L’AFNOR prépare la normalisation du low-code/no-code
L’organisation française de normalisation et le SFPN ont orchestré la production d’un document de référence visant à définir le low-code/no-code, ses usages et les bonnes pratiques avec 60 experts du secteur. Il s’agit maintenant de convaincre les autres membres de l’ISO afin d’en faire la base d’une norme internationale.
Sous l’impulsion du SFPN (Syndicat Français des Professionnels du No-code), l’AFNOR a orchestré la publication d’un document de référence intitulé « Low-code/no-code : nouvelle ère pour le développement informatique » et enregistré sous la référence « AFNOR SPEC 2312 ».
Résultat de six mois de travail et d’une vingtaine de réunions, il a été concocté avec le soutien de près de soixante participants en provenance de 46 organisations, dont des collaborateurs d’Ivalua, de Payfit, du CEA, du ministère de l’Éducation, de plusieurs membres du SFPN (Convertigo, Alegria, etc.), d’Outsystems, du Crédit Agricole, de L’Oréal, ou encore de Dassault Aviation.
Le SFPN, les éditeurs Mr Suricate et Ontomantics et le Cercle de Confiance des Décideurs de l’IT (CRiP) sont les sponsors de ce projet.
Julie LatawiecResponsable développement et innovation, AFNOR
« C’est le premier document de référence national et même mondial sur le low-code/no-code », avance Julie Latawiec, responsable développement et innovation chez l’AFNOR.
En quoi consiste-t-il ? Il s’agit de définir le low-code/no-code, de balayer son étendue et d’établir un guide de bonnes pratiques pour la mise en place de solutions en entreprise.
« Vulgariser le domaine du low-code/no-code »
C’est d’ailleurs l’un des constats opérés par les acteurs en présence : les solutions LCNC sont de plus en plus répandues chez les grandes entreprises, les plus communes étant les plateformes spécialisées comme Salesforce, ServiceNow, mais également des outils censés être plus versatiles comme Outsystems, Pegasystems, ou encore Appian.
Les petites et moyennes entreprises s’y mettent aussi. « Aujourd’hui, selon les segments, nous nous trouvons potentiellement entre les early adopters et le début du marché de masse », considère Éric Monnoyer, président du chantier de normalisation du low-code/no-code pour le SFPN avec l’AFNOR, et directeur BU hyper-agilité chez Zenith Consulting. « Ce qui est certain, c’est que les entreprises qui ne suivront pas cette évolution technologique comprendront ce que ça leur coûte de ne pas l’avoir fait ».
Les entreprises n’ont parfois pas conscience qu’elles manipulent des outils pouvant entrer dans cette catégorie. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’AFNOR et les participants à l’édition de la SPEC 2312 n’ont pas souhaité dissocier low-code et no-code.
« J’ai adopté un parti pris qui a été accepté (j’en remercie tout le monde), de ne pas essayer de faire la différence entre le low-code et le no-code, et de parler de low-code/no-code », évoque Éric Monnoyer.
Il fallait « éviter des guerres de chapelle : j’avais au sein des groupes de travail des no-codeurs, des low-codeurs, et tout ce qu’il y a entre les deux », poursuit-il. Pour le consultant, la frontière entre les deux approches, « notamment avec l’avènement de l’IA générative », est de plus en plus fine.
De plus, il fallait éviter l’écueil consistant à conseiller une solution plutôt qu’une autre.
Éric MonnoyerDirecteur BU hyper-agilité, Zenith Consulting
« Sans entrer dans les détails, nous recensons plusieurs centaines de solutions aujourd’hui disponibles qui peuvent être groupées suivant des familles de cas d’usage », résume le consultant.
Dans les faits, le document liste certains cas d’usage, puis inscrit une distinction rapide entre low-code et no-code, et entre les plateformes et les outils LCNC, pour différencier les solutions utilisées de bout en bout de celles exploitées dans une philosophie « best of breed ».
À l’image du LCNC, censé apporter une forme de simplicité, le document de 44 pages est aéré, simple à parcourir et peu technique. Il est divisé en cinq parties concoctées par autant de groupes de travail.
