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L'UE laisse planer le doute sur le financement des projets open source

Plus de 150 associations et organisations, dont le Conseil National du Logiciel Libre, OW2, OpenStreeMap France et Framasoft, s’inquiètent pour le devenir des projets open source financés par l’initiative Next Generation Internet (NGI) inscrit au programme de la Commission européenne, Horizon Europe.

Lancée en 2018, l’initiative NGI était déjà présente à l’agenda de l’ancêtre d’Horizon Europe, Horizon 2020.

Entre 2020 et 2024, 500 projets portés par 18 organisations et entreprises ont reçu un financement estampillé NGI, pour un total de 27 millions d’euros.

Bien que mentionné à trois reprises dans le plan stratégique 2025-2027 publié en avril dernier, les initiatives NGI ne seraient pas citées dans le brouillon du programme de travail Horizon 2025, selon la lettre ouverte rédigée par l’association Petites Singularités et republiée par la plupart des signataires.

« NGI contribue à un vaste écosystème puisqu’une grande portion du budget alloué est dévolue au financement de tierces parties par le biais des appels ouverts (open calls) », lit-on dans la lettre ouverte. « Ils structurent des communs qui recouvrent l’ensemble de l’Internet, du matériel aux applications d’intégration verticale en passant par la virtualisation, les protocoles, les systèmes d’exploitation, les identités électroniques ou la supervision du trafic de données », poursuivent les auteurs.

Next Generation Internet : nuages à l’horizon

Les 27 millions d’euros ont été distribués au nom de trois « impacts escomptés » :

  • « Un Internet centré sur l’homme, aligné sur les valeurs et les principes communément partagés en Europe » ;
  • « Un Internet florissant, basé sur des blocs de construction communs créés au sein des NGI, qui permet un meilleur contrôle de notre vie numérique » ;
  • « Un écosystème structuré de contributeurs talentueux conduisant à la création de nouveaux biens communs de l’Internet et l’évolution des existants ».

Dans le plan stratégique 2025-2027, les NGI étaient évoquées en face de trois autres impacts escomptés :

  • « Atteindre une autonomie stratégique ouverte dans les technologies numériques, habilitantes et émergentes » ;
  • « Développer un marché unique et une infrastructure agile et sécurisée pour les services de données et les services d’intelligence artificielle dignes de confiance » ;
  • « Technologies numériques et industrielles stimulant l’innovation centrée sur l’humain ».

En toute logique, les projets libres et open source pourraient bénéficier de fonds en 2025, au vu de cette feuille de route générale.

Néanmoins, le brouillon du programme de travail – diffusé par le média allemand Netzpolitik –, ne mentionne que trop peu le financement des projets open source au goût de leurs porteurs.

NGI n’est cité directement qu’à deux reprises. En filigrane, il s’agit de financer les premières démonstrations du Web 4.0 et des « mondes virtuels » qu’il rendrait possibles. Aussi, la CE compte financer les collaborations entre les initiatives et les programmes qu’elle compte pousser d’ici la fin 2025. Cela renvoie à des objectifs exprimés par la Commission en 2023.

En revanche, le document n’évoque pas de lignes claires quant à l’avenir de Next Generation Internet.

De manière générale, le document laisse apparaître la volonté de la Commission européenne d’augmenter la taille des enveloppes (en moyenne, entre trois et huit millions et jusqu’à 80 millions d’euros) pour un plus petit nombre de projets consacrés à l’IA et l’IA générative, les supercalculateurs, l’informatique quantique, les hubs de données ou encore les technologies liées au réseau.

Plus de fonds pour un plus petit nombre de projets

Le programme de travail évoque néanmoins le financement de logiciels libres et open source à travers l’initiative Open Europe Stack et l’écosystème 3C Networks.

La Commission s’intéresse « principalement » au financement de technologie « de confiance » pour sécuriser le réseau, les agents d’IA et les usages des utilisateurs d’Internet, ainsi que des technologies transactionnelles et décentralisées (blockchain) open source assurant l’interopérabilité et l’intégrité des données. Le terme « principalement » est souligné, laissant à penser que la porte est ouverte au financement d’autres « biens communs numériques ».

Toutefois, le brouillon du programme Horizon Europe pour 2025 évoque une enveloppe globale de 10 millions d’euros, et jusqu’à 400 000 euros par projet, sachant que la CE préférerait financer un maximum de tierces parties dans une fourchette comprise entre 50 000 et 150 000 euros par projet d’une durée de neuf à douze mois. Le document pose plusieurs conditions d’attributions de fonds.

Jusqu’ici les enveloppes proposées par le NGI, étaient plutôt simples à obtenir et étaient généralement comprises entre 5 000 et 50 000 euros. Ces sommes paraissent faibles, mais portent les travaux de recherche et développement chez des entreprises et organisations derrière des projets libres et open source.

« NGI est un instrument de financement bottom-up extrêmement rentable, crucial pour l’innovation open source en Europe. Sa disparition serait une grande perte pour les TPE/PME innovantes et les nombreux acteurs du logiciel libre qui en ont bénéficié », renchérit Stéfane Fermigier, fondateur et CEO d’Abilian et coprésident du CNLL, sur LinkedIn.

« Les résultats de l’enquête indiquent que les solutions NGI s’adressent à divers écosystèmes et ont une communauté externe active, favorisant la collaboration et l’innovation au sein de la communauté des logiciels libres et open source (FOSS) », notait Gartner dans un une étude commandée par la Commission européenne et publiée en avril 2024. « Le financement a eu un impact positif sur la société, la politique, la normalisation, le choix et la durabilité de l’UE, en encourageant l’innovation et l’intégration dans les initiatives existantes ».

D’après les propos recueillis par The Registrer auprès d’un porte-parole de Next Generation Internet, l’initiative ne disparaît pas et il confirme que les projets autour du Web 4.0, des mondes virtuels, d’Open Europe Stack et de 3C Networks assurent l’octroi de fonds pour 2025, sans préciser de montant. NGI considère que le brouillon du programme de travail d’Horizon 2025 ne devait pas être publié.

Des décisions et des prises de position attendues

Après les élections des eurodéputés ayant eu lieu au début du mois de juin, les institutions de l’Union doivent se réorganiser. Les eurodéputés ont élu les présidents de leurs commissions et sous-commissions respectives le 23 juillet dernier.

La lettre ouverte rédigée par Petites Singularités, elle, a été diffusée la première fois le 9 juillet 2024, soit neuf jours avant la réélection d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne.

La CE a demandé aux États membres de l’Union européenne de lui faire parvenir les noms des deux candidats (un homme et une femme) pour les 27 postes de commissaires européens avant le 30 août.

Selon Politico, le président Emmanuel Macron a renouvelé la candidature de Thierry Breton, qui ne retrouvera pas forcément son rôle de commissaire au Marché Intérieur. Pour rappel, les commissaires sont nommés après délibérations des membres du Conseil de l’UE et un vote d’approbation du parlement européen.

En attendant, beaucoup de dossiers sont en suspens. L’occasion pour différents organismes et associations, de remplir le cahier de doléances.

Le 19 juillet, la CNIL défendait la réintroduction des critères d’immunité aux lois extraterritoriales dans le schéma européen de certification de la cybersécurité des services cloud (EUCS). Le Think Thank Villa Numéris, lui, a appelé hier à « une lecture plus équilibrée et pro-investissement du RGPD ».

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