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Datadog serait prêt à acquérir GitLab : la prudence règne chez les clients

Selon les informations de Reuters, Datadog serait un prétendant pour acquérir GitLab. Tandis que les clients pèsent le pour et le contre d’une telle fusion, des experts IT s’interrogent sur sa faisabilité.

C’est avec une certaine appréhension que les clients de GitLab ont digéré cette semaine une information selon laquelle l’éditeur spécialiste du DevSecOps cherche un acquéreur. Datadog ferait partie des acquéreurs potentiellement intéressés. Un rapprochement que les clients de GitLab – interrogés par SearchITOperations, une publication sœur du MagIT – n’ont pas totalement boudé.

Selon une dépêche Reuters du 17 juillet citant des sources anonymes, GitLab « envisage une vente après avoir suscité l’intérêt d’un acquéreur », et l’éditeur de solutions d’observabilité Datadog fait partie des acheteurs potentiellement intéressés. Alphabet, la société mère de Google, détient 22,2 % des parts de GitLab, selon l’agence de presse, et certains analystes de Wall Street ont suggéré que le géant du cloud pourrait également se porter acquéreur, au même titre qu’IBM. Alphabet aurait par ailleurs été en pourparlers, afin d’acquérir la startup de cybersécurité Wiz pour 23 milliards de dollars et la société de martech HubSpot, deux projets qui ont échoué.

Selon les sources de Reuters, les négociations pour l’acquisition de GitLab n’en sont qu’à leurs débuts.

« Un accord n’est pas encore conclu et aucun accord n’est certain », indique le rapport. Aucune estimation des conditions financières de l’opération n’a été communiquée.

Bien que les chiffres s’additionnent – Datadog a une capitalisation boursière de 41,3 milliards de dollars, selon Google Finance, tandis que celle de GitLab est de 8,8 milliards de dollars –, cette fusion serait une « très grosse bouchée » pour Datadog si elle se concrétisait, estime Jim Mercer, analyste chez IDC.

« À long terme, elle pourrait profiter aux entreprises clientes en leur donnant accès à une plateforme capable de créer, de sécuriser, de fournir et d’exécuter leurs applications », estime Jim Mercer. « Toutefois […] je soupçonne qu’il y aurait une certaine indigestion entre les deux entreprises ».

Les utilisateurs de GitLab ont des doutes sur l’intégration et la tarification

Pour un client commun des deux entreprises, l’accord potentiel a d’abord été une source d’inquiétude, mais les possibilités sont devenues plus claires après réflexion.

« C’était un peu une surprise, mais j’y ai réfléchi et ce serait logique », estime Maarten Smeets, vice-président du cloud chez l’éditeur d’une PaaS Mendix, qui utilise les pipelines DevSecOps de GitLab et a consolidé son outil d’observabilité sur Datadog il y a trois ans. « Datadog cherche à s’implanter davantage, en particulier dans les entreprises, et pour elles, le fait de s’immiscer davantage (shift left) dans le processus de développement des applications a beaucoup de sens, car cela stimule également la consommation [des outils APM de Datadog]. […] Cela leur donnerait également accès à des actifs auxquels ils n’ont normalement pas accès par défaut, comme les référentiels de code et les pipelines ».

Marteen Smeets explique qu’il pourrait également voir l’avantage potentiel de renvoyer les alertes et les résultats d’observabilité de Datadog aux développeurs lors de la phase de conception des applications, fermant ainsi complètement la boucle de rétroaction du cycle DevOps. Mais le déploiement d’un tel ensemble d’outils combinés dépendrait fortement de ce à quoi ressemble le processus d’intégration, anticipe-t-il.

« La meilleure valeur que Datadog nous apporte est la réduction du temps de triage des incidents. Si je peux ramener cela à un changement de code, à un module ou à un élément d’Infrastructure as code directement, ce serait très utile ».

Peu importe l’acquéreur, un autre client de GitLab espère que l’intégration de l’éditeur dans une entité plus grande aidera à faire baisser ses prix, face aux offres plus compétitives de Microsoft et de GitHub.

Par exemple, GitLab et GitHub proposent tous deux des dépôts de code publics et privés illimités dans leurs versions gratuites, mais GitHub inclut 2 000 minutes de flux CI/CD GitHub Actions par mois pour les dépôts publics, tandis que GitLab inclut 400 minutes de pipeline par groupe, par mois, pour les dépôts privés et publics. GitHub offre également un accès aux fonctions de gestion de projet dans sa version gratuite, alors que GitLab les propose dans le cadre de son abonnement Premium à 29 dollars par utilisateur et par mois.

