces changements dans un message sur X (ex-Twitter) le 30 juillet. Il confirme que la société n’accepte plus de nouveaux clients pour AWS CodeCommit, le dépôt de code Git du fournisseur de cloud, sa fonction de requête SQL S3 select, le service de recherche managé Amazon CloudSearch, l’IDE Cloud9, le service de base de données SimpleDB, le service d’analyse de données de séries temporelles Amazon Forecast et AWS Data Pipeline.
Jeff BarrÉvangéliste en chef, AWS
Les clients existants continueront à bénéficier d’une forme de support, assure Jeff Barr, et l’entreprise ne prévoit pas actuellement de fermer les services. Toutefois, elle n’ajoutera pas de fonctionnalités supplémentaires et prendra en charge la migration vers les référentiels Git des concurrents.
Jeff Barr le reconnaît : AWS n’a pas communiqué assez explicitement sur ces changements.
« Nous sommes en train d’apporter des améliorations pour que ce soit plus clair pour les clients », écrit-il.
Une communication qui pose question
La nouvelle a néanmoins suscité d’autres questions, notamment sur l’arrêt de la création de nouveaux comptes S3 select, une fonctionnalité du service du stockage objet largement déployée.
Le fait que ces services soient indisponibles pour les nouveaux comptes AWS ne serait pas si anodin pour les clients existants, remarque un développeur sénior, sur X.
« Vous interrompez l’accès en fonction des nouveaux comptes AWS. Cela devrait être basé sur les nouvelles organisations. Cette nuance rend AWS très peu fiable pour certains clients qui utilisent plusieurs comptes AWS », écrit-il.
Le message de Jeff Barr sur X a été l’occasion pour plusieurs utilisateurs des services AWS de critiquer l’absence de notification aux clients et aux partenaires. Selon les informations recueillies par Business Insider, certains représentants commerciaux d’AWS ont eux-mêmes appris ces changements par le billet publié sur X par l’évangéliste en chef.
« Que je me mette à la place d’un consommateur, d’un architecte de solutions ou d’un formateur, cette décision est un comportement hostile aux clients », a écrit Adrian Cantrill, formateur technique spécialiste des services AWS dans une réponse à M. Barr sur X.
Un autre client d’AWS a demandé si des changements similaires allaient être apportés à d’autres services qui n’ont pas fait l’objet de mises à jour majeures récemment, comme Amazon EKS sur AWS Fargate et AWS App Mesh.
« Je les utilise, mais je prévois de m’en détacher », déclare Campbell McNeill, un ingénieur DevOps principal qui travaille pour une société de services financiers aux États-Unis, auprès de TechTarget [propriétaire du MagIT] à propos de ces deux services. « Cela fait des années [qu’AWS] ne les met pas en avant et qu’il ne les mentionne pas à re:Invent, alors on peut lire entre les lignes ».
Campbell McNeill affirme qu’il n’attendra pas pour s’éloigner d’Amazon EKS sur AWS Fargate, un service de provisionnement automatisé pour les clusters Kubernetes qui, selon lui, sera probablement remplacé par le projet open source Karpenter.
« C’est pour le mieux à mon avis », lance-t-il. « [Amazon EKS sur AWS] Fargate est simple, mais limité. Il n’offre pas de fonctionnalités telles que la prise en charge des CPU Graviton, ce qui devrait être le cas s’il avait un avenir ».
Campbell McNeill dit ne pas utiliser AWS CodeCommit, mais qu’il remarque qu’il était requis dans les tests de certification AWS qu’il a passés en décembre et en février.
« Le fait que l’on travaille pour apprendre à l’utiliser, afin d’obtenir la certification, puis qu’il soit supprimé me dérange un peu », déclare-t-il.
La dépréciation, une pratique récente chez AWS
Pour certains développeurs, l’avenir d’AWS CodeCommit est clairement tracé, d’autant plus qu’AWS facilite la migration vers les services de ses concurrents.
« Si j’utilisais AWS CodeCommit, je chercherais déjà une autre solution », confie Rob Zazueta, consultant technique indépendant à Concord, en Californie. « Si AWS n’accepte plus de nouveaux utilisateurs, il est probable qu’elle le supprimera à un moment ou à un autre ».
Certains observateurs du secteur n’ont pas été surpris de voir qu’AWS CodeCommit figurait parmi les services supprimés, car des concurrents tels que GitHub et GitLab occupent une place prépondérante sur le marché.
« La plupart [des services supprimés] avaient déjà été abandonnés sur le plan fonctionnel », constate Andrew Cornwall, analyste chez Forrester Research. « CodeCommit a eu du mal à s’imposer, car les développeurs ont cherché des solutions ailleurs. Les performances n’étaient pas les meilleures et, aujourd’hui, les développeurs veulent des solutions multicloud. Ces intégrations ne figuraient pas sur la feuille de route d’AWS et n’étaient même pas dans leur intérêt. »
Igor SorokaConsultant cloud, Soroka Tech
Sur LinkedIn, Igor Soroka, consultant cloud chez Soroka Tech, fait le même constat. « La plupart des services dépréciés n’offrent que peu d’intérêt en raison de l’existence d’alternatives plus populaires », confirme-t-il.
Avec plus de 200 services, il est inévitable qu’AWS en abandonne certains au fil du temps, comme le géant du cloud l’a fait précédemment avec des produits tels que Honeycode, indique Larry Carvalho, analyste indépendant chez RobustCloud. AWS a lancé Honeycode en 2020 et l’a fermé en février dernier.
« Il s’agit d’une pratique courante dans l’industrie du cloud, ce qui ne change pas mon opinion sur AWS », affirme-t-il.
Ce n’était pourtant pas une politique répandue chez AWS avant 2024. En septembre 2023, Werner Vogels, CTO d’AWS, assurait d’ailleurs que la dépréciation n’était pas une pratique tout court chez le géant du cloud.
Quant à l’arrêt progressif d’AWS CodeCommit, il remet en question toute la tactique d’Amazon en matière d’outils de développement, selon Torsten Volk, analyste chez Enterprise Strategy Group de TechTarget.
« Se retirer des activités Git et IDE (…) creuse un trou dans la stratégie globale de la plateforme AWS », estime-t-il. « Dans les deux cas, AWS passe le relais à Microsoft, au risque de voir encore plus de clients devenir “accros” au framework GitHub Actions qui connaît un succès phénoménal ».
Pour rappel, les flux GitHub Actions sont en grande partie propulsés par des instances Azure. Cependant, AWS a très bien compris la popularité du framework CI/CD et prend en charge les runners « self hosted » de GitHub Actions depuis AWS CodeBuild. Du côté de CodeDeploy, le géant du cloud a présenté récemment une intégration avec Azure DevOps.
En clair, il semble moins intéressant pour le concurrent de Microsoft de prescrire ses outils de développement que d’exécuter les traitements associés sur ses serveurs. Et c’est généralement l’approche des fournisseurs de cloud quand leurs clients ne perçoivent pas la valeur ajoutée d’un de leurs services PaaS ou SaaS. Dans ce cas-là, un adage s’impose chez les cloudistes : « qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’egress ».