VMware : « Nous restons la seule solution de transformation »

Après les six mois de cacophonie qui ont succédé au rachat de VMware par Broadcom et la mise en place de méthodes commerciales controversées, le patron de la filiale française entend apaiser les tensions avec une approche plus cohérente.

« La nouvelle offre commerciale de VMware correspond simplement à la transformation des entreprises ! Bien sûr que cette transformation a un coût important, mais c’est intrinsèque, cela va au-delà des tarifs que pratique VMware. Et, justement, nous sommes là pour être à l’écoute des entreprises, pour discuter avec elles des tarifs les plus arrangeants », lance Marc Dollois, le directeur général de VMware France (en photo), en pleine opération de déminage, après un semestre de situation chaotique.

À date, les clients n’ont pas semblé décolérer face aux nouvelles pratiques commerciales que l’éditeur leur a imposées. Le Cigref, l’association des grandes entreprises et des administrations françaises utilisatrices de produits et services informatiques, appelle depuis avril la Commission européenne à l’aide pour qu’elle oblige l’éditeur à reculer. Il estime que ses ventes, désormais par abonnement et par bundle, coûteraient à l’économie de l’UE 15 milliards d’euros supplémentaires, rien que sur les deux prochaines années.

« Mais nous n’avons pas réorganisé notre offre pour augmenter nos tarifs. Nous l’avons fait pour passer d’un catalogue de 3 000 références, qui était devenu illisible, à seulement deux références qui comprennent tous les modules fonctionnels : VMware Cloud Foundation (VCF), pour les grandes entreprises qui veulent disposer de leur propre cloud IaaS, et VMware vSphere Foundation (VVF), pour les autres qui veulent simplement motoriser leur datacenter », argumente Marc Dollois.

Selon le DG français, ce changement d’approche commerciale était simplement une nécessité pour s’adapter à un nouveau contexte de marché. « Il y a quatre/cinq ans, nos clients nous ont dit qu’ils allaient abandonner leurs data centers, devenus trop complexes, pour migrer toute leur informatique en cloud public, qui promettait d’être bien plus simple. Mais ils n’y sont pas parvenus, car le cloud ne leur a jamais permis de disposer d’une plateforme complète. »

« Aujourd’hui, ces entreprises veulent redéployer leur informatique sur site. Et elles sont revenues vers nous en nous demandant une offre aussi simple que celle du cloud public, où toutes les fonctions sont immédiatement disponibles depuis un seul portail. Nous n’avons rien fait d’autre », assure le DG France.

Déminer la communication « brutale » de Broadcom

Décryptage. VMware est l’éditeur numéro un parmi les logiciels d’infrastructure. Toutes les grandes entreprises et la plupart des moins grandes utilisent ses solutions de virtualisation pour faciliter l’exécution des applications sur leurs serveurs.

Ses technologies propriétaires, qui désolidarisent les logiciels des machines physiques, ont créé une dépendance technologique telle qu’il faudrait reconstruire un data center en partant de zéro pour utiliser une solution alternative. Une perspective qui ne fait évidemment envie à personne, tant elle coûterait en temps, en ressources humaines et en frais de migration.

C’est pourtant l’option la plus débattue depuis le début de l’année. Du moins parmi les clients, les prestataires et les fournisseurs avec lesquels LeMagIT a pu s’entretenir. En cause : VMware s’est fait racheter en novembre 2023 par son compatriote Broadcom. Et celui-ci a annoncé dès le premier jour qu’il rembourserait rapidement son investissement de 61 milliards de dollars (plus 8 mds $ pour le paiement des dettes) à coups d’augmentations tarifaires censées lui rapporter 8,5 mds $ de bénéfices en plus par an.

Tout le monde a immédiatement compris que ces augmentations seraient sévères. Elles l’avaient déjà été quand Broadcom avait racheté CA et Symantec. Même si le mégabundle VCF a vu son prix catalogue diminuer de 30 %, nombre d’entreprises qui n’utilisaient que quelques produits parmi les 3 000 du catalogue VMware ont calculé que l’obligation de tout installer pourrait multiplier leur facture annuelle par… 12.

« Je reconnais que la communication de Broadcom a sans doute été trop brutale et que cela a soulevé de manière inutile des craintes. Nous sommes désolés de cela. »
Marc DolloisDirecteur général, VMware France

« Non ! Je reconnais que la communication de Broadcom a sans doute été trop brutale et que cela a soulevé de manière inutile des craintes. Nous sommes désolés de cela. Mais, non, la vocation des bundles est au contraire de permettre aux entreprises qui investissent aujourd’hui 1 € dans VMware d’économiser 2 à 3 € dans les coûts opérationnels de leurs data centers. Par exemple, comme le stockage vSAN est désormais entièrement intégré, vous n’avez plus à investir dans l’intégration d’un stockage acheté à part », se défend Marc Dollois.

« Le fait est que les entreprises doivent aujourd’hui transformer leur datacenter pour qu’il fonctionne comme le cloud d’un hyperscaler. C’est-à-dire qu’elles doivent réinvestir dans des équipements plus efficaces. Lorsque nous avons fait des études avec nos clients, nous sommes arrivés à la conclusion que le prix qu’ils avaient calculé pour nos solutions sur leurs infrastructures actuelles serait in fine 30 % inférieur sur les infrastructures qu’elles allaient déployer à la place », ajoute-t-il.

Selon lui, les bundles VCF et VVF permettraient de déployer plus facilement – d’un clic, ou presque – des choses plus intéressantes. Y compris chez les entreprises de taille moyenne, voire petites, qui n’avaient jamais eu les ressources nécessaires pour passer de simples serveurs exécutant des machines virtuelles à des infrastructures qui surveillent leur qualité de service. On pense notamment aux logiciels de supervision Aria, très attrayants sur le papier, mais dont l’installation à part aurait découragé plus d’un DSI.

