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Transformation numérique : qu’en pensent vraiment les DSI ?

Pour de nombreux responsables informatiques, suivre les tendances IT qui améliorent les performances de l’entreprise est un enjeu de taille. Mais la réalités de la transformation numérique est souvent bien différente du battage médiatique autour des technologies « de pointe ».

Aujourd’hui, les DSI et les responsables informatiques gèrent des changements dans les stratégies de transformation digitale et technologique de leur entreprise.

Mais la réalité de ce qu’ils voient est bien différente du battage médiatique et de la hype autour de ces sujets. C’est ce que montre une étude interne d’Andover Intel, qui a interrogé plus de 200 DSI et planificateurs technologiques. Cette étude montre que les tendances évoluent, et pas forcément dans le sens le plus mis en avant.

Il y a certes l’importance croissante de l’Intelligence artificielle, mais aussi une forme de « rapatriement du cloud », le déplacement des données et des applications hors du cloud. Il y a aussi l’utilisation accrue des réseaux privés virtuels (VPN). Et enfin des stratégies de modernisation des applications (plus qu’un big bang technologique) – au fur et à mesure que les DSI identifient de ce qui pourrait répondre aux besoins de leur entreprise.

Les entreprises et l’Intelligence artificielle

L’IA d’abord. Est-elle vraiment en train d’envahir l’entreprise ? La réponse est nuancée.

Les DSI savent que les départements opérationnels sont à l’origine de la majorité des essais d’IA. Mais ces départements poursuivent souvent ces tests de manière isolée, sans mettre en place un projet global d’adoption. En d’autres termes, la DSI ne soutient pas les développements et ne centralise pas les dépenses d’investissement dans ces technologies.

L’IA générative est la forme d’IA la plus populaire actuellement auprès du grand public. Elle est facilement accessible et permet aux métiers d’explorer le potentiel de l’outil sans les limites d’un déploiement logiciel formel.

Mais seul un quart des DSI estime que leur entreprise s’est engagée à utiliser l’IA en production. Même si le potentiel de son adoption à grande échelle est prometteur.

Les chatbots, sous une forme ou une autre, représenteraient plus de 85 % des projets d’IA actuels, selon la même étude. Ces projets d’IA disposent d’un budget officiel et approuvé. Bon nombre de chatbots sont axés sur l’assistance à la clientèle.

Le reste des mises en œuvre est une combinaison d’outils d’IA spécialisés comme pour la surveillance des réseaux ou des logiciels de maintenance prédictive, avec en parallèle un petit nombre d’applications d’IA hébergées par l’entreprise pour l’analytique.

Les départements opérationnels favorisent une utilisation plus large de l’IA grâce à des outils gratuits (ou inclus dans une licence) qui les aident à créer des mails et des documents.

Étant donné que la DSI n’est pas directement impliquée dans ces usages et qu’il n’y a pas de projet d’investissement soumis à l’examen du DAF, il n’est pas toujours simple de savoir si ces outils génèrent des avantages significatifs pour l’entreprise.

Et rien ne garantit qu’un modèle d’IA gratuit aujourd’hui le sera encore à l’avenir. Rien ne garantit non plus que si les fournisseurs d’IA fixent un prix qui offre un ROI raisonnable, les avantages pour les utilisateurs justifieront de payer ce prix.

En fin de compte, avec un accès gratuit à une nouvelle technologie, il y aura toujours des utilisateurs qui en tireront parti. Mais, il reste à voir si l’IA ne pourrait pas être mieux utilisée dans les entreprises.

Cloud et rapatriement cloud

Le cloud est lui aussi un sujet mitigé. Plus de 50 % des entreprises qui l’utilisent ont avoué à Andover Intel qu’elles avaient commis des erreurs importantes dans leurs évaluations et leurs développements cloud.

Seuls 3 % ont indiqué avoir rapatrié des applications du cloud vers leur centre de données. C’est très peu. Mais ce chiffre est deux fois plus élevé que l’année précédente.

Un tiers des entreprises déclarent par ailleurs avoir dû apporter des changements majeurs à certaines de leurs applications cloud – presque toujours pour réduire les coûts.

Ce qui compte, également, c’est la raison pour laquelle les DSI et les responsables IT pensent qu’ils ont commis des erreurs qui ont entraîné cette augmentation des coûts liés au cloud. Selon l’étude, le problème serait dû à la fois au battage médiatique (et donc à une vision biaisée du cloud) et aux difficultés des nouvelles entreprises utilisatrices du cloud à recruter les bonnes personnes pour diriger ce type de projets.

Il est difficile de trouver des architectes logiciels expérimentés qui connaissent à la fois les caractéristiques du Iaas et du PaaS, et leurs coûts. La plupart de ces profils préfèrent travailler pour les éditeurs et les cloudistes, voire pour des start-ups. Quant aux architectes juniors, ils ont souvent besoin d’être aidés pour structurer de manière optimale les applications cloud.

