Warakorn - stock.adobe.com
ERP : Forterro pousse sa stratégie cloud
Le groupe d’éditeurs d’ERP veut accélérer le passage au cloud de ses solutions et cherche à convaincre ses clients, majoritairement des PME et des ETI industrielles européennes, de passer le pas.
Forterro (plus de 13 000 clients, 260 millions d’euros de chiffre d’affaires) propose 14 logiciels, principalement des ERP spécialisés pour les industriels de taille moyenne (midmarket) et petite (TPE/PME).
Le groupe né au Texas, acquis en 2022 par le fonds suisse Partners Group et désormais basé à Londres, a pris l’habitude de racheter des éditeurs et d’intégrer leurs solutions à son catalogue, sans les refondre ou les fusionner.
En novembre 2023, il a racheté Abas Business Solutions (Abas BS), un revendeur de l’ERP Abas déjà dans son giron et présent depuis 2019 en France, aux Pays-Bas et majoritairement en Espagne. En août de la même année, il a aussi repris Proffix Software AG, l’éditeur suisse d’un ERP.
« Nos produits sont tous verticalisés. Notre force, c’est justement d’être le plus aligné possible aux demandes de nos clients finaux », vante David Coste, président de la région Europe de l’Ouest chez Forterro.
Traditionnellement, les logiciels de ses éditeurs (Sylob, Abas, BPSC, Clipper, Garp, Helios, Jeeves, Orderwise, Proconcept, Proffix, Silog, etc.) étaient déployés sur site.
Pour autant, Forterro voit son avenir dans le cloud. Plusieurs signes lui font croire que les infrastructures décentralisées deviennent la norme, même pour les industriels.
« Pour l’heure, les clients achètent du cloud pour des raisons techniques : afin de ne pas avoir à acheter des serveurs, de ne pas avoir à s’occuper de la sécurité, parce que c’est moins cher », avance David Coste. « Ce que nous dit Gartner, c’est qu’à partir de 2028, le cloud devrait apporter une offre de valeur au client final de manière qu’il gagne en efficacité et en productivité ».
Le dirigeant insiste sur le fait que le cabinet d’analystes prédit que dès l’année prochaine les dépenses dans le cloud seront supérieures aux dépenses dans l’informatique sur site. « Cela devient le mode principal de consommation de l’IT », note-t-il.
Le cloud, selon lui, aura d’autant plus d’importance que l’IA est en passe d’infuser la plupart des systèmes IT.
« Notre conviction, c’est que l’IA va également transformer les offres de valeur de nos clients. Comment ? On ne le sait pas encore », lance le responsable « La loi d’Amara nous dit qu’en règle générale, l’on surestime l’impact d’une technologie à court terme, mais l’on sous-estime son impact à long terme. Nous ne percevons qu’une petite portion de l’aspect transformationnel de l’IA générative, mais elle doit rendre l’informatique intelligente ».
Sans présenter une feuille de route spécifique, Forterro estime que les logiciels sont voués à bénéficier de l’IA générative pour les rendre programmables. Or, la puissance de calcul nécessaire pour entraîner et inférer les modèles d’IA générative est plus aisément disponible dans le cloud.
« L’enjeu de nos clients, c’est d’être prêts le jour où l’IA sera transformationnelle dans leur propre “business”. Et ce jour-là, ils doivent avoir accès aux meilleures technologies pour pouvoir eux-mêmes faire leur métier », argumente-t-il.
Le marché français à convaincre
David Coste estime, personnellement, que le paysage IT « sera dit à formes multiples, pour répondre à des besoins qui seront eux aussi multiples ».
Pour autant, Forterro perçoit une adoption plus faible des technologies cloud par les industriels français que leurs homologues européens. « Cela représente un risque en matière de compétitivité : si les entreprises n’adoptent pas le cloud et n’accèdent pas aux technologies disruptives qui permettent de concevoir des offres innovantes, cela représente un frein et un risque. Elles s’exposent à une forme majeure de disruption ».
Quelles sont les raisons de cette désaffection pour le cloud par les industriels français selon Forterro ? « De notre point de vue, il y a un problème de maturité en France, de compréhension de ce qu’est le cloud, de ce qu’il apporte, de son prix », avance David Coste. « La première objection des clients au cloud c’est justement son tarif supposément élevé, mais les clients ne perçoivent qu’une partie des coûts de l’informatique quand ils ne matérialisent pas tous les coûts IT indirects qu’ils subissent ».
