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Pourquoi Alphabet pourrait acquérir HubSpot : les données, les données et encore les données
Si Alphabet devait racheter HubSpot, le prix à payer serait élevé dans un contexte très concurrentiel. Au moment où la rumeur gonfle, petit point sur les actifs de HubSpot qui pourraient tout particulièrement intéresser la société mère de Google.
Acheter HubSpot ou ne pas acheter HubSpot ? Voilà la question qui se pose à Alphabet.
La maison mère de Google serait en pourparlers en vue d’acquérir le fournisseur CX basé à Boston – évalué à près de 35 milliards de dollars – selon un rapport exclusif publié par l’agence Reuters, qui indique également que Google n’a pas encore fait d’offre formelle à Hubspot. Ni Google ni HubSpot n’ont souhaité commenter cette information.
Google propose actuellement, à travers son offre GCP, de nombreux services cloud tiers utilisés dans les domaines du marketing, du commerce électronique, de la gestion de la relation client et du service client, mais ne dispose pas directement d’applications et d’interfaces en son nom sur ce segment. De son côté HubSpot les fournit pour le service client, le marketing et la gestion de la relation client. En ce qui concerne le commerce électronique, HubSpot ne dispose pas d’une suite « workshop » complète, mais il s’intègre parfaitement avec celles des grands acteurs de ce sous-segment tels que Shopify ou Stripe pour le paiement.
Michael JaconiPDG et fondateur, Button
HubSpot s’est lancée en 2006 en tant que plateforme de marketing et a ajouté ces dernières années des outils de gestion de la relation client et de services clients à son portefeuille dans un mouvement de convergence propre à ces segments. Mais au-delà de l’approche fonctionnelle, le plus grand intérêt de HubSpot aux yeux d’Alphabet serait peut-être ses données marketing (liées à la mesure des performances des campagnes de marketing) qui remontent à près de vingt ans et qui lui permettraient d’alimenter ses services d’IA et ses chatbots en cours de développement.
L’acquisition pourrait en effet porter essentiellement sur les données, selon Michael Jaconi, PDG et fondateur de Button, une plateforme d’optimisation du e-commerce que les détaillants et les éditeurs utilisent pour améliorer leurs revenus, notamment dans un contexte d’affiliation. HubSpot génère en effet de précieux jeux de données de conversion de première main – attribuant les ventes à des publicités, des liens ou des influenceurs particuliers… Un enjeu d’autant plus déterminant que Google (sur son activité Search cette fois) prévoit la suppression inéluctable des cookies tiers, ce qui conduira à revaloriser encore plus les données de première main. Le numéro un de la recherche en ligne anticipe ainsi l’action des régulateurs, toujours prompts à améliorer la protection des données des utilisateurs.
Pour Michael Jaconi, « Les entreprises qui s’appuient sur des modèles de revenus basés sur la publicité devront renforcer les sources génératrices de données de conversion et de données de première main, afin de demeurer compétitives dans une économie de plus en plus centrée sur la protection de la vie privée ».
Alphabet pourrait ainsi chercher des moyens d’optimiser un peu plus ses revenus publicitaires après un quatrième trimestre 2023 jugé décevant. La suppression des cookies tiers et la surveillance des autorités antitrust pourraient également expliquer pourquoi Alphabet souhaite investir dans son infrastructure publicitaire et renforcer la concurrence avec d’autres plateformes publicitaires telles que Meta, TikTok et Amazon.
La question est cependant de savoir si les régulateurs l’autoriseraient. Pour Liz Miller, analyste chez Constellation Research, « posséder la plus grande plateforme publicitaire en ligne du monde – qui représente la majorité des revenus d’Alphabet –, à travers Google Search, pourrait être un sérieux problème. Google fait l’objet d’une enquête pour comportement monopolistique et acheter un logiciel qui contrôle les relations avec les clients entrants serait susceptible de soulever trop d’alertes pour satisfaire l’examen des autorités de régulation. »
Autre problème : à travers ce rapprochement les clients de HubSpot pourraient potentiellement bénéficier d’un traitement préférentiel ou d’un accès à des outils d’analyse différents de ceux des clients d’autres technologies de marketing et de publicité, qui s’appuient également sur Google, mais sans y être intégrés. Il y aurait donc un risque important de distorsion de concurrence importante.
Liz Miller estime ainsi que ce rapprochement « ne serait pas nécessairement bon, ni pour Google (qui risquerait de contrarier les régulateurs) ni pour HubSpot (qui pourrait perdre des clients dans la manœuvre) ». C’est donc une chose pour Google de faire une offre, mais c’en est une autre pour HubSpot de dire « oui » dans ces conditions et compte tenu des risques.