Knowledge 2024 : les défis de ServiceNow en France
Au niveau mondial et européen, ServiceNow affiche des ambitions fortes. Qu’en est-il en France ? Rémi Trento, directeur général France chez ServiceNow, revient sur les objectifs du spécialiste de la gestion de processus métier sur le marché hexagonal.
« La plateforme de plateformes ». Voilà comment se perçoit ServiceNow. L’éditeur qui a émergé du monde de l’ITSM et de l’ITOM a fait en sorte que son moteur de workflows puisse orchestrer des processus RH, de services clients, de service sur site, d’assurances, etc.
Si bien que de nombreux clients chez ServiceNow étendent leurs usages au-delà de la gestion IT, au sens large. C’est particulièrement vrai aux États-Unis et en Allemagne, note Rémi Trento, vice-président « Area » et directeur général France chez ServiceNow, auprès du MagIT.
« Je pense que les clients reconnaissent aujourd’hui, particulièrement dans les pays plus matures comme les États-Unis et l’Allemagne, que l’ADN de ServiceNow repose sur cette notion de transversalité ».
L’éditeur affiche une croissance annuelle de son chiffre d’affaires de 25 % en moyenne. « Nous sommes dans ces eaux-là en France, mais j’attends et j’espère une accélération de cette croissance », déclare Rémi Trento.
« Aujourd’hui, nous sommes en train de rattraper le retard que nous avions par rapport à d’autres pays où les entreprises sont plus matures en matière de numérisation de leurs processus, par exemple en Allemagne », ajoute-t-il.
Rémi TrentoDirecteur général France, ServiceNow
En France, ServiceNow espère convaincre plus largement les entreprises dans les secteurs des télécommunications, de la finance et de l’assurance, du manufacturing et dans le secteur public (administrations, ministères). « Dès qu’il y a de la complexité et des systèmes d’information legacy, il y a une opportunité pour ServiceNow », résume Rémi Trento. « Tout le monde essaie de simplifier, de rationaliser, d’obtenir une vision plus globale, d’améliorer la satisfaction employée et client. Les clients existants voient tous ServiceNow comme une manière d’accélérer et d’améliorer ces aspects ».
Convaincre à tous les échelons de l’entreprise
Pour que cette stratégie soit pérenne, l’éditeur sait qu’il doit encore convaincre.
« Il y a une reconnaissance de la part du marché, bien que cela ne signifie pas que tout sera facile ».
Alors que les interlocuteurs traditionnels de ServiceNow sont les membres de la DSI, cette notion de plateforme réclame, pour l’éditeur, de convaincre les cadres supérieurs et le COMEX français.
Rémi TrentoDirecteur général France, ServiceNow
« Il est crucial que les dirigeants comprennent les avantages que ServiceNow peut leur apporter, mais aussi qu’ils réalisent qu’ils devront prendre des décisions stratégiques concernant la refonte de leurs systèmes d’information », avance Rémi Trento. « Il ne s’agit pas simplement de remplacer une solution par ServiceNow, mais d’ajouter une nouvelle plateforme, ce qui peut susciter des inquiétudes concernant les investissements nécessaires. Nous devons donc fournir de nombreuses explications pour que les décideurs soient pleinement informés et acculturés aux bénéfices et implications du choix de cette nouvelle plateforme ».
À un échelon plus bas, « il existe un “lobbying” fort des applications verticales », note Rémi Trento.
Ce lobbying vient à la fois des éditeurs et des directions métiers, précise le directeur général.
« L’on peut interconnecter n’importe quel système avec plus ou moins de facilité », poursuit-il. « Cependant, faire collaborer la personne en charge de l’ERP assurance avec celle qui gère l’ERP Microsoft sur des données spécifiques, ou qui supervise un environnement de lutte contre la fraude est bien plus complexe », illustre-t-il. « Notre enjeu est donc de promouvoir une communication fluide entre les différents acteurs de l’entreprise afin que tous travaillent ensemble sur des problématiques communes, notamment celles qui concernent le client final. C’est une approche assez nouvelle ».
Outre les implications techniques et métiers de placer une plateforme au-dessus des SI cœur d’une entreprise, ServiceNow doit « démontrer un avantage économique tangible ».
« J’ai beaucoup de discussions avec des clients qui comprennent la proposition de valeur de notre plateforme. Cependant, au-delà de la vision et de l’architecture de leur système d’information, ils nous demandent concrètement : combien cela va-t-il leur rapporter de transférer certains processus de SAP, Oracle, Workday, ou Guidewire vers notre plateforme ? », indique Rémi Trento.
Pour ceux qui seraient déjà convaincus et qui auraient déjà passé le pas, ServiceNow doit s’assurer qu’il y a suffisamment de personnes formées à sa plateforme sur le marché du travail.