« Jusqu’à présent, la plupart de nos outils personnalisés sont construits sur GitLab, mais ils peuvent être facilement transférés sur GitHub si nécessaire », indique Anuj Tyagi, ingénieur principal SRE dans une entreprise de communication dont il a demandé l’anonymat. « GitHub offre de nombreuses fonctionnalités dans [son] forfait gratuit, car [il] peut se permettre de minimiser [ses] bénéfices après l’acquisition de Microsoft. Ils essaient de briser la concurrence. Jenkins est déjà considéré comme vieux. […] GitLab est désormais en vente. [GitHub] gagne donc de précieuses places dans la compétition en cours ».

À l’heure actuelle, son entreprise utilise GitLab pour l’orchestration des pipelines, mais avec ses propres runners, et elle n’utilise aucune des fonctions premium d’analyse de la sécurité ou de gestion de projet de GitLab.

Une fusion avec Datadog « peut-être [bénéfique], s’ils font des changements dans les licences et les fonctionnalités » conditionne Anuj Tyagi.

Marteen Smeets, lui, ne s’intéresse ni à Datadog ni à GitLab pour l’automatisation de la sécurité.

« En tant que [fournisseur de services], j’utiliserai toujours les meilleurs outils de sécurité – nous utilisons Snyk, Veracode, etc. Je chercherais davantage à savoir comment GitLab et Datadog peuvent s’intégrer avec ces outils plutôt que de me tourner vers leurs offres ».

Les acteurs de l’observabilité s’immiscent dans l’écosystème DevSecOps

En acquérant une plateforme DevSecOps telle que GitLab, Datadog serait également en mesure d’égaler les fonctionnalités offertes par Dynatrace, son rival en matière d’observabilité. Celui-ci peut déclencher l’orchestration de l’infrastructure cloud et les pipelines CI/CD grâce à ses outils Cloud Operations et AutomationEngine. Datadog et Dynatrace se sont toutes deux développées au cours des cinq dernières années dans le domaine de l’observabilité et de l’automatisation de la sécurité, un autre domaine de chevauchement naturel entre Datadog et GitLab.

Datadog a déjà été agressif dans l’expansion de ses activités par le biais d’acquisitions, rappelle Jim Mercer d’IDC. Il a réalisé 10 rachats au cours des cinq dernières années.

« Aucune d’entre elles n’a été aussi importante que GitLab », rappelle l’analyste. « GitLab conférerait à Datadog une forte présence auprès des développeurs et pourrait lui permettre de devenir un acteur beaucoup plus important. Cela lui permettrait de contrôler à la fois le côté développement et le côté exploitation du pipeline DevOps ».

Par ailleurs, un ingénieur logiciel senior qui a travaillé avec GitLab dans plusieurs entreprises s’est dit sceptique quant à l’éventualité d’une transaction et, le cas échéant, quant au fait que Datadog en soit l’acquéreur.

Selon lui, Google serait l’acquéreur le plus logique compte tenu de son partenariat existant avec GitLab. L’ingénieur logiciel a requis l’anonymat, car il n’est pas autorisé à représenter son employeur actuel dans la presse. À titre d’exemple, il mentionne l’intégration de GitLab avec les modèles d’IA générative de Google et celle de Vertex AI avec son assistant d’IA GitLab Duo comme exemples de leur relation étroite.

Mais de nombreux clients de GitLab le choisissent en raison de ses contrôles de sécurité et de confidentialité pour les entreprises. Et le fait qu’il est maintenu jusqu’à présent des solutions SaaS et on premise (une option populaire chez les clients français de GitLab N.D.L.R.) pourrait entrer en conflit avec les habitudes des acteurs comme Datadog (adepte du replatforming) et (dans une moindre mesure) de Google Cloud, considère l’ingénieur logiciel.

Étant donné qu’il s’agit d’une société cotée en bourse, les dirigeants de GitLab « ont le devoir fiduciaire d’examiner une offre », déclare-t-il. « Mais ils sont dans une bonne position financière, et peut-être que [quelqu’un] a les liquidités nécessaires pour faire une offre folle. Mais à moins que cela ne se produise, je n’y vois pas d’intérêt ».

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