Pure Storage : « nous n’abandonnons pas nos clients en fin de contrat »
Dans cette interview, le fabricant argumente que la possibilité de mettre à jour ses baies de stockage sans les interrompre rend son programme de vente par souscription, Evergreen, beaucoup plus efficace que Dell Apex ou HPE Greenlake.
Pure Storage fait grand cas de ses contrats Evergreen qui consistent à commercialiser ses baies de stockage par abonnement plutôt que de les vendre. Alors que Dell et HPE s’efforcent d’avoir une proposition similaire, respectivement via leurs programmes Apex et GreenLake, le constructeur au logo orange avance que seule sa proposition serait réellement cohérente, car ses équipements seraient plus facilement évolutifs.
De fait, sur l’année 2023, Pure Storage a enregistré une augmentation des revenus liés aux abonnements de 24 % pour atteindre 329 millions de dollars, tandis que les ventes simples de matériels ont baissé de 15 %, pour atteindre 461 millions de dollars.
Pour mieux comprendre les enjeux de ce programme pour le constructeur, mais aussi pour les entreprises, la rédaction a rencontré Santiago Navonne, le responsable du programme Evergreen chez Pure Storage, à l’occasion de la conférence Pure//Accelerate 2024 qui se tenait la semaine dernière à Las Vegas. Interview.
Y a-t-il un profil particulier de client pour qui l’abonnement convient mieux que l’achat ?
Santiago Navonne : Notre offre de stockage en tant que service n’est pas simplement une méthode de paiement alternative à l’achat d’un appareil. Il s’agit d’un engagement envers notre client. Celui-ci nous indique les performances qu’il souhaite que nous garantissions pendant la durée du contrat. Et nous nous occupons des configurations et des mises à niveau pour respecter en permanence cet objectif.
Santiago NavonneResponsable programme Evergreen, Pure Storage
Ce modèle s’adresse à une clientèle qui s’est familiarisée avec la consommation de services en cloud. Ce sont des entreprises qui sont familiarisées avec le concept de consommation d’infrastructure selon le besoin, avec des accords de niveau de service (SLA) et avec le fait de s’en remettre à un fournisseur pour résoudre les problèmes, au lieu d’essayer de les résoudre elles-mêmes.
Une banque, par exemple, se développe beaucoup par le biais de fusions et d’acquisitions. Il est extrêmement difficile pour elle de prévoir le volume d’affaires et de données qu’elle aura deux ans plus tard. La planification des ressources IT revenait, selon nos clients dans ce secteur, à perdre du temps et de l’argent. Et ils sont passés à un modèle par abonnement pour y remédier.
Pourquoi dites-vous qu’Evergreen est différent des autres contrats par abonnement que l’on trouve chez vos concurrents ?
Santiago Navonne : Nos concurrents n’offrent généralement qu’une garantie de temps de fonctionnement. Certains d’entre eux offrent une garantie de performance assortie de nombreuses réserves. Nous n’avons vu personne d’autre offrir une garantie d’efficacité énergétique ou une garantie de réserve de capacité illimitée.
Si nous pouvons offrir des garanties plus larges que nos concurrents, c’est parce que, chez nous, il est facile de mettre régulièrement à jour les contrôleurs des baies. Notre architecture a été conçue dès le départ pour le permettre sans que cela perturbe les travaux en cours.
Par conséquent, le coût que nous subissons en tant que fournisseur, lorsque nous mettons à jour nos contrôleurs, est nettement inférieur à celui que nos concurrents auraient à supporter s’ils devaient garantir une croissance fluide. Car eux devraient retirer l’infrastructure en place et la remplacer par quelque chose de différent à chaque fois que les projets d’un client s’élargissent.
Nos concurrents ne peuvent garantir une croissance de performances que dans la limite des capacités du contrôleur qu’ils installent au départ. Au-delà de ce plafond, apporter à un client une croissance de performances sans interrompre le service engendrerait, pour ces fournisseurs, des coûts plus importants que ceux que nous avons à subir. Ces coûts seraient si importants pour eux que, soit, ils ne peuvent pas proposer de garantie de croissance au-delà de ce plafond, soit ils devraient les intégrer dès le départ en majorant significativement le tarif de leur souscription.
Les entreprises sont-elles spontanément convaincues de l’intérêt de confier le déploiement et la maintenance de leur stockage à un fournisseur de services ?
