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Upsun : Platform.sh mise sur une alternative à Heroku
Avec Upsun, Platform.sh entend attirer une clientèle déployant des applications « plus complexes, plus variées » qui ne serait pas satisfaite par le modèle tarifaire au forfait qu’il proposait jusqu’alors.
Platform.sh mène son bout de chemin depuis près de dix ans avec sa PaaS. L’éditeur français, qui a levé 140 millions de dollars en série D en 2022. Il affichait alors un revenu récurrent annuel de 40 millions de dollars. En 2024, l’entreprise membre du FrenchTech120 revendique plus de 7 000 clients. Près de 17 000 développeurs actifs utiliseraient ses solutions.
Platform.sh réalise environ 60 % de son chiffre d’affaires en Amérique du Nord, et 12 % en France. Il compte plus de 300 collaborateurs dans 43 pays.
Il s’est principalement fait connaître pour sa PaaS capable de gérer des flottes de sites et des applications Web à large échelle.
« Je n’aime pas trop le terme PaaS qui est un peu fourre-tout, je préfère “Applications platform” », nuance Frédéric Plais, cofondateur et CEO de Platform.sh auprès du MagIT.
Cette distinction, quoique sujette à débat, le CEO l’a faite pour vanter les fonctionnalités clés de sa plateforme. Il y a d’abord la possibilité de cloner des environnements de production en quelques secondes pour les déployer dans des clusters de conteneurs Linux à des fins de développement et de test. Aussi, l’éditeur a mis en œuvre un ensemble de moyens pour automatiser le déploiement et la gestion des pipelines DevOps une fois un dépôt Git connecté à la plateforme. Un fichier YAML suffit pour déclencher un flux CI/CD et la suite est compatible avec les outils IaC.
Toutefois, la typologie des applications Web déployées par les plus de 7 000 clients de Platform.sh change peu à peu.
« Notre croissance a été portée par l’installation de CMS, de sites de e-commerce, mais aujourd’hui nous nous rendons compte que les applications Web déployées par nos clients sont de moins en moins traditionnelles », observe Frédéric Plais. « Certains d’entre eux conçoivent des logiciels SaaS, des marketplaces, des intranets, etc. C’est beaucoup plus diversifié. »
Avec Upsun, Platform.sh s’adapte aux applications complexes
Ces applications s’éloignent de la pile LAMP (Linux, Apache Tomcat, MySQL, PHP), bien connue des administrateurs Web.
C’est pour suivre cette transition que Platform.sh a lancé la marque et le produit Upsun.
Frédéric PlaisCofondateur et CEO, Platform.sh
« Nous ciblons toujours les développeurs, mais nous souhaitons héberger des applications plus complexes, plus variées – par exemple écrites en Node.js ou en Python – qui font souvent appel à plusieurs services, des workers, etc. », affirme Frédéric Plais.
Upsun repose sur la même technologie et les mêmes fournisseurs cloud que Platform.sh (AWS, GCP, Azure, Orange, OVHcloud). Si la PaaS n’accueille pas autant de langages (10 contre 14), c’est pour mieux se concentrer sur les applications C#, .Net Core, Elixir, JavaScript, Node.js, Go, Java, Lisp, PHP, Python et Ruby.
Outre les frameworks bien connus (Rails, Nextjs, Symfony, Laravel ou Django), Upsun prend également en charge Langchain et TorchServe. LangChain est un outil pour bâtir des agents propulsés par des modèles d’IA générative, tandis que TorchServe est un serveur de déploiements de modèles de machine learning en production.
Comme sa grande sœur, Upsun permet d’exécuter des « services » PosgtreSQL, MySQL, Redis, Memcached, MongoDB, Kafka, OpenSearch, RabbitMQ, Varnish, InfluxDB, Elasticsearch, Solr, mais aussi – et c’est une particularité d’Upsun par rapport à Platform.sh – Clickhouse. Il s’agit d’une base de données analytique/data warehouse calibrée pour le traitement de données en temps réel. Elle est particulièrement appréciée par les acteurs du e-commerce et par les fournisseurs IT pour propulser des services d’observabilité.
Pour le reste, ce produit inclut des services d’APM et de profilage issus du rachat de Blackfire en 2021, ainsi que du mécanisme de scripts d’activités. Ces scripts écrits en JavaScript permettent de déclencher des actions sur un projet, d’envoyer des notifications ou encore d’interagir avec des services tiers (Twilio, PagerDuty, Jira, Slack, etc.).
Une tarification plus granulaire
La grande différence entre Upsun et Platform.sh tient dans le modèle économique. « Avec Platform.sh, nous proposons des forfaits sous forme de taille de “t-shirt” (small, large, xlarge, etc.) comprenant des ressources et des services fixes », relate Frédéric Plais. « Quand les applications sont plus variées, ces “bundles” ne fonctionnent plus ». Sur G2, certains usagers reprochent à l’éditeur sa tarification « opaque » et des prix au-dessus de la moyenne, surtout pour les plus petits projets.
Après neuf mois de travail, la tarification d’Upsun est plus granulaire, tout en reprenant des éléments connus des clients de Platform.sh.
Ainsi, avec Upsun, l’éditeur facture 10 euros par mois par utilisateur, auquel s’ajoute au besoin une extension de 9 euros par mois par utilisateur pour la gestion des équipes, afin de donner l’accès aux environnements à des invités et les permissions personnalisées.
