De l’IA générative à l’IA « agentique » (rapport)
D’ici deux à cinq ans, les entreprises pourront déployer des « agents » évolués à base d’IA. C’est ce qu’anticipe Forrester dans un rapport sur les technologies émergentes. Un mouvement, confirmé par la feuille de route d’éditeurs, qui devrait faire passer la GenAI dans une tout autre dimension.
Le cabinet de conseil et d’étude Forrester vient de publier un rapport sur les dix technologies émergentes qui devraient marquer le monde de l’IT dans les mois à venir. Forrester les classe en fonction de l’horizon (court terme, moyen terme, long terme) où elles auront le plus d’impact.
Sans surprise, l’intelligence artificielle générative (Gen AI) y prend une place importante. Quatre places exactement.
Il y a IA générative… et IA générative
Forrester sépare clairement l’IA générative en trois catégories bien distinctes, les cas d’usage et les bénéfices étant également bien différents :
- l’IA générative textuelle (à la ChatGPT),
- les algorithmes de génération d’image (à la Stable Diffusion ou à la Sora),
- et les « Turing Bots », nom maison pour les assistants au développement de code.
L’IA générative textuelle n’est quasiment plus une technologie émergente, mais plus une technologie omniprésente (« from emergence to everywhere »), écrivent les analystes de Forrester).
Sa capacité à « comprendre » les données non structurées en ferait déjà une technologie de choix pour l’analyse de sentiments (retours clients, réseaux sociaux, etc.), la gestion des connaissances, les résumés (de verbatim ou autres), ou la classification automatique de documents. Sans oublier, bien sûr, l’ébauche de textes et/ou de données synthétiques (par exemple en créant de l’ADN).
Jean-Baptiste BouzigeCEO et co-fondateur d’Ekimetrics
Mais, souligne Forrester, les grands modèles (LLM) vont certainement devoir évoluer vers des modèles plus spécialisés (et plus petits) pour mieux répondre aux besoins de chaque secteur. Effectivement, « les modèles les plus larges ont des difficultés à être pointus », souligne Jean-Baptiste Bouzige, CEO et co-fondateur d’Ekimetrics.
Pour la génération d’images, les usages concernent prioritairement le marketing des grands groupes qui ont des gammes de produits très riches. Par exemple, afin de faire de la publicité personnalisée pour chaque site de vente (comme l’a fait Cadbury’s dans plus de 130 000 magasins).
Forrester rappelle au passage que L’Oréal a fait un partenariat direct avec NVIDIA pour son « GenAI Content Lab » et que Coca-Cola a déjà investi plus d’un milliard de dollars dans les outils de GenAI de Microsoft. Les risques de la génération d’images et de films restent cependant aussi très importants (Deep fake, violation de copyright, images erronées, etc.), avertit Forrester.
La frontière entre ces deux formes d’IA tend à se réduire avec l’IA « multimodale », mais les bénéfices et les personnes concernées restent encore distincts.
Vers l’IA agentique
La troisième forme de Gen AI qui devrait rapidement livrer ses bénéfices est l’assistant à l’écriture de code (les Turing Bots).
Laurent DaudetDG, LightOn
Pour l’instant, ces bénéfices sont encore modestes par rapport à leur potentiel. Même si 46 % du code déposé dans GitHub (sur les deux années passées) serait d’ores et déjà écrit par des bots, Forrester estime que ces outils d’aide au développement vont monter en puissance, avec des gains possibles de productivité de 80 % d’ici 8 ans.
D’ici 2032, « à mesure que l’IA se sera améliorée, ce sera l’humain qui entrera dans la boucle [pour superviser le code] et non plus l’IA », explique l’analyste et co-auteur de l’étude Diego Lo Giudice. D’autres chemins rendent également envisageable ce qui ne l’était pas il y a encore deux ou trois ans, comme la conversion automatique de codes COBOL (alors que les compétences se font rares).
À moyen terme, les agents devraient également se déployer sur les outils de travail (workplaces) – une tendance de « l’IA agentique » que confirment aussi bien OpenAI que le Français LightOn dans leurs produits respectifs.
« Un chatbot fait un seul appel au LLM pour obtenir la réponse. Un agent va faire plusieurs appels successifs. Il va prendre la sortie d’un appel pour la réintégrer dans le suivant. Il travaillera aussi sur des données plus hétérogènes, par exemple sur les tableaux de chiffres. En résumé, il y a de la planification et du raisonnement dans un agent », résume Laurent Daudet, DG de LightOn. Forrester – qui a peu ou prou la même définition – anticipe même que ces agents pourront prendre certaines décisions par eux-mêmes.
Ces agents passeront par ailleurs du backoffice (où ils sont proches de la RPA) au front, voire en contact direct avec les clients, renchérit Forrester.
Des vents contraires
Il n’en reste pas moins que la révolution de l’IA va prendre du temps.
Forrester
« À long terme, l’IA chamboulera les économies et bouleversera la technologie, mais à court terme, des vents contraires mettent les organisations à l’épreuve », constatent les auteurs du rapport.
L’automatisation des tâches est encore bien loin de « l’autonomie » (ni à une réduction de la main-d’œuvre). « Les agents plus autonomes, comme les doubles numériques et les agents fiduciaires capables d’effectuer des transactions pour le compte des humains, sont encore à l’état embryonnaire », ajoutent les analystes.
De plus, ce type d’agents quasi autonomes et capables de décisions poseront des problèmes de gestion, de « buts », de gouvernance et de contrôles.
Quant à l’IA générative, elle « s’avère [encore] trop difficile à maîtriser en raison de la rapidité de ses évolutions » pour donner tout son potentiel. Sans parler de son empreinte énergétique.
Mais, insiste Forrester, les agents arriveront un jour ou l’autre. Avant d’ajouter que « l’avenir appartient à ceux qui ont la clairvoyance de sécuriser le présent ».
Les 6 autres tendances émergentes
Dans ses 10 technologies émergentes, Forrester fait également figurer la sécurisation spécifique de l’IoT (à très court terme), les véhicules autonomes, la Edge Intelligence (smart manufacturing, smart logistic, etc.) à moyen terme.
Et, plus en avance de phase : la sécurité post-quantique (« même si les menaces réelles que les ordinateurs quantiques font peser sur le chiffrement ne se concrétiseront que dans une dizaine d’années […], il est temps d’investir dans la sécurité quantique »), la réalité augmentée/mixte/virtuelle, et le Zero Trust Edge.