SAP se sépare de sa directrice marketing et de son directeur des ventes

Deux membres du board (la CMO et le CRO) quittent SAP dans une démarche qui, selon l’éditeur, vise à rationaliser sa structure pour mieux se concentrer sur l’IA. Les analystes émettent quant à eux l’hypothèse que les migrations SaaS, pas assez rapides pour SAP, seraient la raison principale de ces départs.

La restructuration de SAP continue. Julia White, directrice du marketing et des solutions, et Scott Russell, directeur des ventes (Chief Revenu Officer), quittent le géant allemand de l’ERP.

Le conseil de surveillance de SAP explique que Julia White et Scott Russell sont parvenus à un « accord amiable » pour quitter le conseil d’administration de SAP le 31 août, bien avant la fin de prévue par la prolongation de leurs contrats, l’année dernière, qui devaient les amener jusqu’en 2027. Dans un communiqué, SAP décrit ces départs comme une « transition stratégique » dans le cadre de la rationalisation de la structure de son conseil exécutif pour se concentrer sur sa « stratégie axée sur les suites et l’Intelligence artificielle ».

La recherche d’un remplacement de Russell est en cours. Le PDG de SAP, Christian Klein, dirigera l’organisation des ventes entre temps. Il n’y a en revanche pas de plans immédiats pour remplacer Julia White.

« Je soupçonne que [ces départs] sont également dus au fait que, malgré de bons chiffres, le passage à S/4HANA présente encore de nombreux défis. »
Liz HerbertForrester Reasearch

Julia White avait rejoint SAP en mars 2021 après avoir passé près de 20 ans dans des fonctions de marketing exécutif chez Microsoft, notamment pour Azure. Elle a ensuite été nommée au conseil d’administration de SAP, une première pour l’éditeur allemand qui n’avait jamais placé le marketing au niveau de son CA.

Julia White était aussi très présente lors des événements clients de SAP. Elle animait et présentait régulièrement des sessions et des présentations lors de la conférence annuelle Sapphire.

Scott Russell, lui, avait rejoint SAP en 2010 après avoir occupé des postes de direction chez IBM. Il a été président de SAP en APAC avant de devenir Chief Revenue Officer et d’intégrer le conseil d’administration en 2021.

SAP n’a pas précisé les raisons pour lesquelles Julia White et Scott Russell quittent l’entreprise ni pourquoi ils ne font pas partie de sa « transformation » en cours. Après le départ de la directrice marketing, la DRH Gina Vargiu-Breuer restera la seule femme à siéger au board de SAP.

Ces départs sont les derniers en date d’une importante restructuration du conseil d’administration. En avril, SAP a créé un nouveau comité au sein du conseil exécutif axé sur la réussite des clients (Customer Success) et l’adoption du cloud. Ce comité a été confié à Thomas Saueressig, ancien responsable de l’ingénierie produits. Muhammad Alam, ancien président et chef de produit de la division Intelligent Spend, lui a succédé à ce poste et a intégré au passage le board.

Un double changement de direction pour garder le cap

Selon les analystes, les départs de Julia White et Scott Russell interviennent à un moment critique pour SAP. L’éditeur peine encore et toujours à faire migrer sa vaste base de clients historiques des systèmes ECC (et S/4HANA sur site) vers S/4HANA Cloud (la version SaaS de son nouvel ERP).

« Cette question de la migration est fondamentale. On a le sentiment que Mme White et M. Russell ne s’en sont pas suffisamment occupés. »
Joshua GreenbaumEnterprise Applications Consulting

« Cette question de la migration est très importante. Elle est fondamentale. On a le sentiment que Mme White et M. Russell ne s’en sont pas suffisamment occupés », avance Joshua Greenbaum, directeur d’Enterprise Applications Consulting. Ou qu’ils l’aient fait d’une mauvaise manière.

L’approche marketing de Julia White n’aurait, par exemple, pas été en phase avec les besoins des clients de SAP. « Le marketing [de Mme White] était très “digital” et ne prenait pas assez en compte les contacts personnels. Elle a essayé de vendre des logiciels groupés – un peu comme on vend Office – mais pas comme on vend des logiciels d’entreprise complexes », analyse-t-il. « Je ne pense pas que [cette approche] réponde aux besoins des grandes entreprises qui ont constitué le cœur de SAP pendant tant d’années ».

L’une des manifestations de cette approche a été le déclassement des événements physiques, comme le SAP TechEd pour les développeurs ou SuccessConnect pour les clients de SuccessFactors, au profit de « points de contact » marketing plus numérique, illustre-t-il.

« Il y a eu un manque de compréhension du fait qu’il existe une communauté de personnes qui ont besoin de se réunir régulièrement et de se côtoyer. […] cela a pu être un facteur [qui explique son départ] », suppose-t-il.

Photo de Julia White
Début juin, Julia White, directrice du marketing et des solutions et membre du conseil d'administration de SAP, faisait partie de la liste des intervenants exécutifs de Sapphire 2024. Cette semaine, SAP a annoncé qu'elle quitterait l'entreprise à la fin du mois d'août dans le cadre d'une restructuration du conseil d'administration.

Pour Liz Herbert, analyste chez Forrester Research, ces départs sont quelque peu surprenants, mais ils ne sont pas inhabituels pour autant. Il y existe de nombreux exemples où des cadres basés en Allemagne, aux profils plus technologiques et ingénieurs, sont restés plus longtemps à la tête de SAP que des cadres basés en dehors d’Allemagne, et avec des profils plus commerciaux et le marketing, rappelle-t-elle.

« Par exemple, Jennifer Morgan a occupé pendant une période assez courte le poste de co-PDG [avec Klein à partir de fin 2019], après avoir évolué dans un environnement plus axé sur les ventes ».

Mais, les problèmes de migration de SAP seraient bien le facteur principal des départs de Julia White et de Scoot Russell. Bien que l’éditeur se porte bien financièrement, comme en témoignent ses résultats du deuxième trimestre, la relative lenteur de la migration vers S4 en mode SaaS continue de représenter une menace quasi existentielle pour SAP, insiste Joshua Greenbaum.

« Je soupçonne que [ces départs] sont également dus au fait que, malgré ces bons chiffres, le passage à S/4HANA présente encore de nombreux défis », confirme Liz Herbert, en accord avec son confrère.

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