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Élections américaines : quel signal le choix du colistier de Trump envoie-t-il au monde de l’IT ?

Donald Trump a choisi J. D. Vance comme colistier, un républicain qui a fait carrière dans la Finance et la Tech. Très conservateur et protectionniste, il veut aussi se montrer plus bipartisan. Mais sans aller jusqu’à devenir pro-Silicon Valley pour autant.

Les liens du sénateur républicain de l’Ohio, J. D. Vance, avec le monde de la tech américaine sont forts. Mais complexes. En le choisissant comme colistier pour l’élection à la présidence des États-Unis, Donald Trump envoie plusieurs messages au secteur.

Pro-business et libéral (en économie)

James David Vance est un sénateur connu pour être libéral en économie, ultraconservateur sur des questions sociales (comme l’avortement), favorable aux entreprises, mais pas forcément à celles de la Silicon Valley.

Côté pile, son expérience d’investisseur en capital-risque lui permet d’entretenir des liens étroits avec le secteur IT, note Darrell West, chercheur à la Brookings Institution.

Photo de J.D. VanceJ. D. Vance

En 2020, il a par exemple lancé dans son État un fonds de capital-risque pour soutenir les phases de démarrage de startups (early-stage). Nommé Narya Capital, ce fonds est co-financé par des acteurs majeurs des nouvelles technologies, comme l’ancien PDG de Google, Eric Schmidt, et l’ex-PDG libertarien de PayPal, Peter Thiel.

« Il s’agit de quelques-unes des personnalités tech les plus riches des États-Unis. Je pense que son nom va permettre à l’équipe de Trump d’obtenir beaucoup d’argent de leur part », estime Darrell West.

Côté face, J. D. Vance ne cache pas son opposition aux grands groupes IT. En premier lieu Google – qu’il considère être « l’une des entreprises les plus dangereuses au monde » à cause de ses prises de positions politiques (cf. ci-après) – et qu’il souhaiterait voire démanteler, rappelle Politico.

Cette opposition l’a par exemple poussé à soutenir l’abrogation de la Section 230. Pour mémoire, cet article donne l’immunité aux grandes entreprises sur les contenus qui sont publiés sur leurs plateformes par des tiers. J. D. Vance estime qu’un Meta a suffisamment de moyens pour réguler ces contenus et que cette immunité serait une distorsion de concurrence.

Il n’en reste pas moins que, pour Darrell West, la réglementation des grandes entreprises, y compris sur l’IA, ne sera probablement pas au programme de J. D. Vance. Au contraire… Selon le programme du parti républicain, Donald Trump pourrait même abroger le décret de Joe Biden pour « supprimer les réglementations qui étouffent l’emploi, la liberté et l’innovation » (sic).

Rob Atkinson, président de la Fondation pour les technologies de l’information et l’innovation, acquiesce. Pour lui, même si J. D. Vance est « radicalement critique » à l’égard des sociétés Internet, il est probable qu’il aura une approche réglementaire plus légère à leur égard que l’Administration Biden.

« Ce qu’il veut faire, c’est essayer d’aligner l’économie IT sur les priorités nationales, notamment en ce qui concerne la concurrence avec la Chine », explique l’expert.

Protectionnisme et « dur avec la Chine »

La Chine, justement. James David Vance est connu pour ses prises de position protectionnistes et pour vouloir favoriser le développement des entreprises américaines. Son attitude politique face à la Chine, en particulier dans l’IT, se veut stricte. Pour Rob Atkinson, l’un des principaux objectifs de J. D. Vance sera de stimuler l’innovation aux États-Unis pour concurrencer ce grand rival chinois.

En mars, le désormais colistier de Trump a présenté un projet de loi visant à empêcher le gouvernement chinois d’accéder aux marchés financiers américains – y compris l’immobilier, les banques, les sociétés d’investissement et les bourses de valeurs nationales – s’il ne respectait pas les lois internationales en matière d’échanges, de libre commerce et de finance.

Il a également coparrainé avec le sénateur Marco Rubio (républicain, Floride) un autre projet de loi qui vise à augmenter les droits de douane sur les véhicules fabriqués en Chine.

De fait, la politique chinoise de Vance s’aligne parfaitement sur celle de Donald Trump, qui a déclaré lors du premier débat présidentiel qu’il prévoyait de mettre en place des droits de douane de 10 % sur tous les biens entrant aux États-Unis. Lorsqu’il était président, Trump avait également mis en place des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium chinois.

« Vance sera dur avec la Chine », conclut Darrell West.

Anti-Silicon Valley

Enfin, James David Vance a pris des positions tranchées sur la prétendue partialité politique des grands groupes IT californiens. Pour lui, ce secteur aurait un parti pris pro-démocrate et très anti-républicain. Dans son optique, les Google, Meta et autres Apple réduiraient même au silence les voix conservatrices, déchiffre Darrell West.

Cette année, J. D. Vance a écrit avec la sénatrice du Wyoming Cynthia Lummis, et le sénateur Mike Lee (Utah), une lettre au PDG de Google, Sundar Pichai. Dans ce courrier, les trois républicains faisaient part de leurs inquiétudes quant au fait que le modèle d’intelligence artificielle Gemini ne tiendrait pas compte de faits historiques objectifs et avérés et préférerait des réponses qui « s’alignent sur l’idéologie “woke” ».

La lettre demandait à Google de fournir des informations sur la manière dont il a développé Gemini et sur les mesures qu’il envisage de prendre pour prévenir les préjugés politiques.

Un candidat co-président bipartisan ?

Toutes ces positions pourraient en faire un républicain « pur jus ». C’est le cas, mais le personnage est aussi plus complexe. Issu d’une famille très modeste, mariée à une avocate cataloguée démocrate, J. D. Vance est l’auteur de mémoires qui sont devenues un best-seller, Hillbilly Elegy, portées à l’écran sur Netflix, et qui décrivent les difficultés des familles de la classe ouvrière qu’il a connues.

Au-delà de l’IT, la réindustrialisation des États-Unis est l’une des priorités de J. D. Vance, avance Darrell West. Sur son réseau social Truth Social, Donald Trump a d’ailleurs déclaré que les compétences qui ont amené son co-listier au succès dans la tech et la finance seraient « fortement utiles » pour aider les agriculteurs et les travailleurs de la classe moyenne.

« Cela sera très important dans les États clés que sont la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin. Je pense qu’il passera beaucoup de temps dans ces régions », prédit Darren West.

Toujours dans cette fibre « sociale », J. D. Vance a coparrainé une initiative avec le sénateur démocrate du Nouveau-Mexique, Ben Ray Luján, pour financer un programme d’amélioration de l’accès au haut débit pour les familles modestes : l’Affordable Connectivity Program de la Federal Communications Commission.

« Il a toujours eu la volonté de dépasser les clivages et d’être bipartisan », souligne Rob Atkinson. Ce qui ne le rend pas plus « Silicon Valley friendly » pour autant, mais qui le rend assurément plus difficile à lire (et imprévisible ?) pour le monde de l’IT.

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