SAP pousse la « durabilité 2.0 » pour transformer les modèles économiques

Dans une interview exclusive, Sophia Mendelsohn, la chief sustainability officer de SAP, dévoile la stratégie de l’éditeur en matière de durabilité. Entre innovations produits, engagement net zéro et réflexions sur l’impact de l’IA, SAP veut se positionner comme un acteur clé de la transition écologique des entreprises.

SAP, le géant allemand des logiciels d’entreprise et de l’ERP, ne se contente plus de réduire son propre impact environnemental. L’éditeur entend désormais jouer un rôle majeur dans la transformation durable de ses clients.

Une transition vers la « durabilité 2.0 »

Au cœur de cette stratégie, un concept clé : la « durabilité 2.0 ». Sophia Mendelsohn, chief sustainability and commercial officer de SAP explique : « en durabilité 1.0, nous recherchions principalement une amélioration environnementale. En durabilité 2.0, nous atteignons toujours l’objectif initial, mais nous ajoutons la capacité de transformer le modèle économique du client à travers de multiples processus métier. »

Cette approche s’appuie sur trois piliers technologiques : l’ERP, le cloud natif et l’IA.

Pour concrétiser cette vision, SAP va développer et intégrer de manière régulière des fonctionnalités de durabilité dans sa suite logicielle en mode SaaS, S/4HANA Public Cloud, nouveau fer de lance de son offre.

Parmi les innovations phares, on trouve en premier lieu le « Sustainability Control Tower » et le « Green Ledger », deux outils qui doivent permettre aux entreprises de gérer leurs données environnementales avec la même rigueur que leurs données financières. Ou encore le module « Sustainability Footprint Management ».

Une prise en charge complète du Scope 3

Mais SAP voit un peu plus loin. Un des défis majeurs en matière de reporting extra-financier concerne le Scope 3, qui englobe les émissions indirectes des chaînes de valeur.

Photo de Sophia MendelsohnSophia Mendelsohn,
SAP

SAP affirme pouvoir couvrir l’intégralité du Scope 3 de ses clients grâce à son calculateur d’émissions carbone. « Il peut prendre les matériaux ou les données de votre système de gestion du cycle de vie des produits (PLM) et les multiplier par un facteur d’émission », explique Sophia Mendelsohn.

L’éditeur s’applique à lui-même ces exigences, avec un engagement net zéro avancé de 2050 à 2030. Et, insiste la responsable, le Scope 3 de SAP inclut la prise en compte des émissions des infrastructures des hyperscalers sur lesquelles sont hébergées les applications SAP.

L’IA, un défi et une opportunité pour la durabilité

L’intelligence artificielle occupe également une place centrale dans la stratégie de SAP. Y compris dans ses implications pour la durabilité.

Si la consommation énergétique de l’IA – et en particulier de l’IA générative – soulève des inquiétudes, Sophia Mendelsohn se montre plutôt optimiste : « la vraie question macro est : qu’est-ce qui arrivera en premier ? L’IA générative utilisera-t-elle plus d’énergie, ou sera-t-elle capable d’en économiser davantage ? Je penche fermement pour la seconde option. »

SAP a déjà lancé deux cas d’usage de l’IA générative en lien avec la durabilité : la cartographie des émissions et l’automatisation des rapports ESG. Ces innovations promettent – selon la chief sustainability office – des gains de temps et d’efficacité considérables.

Économie circulaire

Au-delà de la seule question du carbone, Sophia Mendelsohn insiste également sur l’importance de l’économie circulaire pour résoudre la contradiction – qu’elle juge apparente – entre croissance économique et durabilité.

« Collectivement, nous avons passé la première partie de notre cheminement vers la durabilité en nous occupant du carbone. C’est le déclencheur qui nous a fait prendre conscience de notre impact sur la dégradation de l’environnement. [Mais la suite] ne sera pas s’occuper du plastique, puis de l’eau, puis d’autre chose », avance-t-elle. « C’est plutôt de mettre en place une économie circulaire et de vrais processus circulaires. Il ne s’agira pas seulement de savoir si H&M reprend votre chemise. Pour l’industrie, l’exploitation minière, la chimie, l’automobile, l’énergie, cette capacité à récupérer la valeur en aval de la chaîne pour la réinjecter en amont est ce qui nous sortira de cette contradiction entre durabilité et croissance », affirme Sophia Mendelsohn.

On peut donc s’attendre à ce que SAP ajoute des fonctionnalités pour favoriser cette circularité.

Une mission stratégique pour SAP

Le rattachement direct de Sophia Mendelsohn au CEO de SAP, Christian Klein, témoigne de l’importance stratégique accordée à ces problématiques. Sa double casquette de chief sustainability office et de chief commercial officer illustre la volonté de l’éditeur allemand d’être à la fois exemplaire dans ses propres pratiques et facilitateur pour ses clients.

« Ce que je suis venue faire chez SAP, c’est montrer chez nous et à nos clients qu’on peut réellement espérer atteindre ses objectifs de durabilité et faire évoluer les modèles économiques vers des modèles bas-carbone et circulaires dans le cadre d’une transformation numérique », résume Sophia Mendelsohn.

L’ambition environnementale de SAP est d’autant plus importante que l’éditeur est très implanté dans l’industrie. Or le contexte change. Les enjeux environnementaux deviennent de plus en plus pressants pour les entreprises.

Sophia Mendelsohn l’illustre avec l’exemple de l’impact du changement climatique sur les producteurs de cacao. « Je parlais récemment à une entreprise du secteur agroalimentaire de la façon dont les prix du cacao ont grimpé en flèche parce qu’il fait trop chaud dans les pays d’Afrique où on le cultive. Cette entreprise a investi dans une usine située à un endroit où elle ne s’attendait pas à subir un manque d’eau, et pourtant aujourd’hui elle manque d’eau ».

La capacité de SAP à concrétiser cette vision de la « durabilité 2.0 » sera sans doute déterminante pour son succès futur et celui de ses clients. En tout cas pour ceux qui iront dans le cloud, en mode SaaS, avec RISE. Les autres ne bénéficieront a priori pas de ces « innovations ». Les clients sur site pourraient donc dire qu’ils sont « verts », mais avec une tout autre acception du mot.

Réduire l’empreinte énergétique de l’IA selon SAP

Sophia Mendelsohn, propose plusieurs pistes pour limiter l’impact de l’intelligence artificielle. Elle souligne d’abord l’importance d’optimiser les modèles, notamment en entraînant les grands modèles de langage (LLM) au moment opportun et en utilisant les charges de travail les plus efficaces. SAP mise également sur la collaboration avec les hyperscalers, « qui ont déjà des objectifs ambitieux de décarbonation et qui se sont engagés dans la transition vers les énergies renouvelables ».

Sophia Mendelsohn mentionne également l’utilisation possible d’accords d’achat d’électricité (PPA) et de systèmes de stockage d’énergie distribués pour faire face à l’intermittence des énergies renouvelables.

Propos recueillis lors du Sapphire, à Orlando.

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