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Enquête antitrust de la CMA : Microsoft accuse Google et AWS de « brouiller les pistes »
Dans sa réponse à l’enquête menée par l’autorité de la concurrence et des marchés britanniques sur ses pratiques en matière de licences cloud, Microsoft s’en prend à ses rivaux qui affirment que ses tactiques sont anticoncurrentielles.
Microsoft accuse Amazon et Google, de « brouiller les pistes » à travers leurs contributions à l’enquête.
C’est ce qui ressort d’un document long de 27 pages faisant office de réponse à l’autorité de la concurrence britannique. Cette dernière avait publié en juin 2024 les conclusions intermédiaires de son enquête sur les pratiques commerciales des fournisseurs cloud. L’autorité soulignait ses préoccupations quant aux tactiques anticoncurrentielles de Microsoft.
Dans son touffu rapport, la CMA dit avoir récolté des preuves que le géant de l’IT dirigé par Satya Nadella chercherait à affaiblir sa concurrence britannique en rendant l’exécution de produits sous licence Microsoft plus chère sur d’autres clouds qu’Azure.
« À long terme, cela pourrait affaiblir la capacité des rivaux à acquérir suffisamment de clients et leur fait bénéficier des avantages découlant de la mise à l’échelle de services cloud », indique le document de travail de la CMA.
Les autres acteurs du cloud présent sur le marché britannique ont également été invités à donner leur avis sur les conclusions provisoires de l’autorité.
Dans son commentaire long de six pages, Google assure que « les pratiques de Microsoft en matière de licences augmentent les coûts des concurrents et affaiblissent leur capacité à rivaliser pour une part importante de la demande des clients, ce qui constitue un effet négatif évident sur la concurrence ».
« Les éléments de preuve fournis par la CMA soulignent la nécessité urgente de prendre des mesures correctives pour remédier aux [domaines de préoccupation]. Nous […] pensons qu’il existe des moyens simples d’empêcher Microsoft de nuire davantage à la concurrence sur ce marché important ».
Les observations de Microsoft, rédigées par des représentants du cabinet d’avocats Latham & Watkins, réfutent ce point de vue. « « Les conditions d’octroi de licences de propriété intellectuelle de Microsoft n’augmentent pas de manière significative les coûts de ses concurrents dans le domaine », écrivent-ils d’emblée.
Cette déclaration répond précisément à une inquiétude exprimée par la CMA selon laquelle les pratiques de Microsoft en matière de licences pourraient contraindre ses rivaux Amazon Web Services (AWS) et Google Cloud Platform (GCP) à augmenter « sensiblement » leurs coûts d’exploitation au point de créer un risque de « véritable verrouillage du marché ».
Google Cloud et AWS, des rivaux bien dotés, selon Microsoft
Un argument balayé du revers de la main par les avocats de Microsoft.
« Amazon et Google semblent, à tous points de vue, disposer de liquidités suffisantes pour jouer et rivaliser de manière rentable », indique leur réponse.
« Amazon et Google investissent respectivement 50 milliards de dollars et 30 milliards de dollars en CAPEX, ce qui montre leur engagement et leur croyance en un avenir rentable et compétitif dans le cloud », poursuivent-ils. « Ce ne sont pas les actions de rivaux marginalisés ou affaiblis qui auraient du mal à rétribuer Microsoft pour l’utilisation rentable de sa [propriété intellectuelle] à grande échelle ».
Dans sa réponse, Microsoft s’en prend à AWS, à GCP, à l’association Cloud Infrastructure Service Providers in Europe (CISPE) et à « d’autres » pour avoir diffusé des informations erronées sur la manière dont ses pratiques en matière de licences pourraient avoir un effet néfaste sur la concurrence sur le marché.
La CISPE s’est déjà opposé avec force aux pratiques de Microsoft en matière de licences, qu’elle a qualifiées à plusieurs reprises d’ « injustes », mais les deux parties ont conclu une sorte de trêve au cours des dernières semaines.
Dans le cadre d’un accord de 22 millions de dollars annoncé le 11 juillet dernier, la CISPE a accepté de retirer une plainte antitrust qu’elle avait déposée de longue date contre Microsoft auprès de la Commission européenne. AWS, Google Cloud et Alibaba, tous trois membres visibles de l’association, ont été écartés de l’accord.
