Derrière la diffusion des JO, sept datacenters et un cloud

Les 1300 caméras qui capturent les épreuves olympiques sous tous les angles envoient leurs flux aux sept salles informatiques du centre de diffusion du Bourget, qui les renvoie au cloud d’Alibaba pour une diffusion mondiale.

Il y a une nouveauté technique dans la diffusion des Jeux olympiques de Paris 2024 : les deux tiers des chaînes de télévision qui retransmettent les images viennent les collecter dans le cloud d’Alibaba, en téléchargeant les flux vidéo de leurs choix par Internet. Jusqu’à présent, la majorité des retransmissions déclinaient une petite sélection de flux envoyée par satellite aux quatre coins du monde.

L’intérêt du cloud, et plus exactement du service en ligne OBS Live Cloud, est qu’il maintient simultanément 379 flux vidéo HD (et même UHD pour 11 d’entre eux) et 100 flux audio que les diffuseurs peuvent sélectionner et monter comme bon leur semble.

Les 14 sites des JO sont en l’occurrence filmés par un total de 1300 caméras qui capturent chacune un angle de vue particulier. 17 régies d’appoint récupèrent ces flux sur place et les envoient par fibres optiques, à la vitesse de 12 Gbit/s, à l’IBC, alias International Broadcast Center, un centre audiovisuel qui se trouve au Bourget, dans le nord de Paris. L’IBC dispose de sept salles totalisant 300 étagères rack remplies de baies de stockage et de serveurs – LeMagIT n’a pas réussi à savoir de quelles marques.

À partir de là, deux possibilités existent. Soit les chaînes de télévision ont pu dépêcher sur place une équipe de monteurs qui retravaille les images depuis des baies de stockage et une régie d’appoint mises à leur disposition par l’IBC ; ces équipes réorientent ensuite les flux travaillés vers les datacenters de diffusion de leurs médias. Soit les flux sont agglomérés et envoyés par une fibre backbone vers un datacenter à Francfort qui héberge une région d’Alibaba Cloud.

« Étonnamment, l’infrastructure cloud d’Alibaba est très, très robuste face au flot d’images qu’on lui envoie. Les protocoles sont suffisamment performants pour redistribuer ensuite ces flux vidéo dans le monde entier aussi rapidement qu’on le faisait avec l’ancien système à base de satellite », dit Sotiris Salamouris, le directeur technique d’OBS.

Tous les flux vidéo centralisés par un diffuseur hôte : OBS

OBS, ou Olympic Broadcasting Services, est le maître d’œuvre de ce système de diffusion. IL s’agit d’une unité du Comité International Olympique (CIO) dont le travail consiste à se substituer aux équipes de télévision qui venaient autrefois sur place pour filmer elles-mêmes les événements.

« Le problème est qu’il est impossible de laisser une centaine de chaînes de télévision venir filmer tous les événements avec leurs propres régies sur les sites des épreuves : il n’y aurait tout bonnement plus de place pour les spectateurs », lance Sotiris Salamouris.

« Donc, nous avons trouvé l’arrangement suivant. Les diffuseurs qui souhaitent distribuer du contenu autour des Jeux olympiques sur leur propre territoire commencent par acquérir les droits nécessaires auprès du CIO. Ensuite, toutes les prises de vues sont assurées par OBS. Notre rôle est de soutenir les détenteurs de droits, de leur facilité le travail, de les aider à raconter les jeux de la meilleure façon possible et, ce, sans discernement de notre part. »

« OBS a pour mission d'assurer la diffusion de tous les sports sur l'ensemble des Jeux olympiques et de mettre ce contenu à la disposition des détenteurs de droits en temps réel. C'est ce que nous appelons la couverture multilatérale des Jeux. Elle est réalisée au nom de tous. C'est une couverture impartiale, nous racontons l'histoire du sport autant que possible, pas en filmant uniquement les meilleurs athlètes. »

OBS défend un savoir-faire en technique audiovisuelle : l’emplacement des caméras serait savamment étudié par des réalisateurs. 25 à 30 caméras sont déployées pour filmer un sport collectif. Il en faut 60 à 70 pour filmer une épreuve de parcours.  

« À partir des images que nous fournissons, les détenteurs de droits peuvent faire ce qu'ils veulent. Certains se contentent de diffuser tel quel à leur public une sélection de flux vidéo. D’autres ajoutent leurs commentaires, leur iconographie, cela devient leur produit », explique le directeur technique.

Une centrale de données multimédia en cloud

Outre la diffusion en direct, le service OBS Live Cloud est surtout une base de données multimédia des JO, où les diffuseurs pourront puiser quand bon leur semble plus de 11 000 heures de contenus vidéo. C’est 15% de plus par rapport aux JO de Tokyo en 2020, lorsque le service en cloud – déjà hébergé par Alibaba – est entré en fonction.

« Techniquement, les flux vidéo que nous capturons en direct représentent environ 3 Po par jour et ils totaliseront 3800 heures de vidéo à la fin des JO. Si nous parlons de 11 000 heures, c’est parce que la base de données stocke chaque flux dans trois résolutions différentes : pour la télévision, pour le web et pour les réseaux sociaux », précise Sotiris Salamouris.

Stockée en mode objet, la base Content+ a par ailleurs le mérite de disposer d’une multitude de métadonnées. Celles-ci sont renseignées au moment de la capture des images par 1200 étudiants qui scrutent les flux arrivant depuis autant d’écrans sur le site de l’IBC. « Je précise que ce ne sont pas des bénévoles ! Nous rémunérons tous ces jeunes gens comme dans un boulot d’été ordinaire » se presse de dire Sotiris Salamouris.

Ces métadonnées et les protocoles qui les portent sont au format Olympic Data Feed, le format de données propre aux JO depuis 2010.

Enfin, cette année, le service OBS Live Cloud dispose de nouvelles capacités d’IA générative récemment déployées sur les infrastructures d’Alibaba Cloud. Les diffuseurs – et sans doute leurs clients qui utilisent leur app dédiée – peuvent ainsi afficher une représentation spatiale d’une séquence, tourner virtuellement autour et décortiquer visuellement la technique d’un athlète.

Alibaba Cloud revendique suffisamment de puissance de calcul pour qu’une telle séquence 3D soit générée en quelques secondes et puisse être insérée dans le flux continu comme s’il s’agissait d’un ralenti.

« Le point intéressant est qu’il s’agit bien d’un fonctionnement en cloud hybride entre les sept salles informatiques de l’IBC et le cloud d’Alibaba. Pour autant, et alors que tout cela repose sur des protocoles communs de part et d’autre, Alibaba nous a laissés libres d’installer l’équipement de notre choix dans nos salles informatiques. On ne nous a imposé aucune solution matérielle ou système », conclut Sotiris Salamouris.

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