Santiago Navonne : Nous affirmons qu’il s’agit de la manière la plus intéressante de consommer du stockage. Nous pensons que l’abonnement est globalement plus rentable et plus efficace pour les entreprises.
Mais, vous avez raison, tout le monde n’est pas nécessairement à l’aise avec cette idée. D’ailleurs, nous ne forçons pas nos clients à consommer nos produits comme un service. Nous sommes parfaitement satisfaits de notre modèle d’achat traditionnel.
L’avantage d’un modèle par souscription est que vous payez au fur et à mesure pour ce que vous utilisez au fur et à mesure. Si vous savez que vous aurez besoin d’atteindre une capacité de 1 Po dans trois ans, nous n’allons pas vous facturer une baie capable de gérer 1 Po d’ici là.
Mieux : nous n’allons pas vous faire subir dès aujourd’hui le coût d’électricité supplémentaire que nécessiterait une baie qui serait capable – dès aujourd’hui – de gérer 1 Po. Nous vous le garantissons d’autant plus volontiers que, pour mémoire, nous nous engageons à vous rembourser votre facture d’électricité.
Manifestement, vos abonnements génèrent moins de revenus que vos ventes. N’est-ce pas un problème ?
Santiago Navonne : C’est vrai. Un abonnement de ce type génère moins de revenus à court terme. Vous le constatez dans nos résultats ; le modèle d’abonnement se traduit en fait par une baisse des revenus à court terme.
Les clients tirent davantage de valeur d’un modèle de consommation Evergreen//One. C’est pourquoi nous les encourageons à opter pour l’abonnement. Nous ne sommes pas trop préoccupés par le fait que la balance penche dans cette direction. En fait, nous en sommes assez fiers.
Notre directeur financier surveille cela en permanence et il est très à l’aise avec le processus. Il y a peut-être un an, nous avons signé un nombre extrêmement élevé d’abonnements Evergreen//One au détriment de la vente de matériels. Et notre direction financière a été obligée d’acter que cela se traduirait par une baisse de notre CA. Pour autant, cela a été très bien perçu par nos investisseurs, qui ont changé d’état d’esprit concernant la valeur d’une activité d’abonnement.
Mais pour être tout à fait transparent, l’abonnement n’est qu’un aspect de la perte à court terme de revenus. Notre modèle nous oblige aussi à assumer le coût de nos erreurs. Par exemple, nous garantissons une capacité utile pour un certain tarif. Techniquement, nous atteignons cette capacité utile en réduisant la taille des données. Il peut cependant arriver que notre taux de réduction soit moins efficace que ce que nous avions imaginé. Dans ce cas, nous assumons, nous remplaçons par exemple les DFM de 4 To de nos clients par des DFM de 18 To, gratuitement.
Mais encore une fois, ces pertes à court terme sont à relativiser sur le long terme. Pour rester sur le même exemple, ces DFM de 4 To qui nous reviennent, grâce à leurs caractéristiques de longévité, nous pouvons les effacer en toute sécurité pour les réutiliser pendant cinq à dix ans. In fine, c’est une erreur qui ne nous coûte pas beaucoup.
Mais a-t-on l’assurance que vos tarifs n’augmenteront pas après la durée contractuelle ?
Santiago NavonneResponsable programme Evergreen, Pure Storage
Santiago Navonne : Ce qui est assez courant sur ce marché, c’est qu’un fournisseur, au moment du renouvellement d’un contrat de maintenance, annonce à son client que sa baie de stockage est trop ancienne et que, soit il en rachète une neuve, soit on lui augmente le prix du contrat de maintenance. Chez Pure Storage, nos tarifs ont toujours été standardisés et nous nous engageons fondamentalement auprès du client à ce que les tarifs lors d’un renouvellement ne soient pas plus élevés que les tarifs pratiqués précédemment.
Et si votre client préfère partir chez la concurrence après la fin du contrat ?
Santiago Navonne : Nous n’avons pas de frais associés à l’interruption d’un abonnement, contrairement à ce que l’on peut voir chez un fournisseur de services en cloud qui impose des frais de sortie punitifs. Si vous décidez de ne pas renouveler votre abonnement, nous procéderons juste au retrait de l’équipement, comme cela est prévu dans les conditions de l’abonnement.
Mais vous savez, ce modèle nous oblige à redoubler d’efforts pour conserver nos clients. Car, dans de telles circonstances à la fin d’un contrat, le client n’a même pas de frais pour reconditionner son matériel et il lui est d’autant plus facile de partir à la concurrence.