La montée en compétence sur ServiceNow, « une course contre-la-montre »
« Ça, c’est un vrai sujet pour nous », reconnaît le directeur général France. « J’ai intégré ServiceNow, il y a 18 mois. Dans les trois premiers mois de mon arrivée, beaucoup de clients du CAC40 m’ont indiqué que parce qu’il y a une traction de marché sur cette notion de moteur de workflows, notre enjeu commun est aussi d’avoir les ressources pour piloter ces grands plans de transformation, sans oublier les partenaires intégrateurs qui se battent bec et ongles pour trouver et former rapidement des talents ».
ServiceNow a annoncé le programme RiseUp en octobre 2022, qu’il a lancé en 2023. Il vise à inculquer des compétences sur la plateforme ServiceNow à 1 million de personnes d’ici à 2025, en incluant les programmes de formation NextGen et de placement de partenaires dans la région EMEA. « RiseUP démarre en France et est beaucoup plus implémenté dans les pays anglo-saxons », informe le dirigeant.
« En France, nous avons plusieurs étudiants au sein du programme de formation européen depuis trois ans et nous œuvrons pour déployer des formations en partenariat avec des acteurs majeurs », précise un porte-parole de ServiceNow.
Pour autant, l’ajout de fonctionnalités et la feuille de route très cadencée présentée lors de la conférence annuelle de l’éditeur engagent l’écosystème de l’éditeur.
« C’est réellement une course contre-la-montre », lance Rémi Trento qui prend, entre autres, l’exemple de la multiplication des POC autour de l’IA générative chez les clients français. « En France, nous discutons constamment de la manière d’accélérer notre déploiement et de créer des ambassadeurs parmi nos équipes d’avant-vente ».
Rémi TrentoDirecteur Général France, ServiceNow
Ces ambassadeurs doivent être capables de présenter, discuter et organiser des workshops sur la plateforme.
Cette tension provoque une inflation des salaires des experts ServiceNow, qu’ils soient des salariés des intégrateurs ou des indépendants. Certains partenaires (à l’instar de Magellan ayant acquis Keralia Consulting en 2021, renommé Yunit) rachètent des acteurs de niche.
Cet écosystème est, de manière très classique, composé d’acteurs spécialisés comme Yunit, de « généralistes de l’IT » à l’instar de Devoteam, DXC ou Inetum, de grands intégrateurs tels que Capgemini, Accenture, mais aussi les cabinets – Deloitte, EY, KPMG – davantage portés « sur des approches verticales ».
« Les cabinets arrivent avec leurs compétences en matière d’audit, de risques et de conformité et s’appuient sur notre plateforme pour mettre en place les pratiques réglementaires. D’autres acteurs, par exemple des spécialistes du manufacturing sur ServiceNow, émergent. Je pense qu’au fur et à mesure que ServiceNow accélère sur les piliers métiers, nous allons voir ce champ de partenaires évoluer », anticipe Rémi Trento.
À l’inverse, le DG estime que les partenaires de l’IT monteront en compétence sur les sujets métiers. À la clé, Rémi Trento présume que les consolidations seront nécessaires pour suivre le rythme des projets.
ServiceNow et la souveraineté en France
Du fait qu’il cible en France des acteurs du secteur public et des OIV, ServiceNow se doit de répondre aux enjeux de localisation des données et des systèmes, « en fonction du degré de souveraineté souhaitée par [ses clients] », dixit Rémi Trento.
Pour ses clients européens, et à l’instar des autres éditeurs américains, ServiceNow héberge sa plateforme sur les data centers situés en Europe des fournisseurs cloud AWS et Microsoft. Ici, point de souveraineté, mais un respect des réglementations sur la protection des données.
« Ensuite, certains clients, comme le ministère des Armées et d’autres acteurs sensibles, exigent que les données de leur plateforme, qu’elles soient internes ou externes, restent au sein de leur propre infrastructure. Pour cela, ServiceNow propose une solution on-premise », informe Rémi Trento. « C’est un avantage par rapport à de nombreux concurrents qui offrent uniquement des solutions full cloud ou SaaS ».
Par ailleurs, en France, ServiceNow est en discussion avec des clients et des acteurs de la souveraineté pour explorer les possibilités dans ce domaine.
« Il y a très peu d’offres qualifiées SecNumCloud sur le marché, à part quelques petits acteurs français. Cependant, des initiatives comme Bleu et S3NS sont en cours de préparation, et OVH propose déjà une offre de souveraineté », rappelle le dirigeant.
« Nous ne nous pressons pas, mais nous nous préparons et nous avons les bonnes discussions pour pouvoir apporter une réponse ». En attendant, ServiceNow peut compter sur son offre on-premise.
Propos recueillis le 8 mai 2024, lors de l’événement Knowledge 24.
Pour approfondir sur ITSM, Case Management, Enterprise Service Management
-
Low-code : le ministère des Armées modernise ses processus en profondeur
-
CX : une bonne expérience client doit mélanger Humain et IT (étude)
-
Zoom obtient le C5 allemand et l’ENS espagnol, sur fond de tension européenne sur les certifications
-
Knowledge 2022 : ServiceNow s’intéresse aux services publics français