Celui-ci permet aux fournisseurs européens membres de la CISPE, dont Ikoula, Clever Cloud ou encore 3DS Outscale, d’accéder à une version d’Azure Stack HCI (Azure HCI Stack for Hosters) adapté à leurs besoins. Celle-ci prend en charge une infrastructure VDI multissession basée sur Windows 11, des mises à jour de sécurité étendues gratuites et des licences pay-as-you-go pour SQL Server.
Cela aurait provoqué l’ire de Google, qui selon Bloomberg, était prêt à financer l’association à hauteur de 14 millions d’euros et à fournir l’équivalent de 455 millions d’euros de licences logiciel à ses membres pour qu’elle maintienne sa plainte.
De son côté, « Microsoft observe qu’Amazon, Google, la CISPE et d’autres ont brouillé et brouillent encore les pistes en ce qui concerne les [effets néfastes sur la concurrence] et la manière d’y répondre ».
Google et Microsoft s’écharpent sur les licences Windows Server et SQL Server
AWS s’est d’ailleurs déjà attaqué aux pratiques de Microsoft en matière de licences dans une soumission à la CMA, déposée au début du mois de juillet 2024. La filiale cloud du géant de l'e-commerce accuse Microsoft d’utiliser ses technologies existantes pour fausser le fonctionnement du marché des services d’infrastructure cloud.
Contrairement à Microsoft, la plupart des autres fournisseurs IT n’ont généralement pas de logiciels hérités « indispensables » qui pourraient être utilisés pour fausser la concurrence au détriment des clients », peut-on lire dans les observations d’AWS. « En effet, les pratiques en matière de licences ne devraient pas être utilisées pour restreindre artificiellement le choix des clients et rendre le changement de fournisseur plus difficile".
La réponse de Google auprès de la DMA est plus précise à ce sujet et confirme les avis partagés en « off » par des porte-parole du groupe avec LeMagIT.
Reprenant les citations de Microsoft concernant la criticité de Windows Server et l’absence d’alternative dans certains cas, la filiale d’Alphabet insiste sur le fait que les charges de travail existantes associées représentent « une part importante du marché adressable du cloud ».
« Étant donné que les clients préfèrent migrer leurs charges de travail sur site vers le cloud en adoptant une stratégie de "lift-and-shift", ils continueront à compter sur Windows Server même après leur migration vers le cloud », poursuit-elle.
Or, « Microsoft facture à AWS et Google Cloud des frais nettement plus élevés pour le droit d’offrir Windows Server et SQL Server en aval que ce qu’il facture aux clients Azure pour le droit d’acheter directement Windows Server et SQL Server », assure-t-elle.
« L’expérience propre de Google avec les clients montre souvent que, en raison des différences de prix, ils n’ont pas d’autre choix efficace que d’opter pour Azure, malgré le fait qu’ils pourraient autrement choisir un fournisseur de cloud concurrent en se basant sur d’autres facteurs », ajoute-t-elle.
« Faux » (« Untrue », sic), répond Microsoft. Le géant insiste : il serait tout à fait possible d’héberger Windows Server chez les autres fournisseurs de cloud. Pour la firme de Redmond, le scénario décrit par GCP est une « théorie ».
« Les hyperscalers ne devraient pas réussir en s’appuyant sur des notions vagues de préjudice pour les clients – surtout lorsque celles-ci découlent des choix des hyperscalers concernant le niveau de remises à offrir et non d’un manque d’accès à Windows Server », écrivent les avocats.
En clair, si AWS et GCP doivent rétribuer Microsoft, ils ont tout le loisir d’appliquer des rabais sur leurs offres pour attirer les clients. Une stratégie commerciale qu’ils n’appliqueraient pas. Quant à SQL Server, Microsoft assure que les clients peuvent l’héberger en mode BYOL (Bring Your Own Licence) sur les instances cloud de leur choix.
En conclusion, les avocats de la firme « suggèrent respectueusement » à la CMA de rejeter toutes les préoccupations soulevées au sujet de ses pratiques de licence.
« La CMA a de nombreuses raisons de rejeter ces préoccupations comme étant sans fondement aux fins d’une conclusion provisoire d’effet négatif sur la concurrence, sans parler d’une conclusion solide sur l’équilibre des probabilités », jargonnent-ils.
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