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Les pros de l’IT demandent plus de télétravail et de rémunérations compétitives

La GenAI ne freine pas la demande de développeurs. Le métier figure toujours parmi les plus recherchés. Mais le cabinet de recrutement Fed IT observe en 2024 une baisse de l’emploi dans l’IT. Un obstacle pour négocier de meilleurs salaires ? Pas certain, d’autant que la dynamique ne touche pas toutes les régions.

Pour l’APEC, 2024 pourrait être l’année de tous les records pour le marché de l’emploi des cadres en France. Certaines activités, dont l’informatique, jouent le rôle de locomotive sur le territoire. L’IT devrait conserver, « de loin », sa place de « 1er contributeur » selon les prévisions de l’organisme.

Cette année, l’APEC table sur une hausse des embauches de cadres de 6 % à 76 200 dans les entreprises du secteur informatique. Les cadres informaticiens (80 %) y constitueraient les profils les plus convoités avec 67 650 recrutements attendus. Un autre observateur, le cabinet Fed IT, avance toutefois des hypothèses plus prudentes.

Les investissements en baisse ou en attente en Île-de-France

Dans son étude annuelle, région par région, consacrée aux rémunérations dans le digital, l’informatique et la transformation numérique, l’entreprise de recrutement fait état d’une baisse globale par rapport à 2023.

Ce constat concerne l’Île-de-France, un des poumons français de l’emploi dans le numérique. Ce recul serait avant tout justifié par les « contextes sociopolitique et culturel ». Élections en Europe et aux États-Unis, mais aussi JO de Paris, encourageraient les employeurs à la réserve.

« Dans l’attente des résultats, les investissements sont en baisse et, par conséquent, impactent directement les recrutements », écrivent les consultants du cabinet. Les ESN, directement concernées, réduisent ainsi leurs embauches. La « rationalisation des coûts » chez leurs clients affecte aussi leurs carnets de commandes. Ces différents signaux remettent-ils en cause les prévisions de l’APEC ?

Pas nécessairement. Fed IT juge difficile de tirer des conclusions quant aux perspectives d’emploi en raison de l’absence d’informations précises et du manque de recul actuel. S’appuyant sur les données LinkedIn, le cabinet ajoute que « le marché semble optimiste. »

Un rapport de force en faveur des candidats IT

Quels indicateurs permettent d’étayer cet optimisme ? De « nombreux postes sont ouverts pour tout type de fonction » dans le numérique en Île-de-France. Parmi ces emplois, près de 12 000 ciblent les développeurs, 7 000 les ingénieurs systèmes et réseaux et 3 000 les techniciens.

Banque, assurance et industrie se distinguent comme les secteurs les plus demandeurs dans la région. Employer un développeur junior (moins de 5 ans d’expérience) leur coûte de 35 à 45 k€ par an. Pour un développeur confirmé (5 à 10 ans), il faut compter de 45 à 55 k€, et de 60 à 75 k€ pour un Lead Dev.

Depuis plusieurs années, le rapport de force est favorable aux candidats, plus qu’aux employeurs. Cela tient principalement aux tensions persistantes à l’embauche. Encore en 2024, Numeum a fait état d’une « pénurie de talents. »

Si la situation n’est pas nouvelle, elle se serait cependant accentuée pour les prestataires. La cause : « une vague très forte d’internalisation des expertises dans les entreprises clientes, ce qui entraîne une concurrence importante sur le marché de l’emploi et une tension sur les salaires. » Les spécialistes de la Data, du cloud, de l’IA et de la cybersécurité, en sont les principaux bénéficiaires.

S’aligner sur les standards du marché est donc clé pour les entreprises, qui doivent soigner leur attractivité. Plusieurs critères sont pris en compte par les candidats, note Fed IT. Le premier depuis la crise Covid, c’est le télétravail. Mais ce n’est pas le seul.

Des bons salaires oui, mais après la formation

Les professionnels expriment aussi « leur volonté d’avoir une rémunération compétitive ». Toutefois, ce paramètre « passe après le développement de leurs compétences par le biais de formations. »

Le salaire n’en demeure pas moins une donnée sensible. Capgemini peut en témoigner avec la création d’une intersyndicale suite à une renégociation annuelle critiquée.

Les tendances observées en Île-de-France se confirment-elles dans les autres régions de France ? Pas partout.

Dans le Nord, Fed IT note que le marché de l’emploi « montre une certaine timidité. » Les perspectives sont en outre « perçues de manière mitigée et incertaine ». Les entreprises locales « prennent leurs précautions avec peu de nouveaux projets lancés pour l’année, à l’exception peut-être des grands comptes. » Une exception est relevée dans le domaine de l’infrastructure, qui « a le vent en poupe ».

L’explication est simple toutefois : nombreux sont les fournisseurs cloud et opérateurs à avoir installé leurs datacenters dans le Nord, notamment pour des raisons météorologiques (températures).

Dans la région Nord, les employeurs se montrent aussi plus intéressés par les profils « ayant une grande polyvalence ». Les employés (dont les salaires sont significativement plus bas : 32 à 38 k€ pour le développeur junior par exemple) expriment eux aussi des attentes distinctes de celles qui prévalent en région parisienne.

Ils plébiscitent transparence et compréhension de leurs besoins de la part des recruteurs. « Les missions proposées doivent être claires et intéressantes pour eux. Ils ont besoin d’évoluer dans des environnements sains avec des managers à l’écoute », détaille encore l’étude.

Sud et Grand Ouest : régions où il fait bon travailler dans l’IT

Dans le Sud, la dynamique est différente. Après une période de prudence, le marché montrait des signes de reprise début 2024. Résultat : « Les entreprises sont prêtes à réinvestir et ouvrent de plus en plus de postes pour trouver de nouveaux profils en IT. »

Pour les candidats, les aspirations sont les mêmes. « Le télétravail reste un critère primordial et certains vont même jusqu’à demander des postes en 100 % télétravail. » La variable salaire est aussi scrutée. Et avec des perspectives d’emploi « particulièrement favorables » au second semestre, une marge de négociation salariale semble possible.

En région Grand Ouest, le marché du travail IT « se porte bien » également. « Les entreprises [locales] prennent conscience de l’importance stratégique de l’IT et ouvrent davantage de postes. »

En France, la tendance ne devrait pas changer sur la deuxième moitié de l’année, en particulier pour la cybersécurité, très demandée. Cette dynamique de l’emploi pourrait compliquer encore la vie des employeurs. Fed IT signale que « les candidats qualifiés se font plus rares et sont très sollicités ». De plus, « leurs attentes évoluent et ils sont en quête de projets excitants. »

Les entreprises utilisatrices de numérique pourraient mieux tirer leur épingle du jeu, surtout par rapport aux fournisseurs, éditeurs et ESN. Le cabinet de conseil observe que « la perspective de travailler directement avec un client final est un atout pour attirer les candidats » – en plus donc du télétravail et de l’attractivité de la rémunération.

De quoi étayer un peu plus l’argument de Numeum quant à une concurrence accrue résultant d’une internalisation croissante des expertises par les clients. Une raison pour les ESN et les éditeurs de rechercher activement de nouveaux leviers d’attractivité et de soigner la différenciation ?

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