Le maintien des sauvegardes, la mise en place d’un plan de continuité d’activité, la protection face aux ransomwares seraient à simplifier par le cloud, du moins quand ces aspects sont gérés par un éditeur.
Le phénomène serait plus développé chez les clients de taille réduite les moins avancés dans leur numérisation.
« Nous avons développé une offre de valeur à la fois pour nos clients finaux et pour les entreprises que nous rachetons », affirme David Coste.
Pour les entreprises qu’elles rachètent, Forterro a développé un framework cloud qui permet de connecter les applications sur site à une architecture cloud, puis de les migrer en mode lift and shift avant de les refactoriser, au besoin, en mode multinenant.
Cela dessinerait un chemin de migration pour ses clients.
« La stratégie de Forterro est d’offrir un chemin vers le cloud, quitte à être financièrement incitatif, en proposant plus de choses dans le cloud. Pour l’heure, nous n’arrêtons pas nos offres on premise, mais le jour où nous aurons principalement des services multitenant, ce sera peut-être plus compliqué de maintenir une version on premise », anticipe-t-il.
Une incitation aux migrations encouragée par la croissance des revenus dans le cloud
Il faut dire que les revenus cloud de Forterro représentent environ 10 % de son activité globale. Selon Dean Forbes, CEO de Forterro, les revenus liés aux souscriptions et au cloud ont augmenté de 35 % entre 2022 et 2023, une croissance « alimentée à la fois par de fortes ventes de nouveaux logos et par le passage des clients sur site au cloud pour plusieurs lignes de produits Forterro ».
« La croissance du cloud est extrêmement forte. Pour vous donner un ordre de grandeur, dans ma région, le cloud, c’est 70 % de croissance d’une année sur l’autre », affirme David Coste. « Notre gamme de produits Sylob c’est aujourd’hui 50 % de son chiffre d’affaires récurrentes – hors services annexes – qui est généré via le cloud ».
Les offres on premises bénéficieraient d’une croissance plus traditionnelle, autour des 10 %.
Au global, Dean Forbes observait en février une croissance de 16 % des revenus récurrents de Forterro entre 2022 et 2023. « Conformément à cette tendance, la fidélisation de la clientèle est restée élevée (95 %), l’insolvabilité de notre plus petite cohorte de clients étant la cause sous-jacente du désabonnement », ajoute le dirigeant.
Pour tenter de retrouver ces petits clients et en convaincre de nouveaux, l’éditeur a lancé en février Fortee, une solution ERP SaaS basée sur Sylob et hébergée sur AWS en mode multitenant. L’offre ciblant les TPE et les startups industrielles inclut l’accès à l’ERP, un accompagnement personnalisé et son déploiement en quarante jours.
David CostePrésident de l'Europe de l'Ouest, Forterro
Pour autant, le cloud ne représente pas encore la principale source de revenus du groupe. « Nous souhaitons que 85 % de nos clients aient un chemin vers le cloud. Et convertir 35 % de nos clients en cloud d’ici à deux ans », annonce David Coste.
Forterro mise sur AWS
L’entreprise a fait le choix d’AWS comme fournisseur principal et ne considère pas le choix d’un acteur américain comme un frein pour ses clients. « Bien sûr, les fournisseurs américains dépendent du Patriot Act, mais leurs architectures sont posées dans différentes plaques géographiques, ce qui implique une certaine influence de la législation locale. Dans 90 % des cas, la nationalité du fournisseur n’est pas un sujet. En réalité, tout le monde n’a pas de données sensibles à un niveau stratégique ou militaire, ou dans des secteurs vraiment précis », considère David Coste.
« Certains se disent gênés par la nationalité du fournisseur, mais au fond ce qui les gêne, c’est que le logiciel ne soit plus en leurs murs. Cela nous ramène à un problème d’information, de culture. Penser que vos données sont plus en sécurité chez vous que chez Amazon, c’est comme penser que vos billets sous votre matelas sont plus en sécurité qu’à la banque », renchérit-il.
David CostePrésident Europe de l'Ouest, Forterro
Ce serait alors un choix rationnel que de se tourner vers les acteurs du cloud.
« Encore une fois, l’informatique, ce n’est pas le métier de nos clients. Nos clients sont des consommateurs et aujourd’hui, ils ont des habitudes d’avoir internalisé l’informatique parce qu’en fait ils n’avaient pas le choix. L’informatique s’est imposée à eux », conclut David Coste.