Toujours selon l’étude, moins de 20 % des DSI déclarent avoir envisagé de faire appel à des ressources tierces pour les aider à planifier et à développer dans le cloud.

De nombreux DSI qui ont renoncé à faire appel à ces tierces invoquent, là encore, le coût comme principale raison. Le nombre de projets menés à bien par des tiers et dont les résultats ont été vérifiés est probablement trop faible pour que l’on puisse en tirer des conclusions statistiques. Il semble néanmoins que les ressources tierces n’aient pas fait mieux que la planification et le développement en interne.

Comment la refonte du VPN sert l’entreprise

Les réseaux privés virtuels existent depuis longtemps et ils continuent d’évoluer. Cette évolution a donné naissance à deux principaux modèles de VPN. Le premier est le VPN MPLS (Multiprotocol Label Switching) proposé comme service par les opérateurs de réseaux du monde entier. Le second est un VPN « superposé » (overlay) – un type de VPN qui fonctionne au-dessus d’un autre réseau – utilisé par les entreprises – et le grand public - pour améliorer la confidentialité et la sécurité des connexions lorsqu'elles sont utilisées avec l'internet.

Ce qui se passe actuellement sur le marché des VPN est une fusion de ces modèles et une fusion avec le cloud, ainsi qu'une nouvelle option d'accès potentiellement critique.

De nombreux DSI se tournent vers les VPN MPLS pour leur fiabilité et parce qu'ils peuvent négocier des accords de niveau de service (SLA) pour en garantir la qualité.

Ce que ces mêmes DSI n'apprécient pas, c'est leur coût, qui, selon eux, est plus de cinq fois supérieur à celui d'une connexion internet de vitesse similaire. En outre, les VPN MPLS ne sont pas souvent disponibles dans de nombreuses régions éloignées, en particulier en dehors des grands marchés comme les États-Unis et l'Union européenne.

Le SD-WAN est apparu pour combiner les VPN MPLS des grands sites avec les VPN internet pour former un VPN unifié. Cette technologie peut connecter des sites où les VPN MPLS sont trop coûteux ou indisponibles. Elle peut même remplacer tous les VPN MPLS dans certains cas.

Mais là encore, moins de 5 % des DSI déclarent avoir remplacé les VPN MPLS.

Cela pourrait néanmoins changer, car le SD-WAN est de plus en plus disponible en tant que composant cloud, soit seul, soit dans le cadre d'un modèle de service d'accès sécurisé (SASE). Le SASE est une architecture réseau qui combine des capacités WAN avec des fonctions comme les CASB et des services de pare-feu à la demande.

Cette fonctionnalité permet au SD-WAN d'acheminer les workflows directement vers le cloud, puis vers le VPN de l'entreprise. Si les collaborateurs sur un site distant, qu'il s'agisse de leur domicile, d'une petite succursale ou même d'un site VPN MPLS, utilisent internet et le cloud pour accéder aux applications, ils n'auront pas besoin d'utiliser un VPN depuis leur point d'accès.

Selon une étude interne, un cinquième des DSI déclarent évaluer cette option VPN "cloud-first".

L'accès sans fil fixe (FWA) a également une incidence sur les plans de nombreuses DSI. Habituellement présenté comme un des cas d'usage de la technologie mobile 5G, ce type d'accès pourrait fournir des centaines de mégabits de bande passante par voie hertzienne. Si cette technologie se généralise, elle pourrait rendre toutes les options de VPN cloud à la fois plus rapides et moins coûteuses.

Jusqu'à présent, moins de 10 % des DSI étudient activement la FWA. Mais ce chiffre a doublé depuis 2022.

Modernisation et refonte applicative

En 2022, la transformation digitale, la modernisation des applications et le cloud pouvaient être considérés comme trois initiatives IT indépendantes. Début 2024, un tiers des DSI se demandaient si ces trois pans allaient toujours de pair.

Aujourd'hui, les DSI font remarquer que le transfert d'une application vers le cloud ne peut être considéré comme un simple redéploiement. Les modifications du code sont presque toujours essentielles pour trouver le bon équilibre entre les avantages de l'évolutivité du cloud et les avantages du data center en termes de conformité et de coûts d'hébergement.

Les DSI considèrent également que les meilleurs exemples de transformations impliquent presque toujours une certaine utilisation du cloud. Il serait donc bénéfique d'envisager et de globaliser d'une manière ou d'une autre les mêmes techniques de modernisation appliquées dans le cloud à l'ensemble du patrimoine IT d'une entreprise.

L'auteur

Tom Nolle est fondateur et analyste principal chez Andover Intel, une société de conseil qui étudie les technologies et les applications en évolution du point de vue de l'acheteur et de ses besoins. Tom Nolle est programmeur, architecte logiciel et administrateur de logiciels et de produits de réseau. Il fournit des services d'analyse technologique depuis des décennies.

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