Des frais de 9 euros par mois s’appliquent par projet. Chaque projet (jusqu’à 100 domaines de production) inclut 2,5 heures d’utilisation de CPU et cinq heures d’usage de la RAM pour les builds, 10 Go de bande passante d’egress, 500 000 requêtes d’egress, 30 jours de collecte de « métriques d’infrastructure » et 15 minutes de profilage continu (pendant 30 jours avec un supplément à 4,89 euros par mois pour Go, Node.js et Python).
Les transferts egress supplémentaires sont facturés 0,03 euro du Go et les 100 000 requêtes supplémentaires coûte 1 euro.
Ensuite, l’éditeur demande de payer 0,033 et 0,013 euro par heure pour l’usage CPU et RAM (1 Go) de l’application. Les ressources additionnelles nécessaires lors des builds sont facturées de manière identique.
L’exécution des services coûte 0,049 euro l’heure pour le CPU et 0,020 euro pour la mémoire. Une tarification mensuelle est également disponible.
Upsun réclame 0,49 euro par Go de données stockées dans les environnements, tandis que le backup coûte 0,10 euro par Go.
L’éditeur propose plusieurs tailles d’instances suivant la typologie de la charge de travail (intensive en calcul, en mémoire ou équilibré) pour les applications (jusqu’à 8 CPU et 17 Go de RAM par instance) et les services. La plateforme dispose d’une option d’autoscaling.
À cela s’ajoute le support, environ 10 % du coût total. Un simulateur permet d’avoir une estimation en fonction du cas d’usage.
Avec Upsun, l’éditeur prône le pay as go, mais au-delà de 2 000 euros par mois, il propose des plans de volume, du prépaiement et des devis personnalisés.
Un rabais sur les régions cloud « vertes »
Platform.sh décline avec Upsun une démarche Green IT qu’il veut incitative. Ainsi, les clients optant pour les régions cloud au coefficient carbone le plus faible bénéficient d’un (petit) rabais de 3 % sur l’utilisation des ressources. « Les régions les plus vertes sont celles dont le score d’intensité carbone du réseau électrique est inférieur à 100 g CO2eq/KWh », précise l’éditeur. Il en liste six dans cette catégorie en France (OVH, Azure), à l’ouest des États-Unis (Azure), au Canada (AWS), en Suède (AWS) et en Suisse (GCP).
Pour les clients existants, l’éditeur propose déjà un tutoriel afin de migrer simplement les charges de travail.
« Le delta de consommation d’énergie entre une instance dont les ressources sont faiblement utilisées et une autre exploitée à plein est faible », explique Frédéric Plais. « De plus, nous remarquons que nos clients ont tendance à déployer leurs applications dans les régions cloud proches de chez eux », poursuit-il. « Dans les faits, la plupart des usages ne réclament pas de déployer des applications à proximité des usagers. En revanche, l’empreinte carbone du réseau électrique et des sources d’énergie qui alimentent le data center cible est importante. Il y a un rapport de 1 à 20 entre l’Allemagne et la Suède ».
Par le choix des bonnes régions, de la mutualisation des charges de travail et l’optimisation de son code, Platform.sh a obtenu des récompenses par EcoVadis et Greenly pour avoir réduit ses émissions carbone de 6 % entre 2022 et 2023.
L’écosystème PaaS est de plus en plus concurrentiel
Upsun a été lancée en avril. « Depuis trois mois, nous avons attiré un peu moins de 30 clients, principalement des startups et des scale-ups », renseigne Frédéric Plais. « Cela va changer notre type de clients. C’était l’objectif : nous voulions élargir notre marché total accessible ».
Frédéric PlaisCofondateur et CEO, Platform.sh
Le changement de modèle tarifaire orchestré par Salesforce chez Heroku en 2022 a modifié la dynamique du marché PaaS. Pour répondre aux usages « self-service », les offres de plus petits acteurs (Replit, Coolify, Fly, Railway, Vercel, Porter, Digital Ocean, etc.) ont pris leur essor. Sans parler des éditeurs de distributions de Kubernetes qui lorgnent ce marché.
Autant de concurrents pour la nouvelle marque de Platform.sh. « En matière de positionnement, Upsun est véritablement en face d’Heroku », confirme Frédéric Plais.
Platform.sh est davantage habitué à se retrouver en concurrence avec Acquia, Netlify, WP Engine ou Pantheon.
Pour convaincre de plus grands comptes d’adopter cette PaaS « self-service », il faudra que l’éditeur complète les options de sécurité, en sus du service KMS déjà accessible. La prise en charge des SSO OIDC, SAML et Google sont sur la feuille de route d’Upsun, tout comme les mécanismes pour obliger l’activation de l’authentification multifacteur. Upsun est déjà conforme aux normes PCI DSS et SOC 2. L’ajout d’Elasticsearch Enterprise et MongoDB Enterprise à la liste des services est également sur le calendrier.
Plus tard, Upsun accueillera le CDN et le WAF de Fastly, à l’instar de Platform.sh.
Enfin, comme Platform.sh et Uspun ont un tronc commun technique, il est fort probable que l’éditeur propose un modèle économique plus flexible sur Platform.sh, tout en conservant ses forfaits actuels. « Notre clientèle est partagée entre les adeptes du paiement à la consommation et ceux qui préfèrent des offres plus prévisibles. Nous choisissons donc les deux approches ».
Un autre levier pour Platform.sh serait de permettre à ses clients d’utiliser les crédits de leurs engagements cloud pour s’acquitter des ressources déployées. « Nous n’avons pas cela dans l’offre, mais nous envisageons de l’ajouter, nos clients nous le réclament », conclut le CEO.