Hélène XuResponsable projet normalisation, AFNOR
« Nous voulions produire un document court et synthétique qui balaie les thématiques les plus importantes tout en respectant les avis des experts autour de la table, dans le but de vulgariser le domaine du low-code/no-code », explique Hélène Xu, chef de projet de normalisation chez l’AFNOR.
Le document définit ainsi le LCNC et évoque sa terminologie, brosse les principes de mise en œuvre d’un projet, revient sur l’intégration des solutions dans le SI des entreprises, évoque les enjeux de sécurité, les risques et les perspectives de cet ensemble technologique.
Les défis du low-code/no-code
La rapidité de déploiement et les coûts de développement et de formation plus faibles du LCNC sont contrebalancés par des enjeux d’interopérabilité, de sécurité, de réversibilité. En clair, un projet low-code/no-code doit être géré en tant que projet IT comme un autre. L’année dernière, la DSI d’EDF en particulier expliquait au MagIT avoir fait cette erreur avant de se rattraper.
Néanmoins, ces défis ne sont pas seulement liés à la méconnaissance des bonnes pratiques. Les éditeurs ont leur part de responsabilité. Les solutions LCNC présentent encore des trous dans la raquette, à commencer par leur manque de compatibilité entre elles.
« La réversibilité est principalement assurée par une bonne documentation et la garantie de pouvoir réutiliser les données », signale Éric Monnoyer. « Quant à l’interopérabilité, à mon avis, c’est un vaste domaine de recherche pour les projets de normalisation », ajoute-t-il.
« Enfin, et cela provient de groupes de grands utilisateurs de solutions LCNC, le modèle de licence actuel pose problème : il y a peu de modèles pay as you go qui s’adaptent aux entreprises envisageant des déploiements à grande échelle ».
L’AFNOR, porte-étendard du projet auprès de l’ISO
Justement, pour l’AFNOR, ce document de référence est la base d’une future standardisation du low-code/no-code.
« Dans les prochaines semaines, nous allons proposer l’AFNOR SPEC 2312 comme base d’une future norme ISO », annonce Julie Latawiec.
Pour que le texte soit accepté internationalement, un minimum d’organismes nationaux de normalisation adhérents à l’ISO « doit voter positivement », explique-t-elle. « Ensuite, il faudra faire du lobbying pour établir des partenariats et obtenir des votes favorables. Nous comptons sur votre aide pour mobiliser des contacts et des acteurs à l’échelle internationale », appelle-t-elle auprès des acteurs présents dans la salle.
Une fois accepté, le document de référence sera révisé pour s’assurer que tous les organismes des pays sont d’accord. Elle s’attend à ce qu’il en résulte un document « plus rigoureux ». Ce processus prendra entre deux et trois ans.
« L’objectif est d’avoir une norme internationale adoptée et constamment actualisée, avec la France en tête de cette initiative », déclare Julie Latawiec.
Pour rappel, une fois publiées, les normes ISO peuvent être révisées tous les cinq ans. Les porte-parole de l’AFNOR et du SFPN s’attendent à ce que les technologies évoluent rapidement sous les effets des grands projets et de l’IA générative.
« Nous souhaitons que les acteurs français soient solides sur les bonnes pratiques à pousser en matière de low-code/no-code et qu’ils soient référents sur le marché international dans la mise en place d’un cadre de confiance », insiste Julie Latawiec.
La production de l’AFNOR SPEC 2312 n’est pas la première initiative censée diffuser le savoir sur le LCNC en France.
Le 1er janvier 2024, l’Administration France Compétences a accepté d’enregistrer au répertoire national des certifications professionnelles le rôle de « Product Builder no-code » et le considère comme un « rôle émergent ». Depuis la mi-juin, l’école CUBE, membre du SFPN, est le premier organisme (et pour l’instant le seul) à fournir une formation certifiante, pour ces futurs professionnels capables de concevoir des applications avec des plateformes LCNC, en respectant les grandes lignes listées dans le document de référence publié par l’AFNOR.