Quelle alternative ?

« Maintenant, les entreprises doivent se poser une question : après l’échec du déploiement en cloud, veulent-elles revenir à la plateforme de virtualisation qui est leader du marché, ou peuvent-elles se permettre d’aller ailleurs ? En ce qui nous concerne, nous investissons 1 milliard de dollars en R&D par an », dit Marc Dollois, en référence à la campagne que ses concurrents – Nutanix, pour commencer, puis Red Hat plus récemment – ont lancée pour inviter les entreprises à migrer sur leurs solutions respectives.

« Les entreprises doivent se poser une question : après l’échec du déploiement en cloud, veulent-elles revenir à la plateforme de virtualisation qui est leader du marché, ou peuvent-elles se permettre d’aller ailleurs ? »
Marc DolloisDirecteur général, VMware France

Dans les faits, Nutanix est toujours apparu comme le choix alternatif à VMware dans un domaine bien précis, celui des infrastructures hyperconvergées, où les machines sont virtualisées avec leur stockage. Ce type de configuration est plus adapté aux déploiements d’appoints.

Mais pour prétendre se substituer complètement à vSphere, la solution de Nutanix doit franchir le cap technologique de s’interfacer avec des solutions de stockage tierces. Si c’est bien ce que Nutanix a récemment amorcé en se rapprochant de Dell, il lui manque encore de se connecter aux solutions de NetApp, Pure Storage ou encore Hitachi Vantara qu’utilisent les grandes entreprises.

Concernant Red Hat, le problème du stockage existe d’autant moins que l’éditeur a tracé un trait sur toutes ses velléités de proposer une solution maison. Le système Ceph qu’il a défendu bec et ongles durant des années a finalement été mis, en fin d’année dernière, sous la seule tutelle de sa maison mère IBM. Et Red Hat peut se féliciter de travailler aujourd’hui, comme VMware, avec tous les fournisseurs de stockage.

En revanche, la conception même de l’alternative que Red Hat peut proposer, appelée OpenShift Virtualization, est si différente de celle de VMware – les machines virtuelles sont exécutées dans des containers, alors que vSphere et Nutanix font l’inverse – qu’elle risque de coûter plus cher encore en efforts de migration.

D’autres alternatives ont le mérite d’exister, sans pour autant se prévaloir d’une clientèle étoffée, du fait de leur jeunesse. Citons la plateforme Open source Proxmox – qui vient d’être prise en charge par Veeam, le partenaire historique de VMware sur la fonctionnalité de sauvegarde des données. Ou encore MicroCloud, de Canonical, qui concurrence plutôt Nutanix sur la seule hyperconvergence.

« Pour l’instant, nous n’avons perdu aucun client en France », se félicite Marc Dollois.

D’où vient, dès lors, la perte de 600 millions de dollars que les comptables de VMware viennent d’enregistrer entre les deux derniers trimestres ? « Avant, nous vendions des licences perpétuelles tous les cinq ans. Désormais, nous commercialisons nos logiciels par abonnement. Mathématiquement, au début, l’abonnement rapporte moins qu’une vente. Mais au fil du temps, il nous assure des revenus plus réguliers que les ventes », répond notre interlocuteur.

Rendre toutes les fonctions de maintenance transparentes

Toujours est-il que les nouveaux bundles VCF et VVF doivent aussi évoluer pour répondre à cette fameuse promesse de transformation. Cet été, la version 5.2 de VCF apportera enfin un portail global qui permettra d’installer d’un seul clic n’importe quelle option sur les serveurs en place.

La promesse ? Par exemple, appuyer sur une icône pour mettre en production, en quelques minutes à peine, VMware Private AI. Soit tout un ensemble de serveurs virtuels prêts à l’emploi pour bénéficier d’une IA générative, qui forge les réponses qu’elle donne aux utilisateurs en se basant sur les documents de l’entreprise.

« Pour y parvenir, il faut déployer du RAG, lequel nécessite de déployer du stockage vectorisé des documents. C’est d’ordinaire complexe à mettre en œuvre. Là, tout le déploiement est automatisé », vante Nicolas Oueriemi, le directeur avant-vente de VMware pour la région Europe du Sud (France, Italie, Espagne, Portugal).

Cette version 5.2 disposera d’une fonction d’import de toutes les configurations de logiciels VMware déjà en place, pour tous les intégrer dans la console globale, comme s’ils avaient tous toujours été vendus ensemble. Le fait de tout gérer ensemble va accessoirement permettre de tout mettre à jour ensemble, automatiquement, de manière transparente. Précédemment, une équipe informatique pouvait passer des semaines à mettre à jour les différents logiciels. VMware explique que ses nouveaux tarifs font aussi gagner du temps-homme.

« On passe d’un puzzle à une seule plateforme, globale, entière », résume Nicolas Oueriemi. « Cette console globale, baptisée SDDC Manager, qui fait tout toute seule, représente une évolution aussi majeure parmi nos technologies que l’a été vMotion, notre dispositif qui permet de déplacer des machines virtuelles d’un serveur à l’autre en cours de fonctionnement. »

« Cette conception beaucoup plus simple est nécessaire dans un contexte où les entreprises doivent se lancer dans le remplacement de leur IT par des serveurs plus musclés. Elles veulent pouvoir bénéficier de toutes les possibilités du réseau, du stockage, sans aucune entrave. Et nous sommes les seuls, avec nos 25 ans d’expérience, à pouvoir le leur offrir », argumente-t-il.

En janvier de l’année prochaine, VCF et VVF devraient évoluer en une nouvelle version notée 9.0, pour s’aligner sur la numérotation de vSphere (qui en est actuellement à la version 8).

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