Semiconducteurs : SK Hynix assemblera ses mémoires HBM aux USA
L’industriel coréen a accepté de déplacer ses usines d’assemblage de cette mémoire, critique pour la puissance de calcul en IA, sur le sol américain. Les experts parlent d’un premier épisode dans une nouvelle guerre froide de l’IA.
Les premiers effets du plan Chips and Science Act américain. Le coréen SK Hynix, leader actuel des mémoires HBM, annonce qu’il se lance dans la construction d’une usine d’assemblage de ses mémoires sur le territoire américain, près de l’université de Purdue qui forme aux semiconducteurs, dans l’Indiana. L’usine sera opérationnelle dès 2028. SK Hynix indique investir 4 milliards de dollars dans sa construction. Mais son coût sera en toute logique supérieur.
La différence sera financée par des aides publiques. Le Chips and Science Act américain prévoit à ce titre une enveloppe globale de 39 milliards de dollars dédiée aux projets de construction d’usines de semiconducteur, plus une réduction de 25% des taxes sur l’achat des équipements industriels.
Signé en 2022 par Joe Biden, le Chips and Science Act avait initialement vocation à développer sur le sol américain suffisamment d’industriels des semiconducteurs pour ne plus jamais souffrir de la pénurie de composants électroniques subie lors de la crise pandémique du Covid. Rapidement, cette stratégie s’est surtout inscrite dans une nouvelle doctrine de guerre économique avec la Chine portant sur les dernières avancées technologiques et que certains observateurs appellent à présent Artificial Intelligence Cold War.
Des mémoires HBM pour faire basculer l’informatique dans l’ère de l’IA
Et c’est bien d’intelligence artificielle dont il est question ici : les mémoires HBM (High Bandwidth Memory) constituent la caractéristique principale qui permet aux GPUs de Nvidia d’être les composants de calcul les plus rapides du monde pour entraîner et exécuter des modèles d’intelligence artificielle. Jensen Huang, le PDG de Nvidia, va jusqu’à évoquer une architecture de rupture, qui fait basculer l’informatique dans un mode accéléré et qui devrait durablement changer la manière dont ont construit les ordinateurs.
Les mémoires HBM sont des circuits de RAM gravés avec une finesse proche de celle des cœurs de processeurs et qui ont vocation à être directement installés dans les processeurs. Cela présente au moins quatre effets bénéfiques.
- La RAM gravée à l’échelle d’une dizaine de nanomètres est bien plus rapide que celle des barrettes installées sur une carte mère.
- Il n’y a plus aucun goulet d’étranglement entre les cœurs qui calculent et la mémoire où se trouvent les données, ce qui contribue à grandement accélérer les traitements.
- Les serveurs qui regroupent leurs différents circuits dans une seule puce sont plus économiques à refroidir. Notamment parce qu’il est plus simple et plus efficace de faire serpenter des tuyaux d’eau à température ambiante à la surface des puces que de souffler de l’air réfrigéré sur toute une carte mère.
- Les puces embarquant de la mémoire HBM coûtent dix fois plus chères que les processeurs conventionnels qui n’intègrent que de la mémoire cache (environ 40 000 dollars pour un GPU Nvidia, contre 4000 dollars pour un processeur Intel). Mais l’économie d’échelle fait qu’un cluster de serveurs équipés de telles puces coûte finalement moins cher. Principalement parce qu’il y a moins de serveurs à déployer, donc moins de mètres carrés à alimenter, à refroidir et à connecter en réseau.
Demain, la fabrication des semiconducteurs en Occident
L’usine américaine que construit SK Hynix devrait servir à assembler des mémoires HBM dans des processeurs. Cela ne constitue qu’une étape dans la fabrication des puces accélérées : pour l’heure, les circuits HBM continueront d’être gravés ailleurs. Potentiellement dans les usines coréennes de SK Hynix.
À moins qu’Intel parvienne à signer le contrat de leur fabrication sur le territoire américain. Lancé dans une reconquête industrielle après des années de retard face au Taiwanais TSMC, Intel prévoit en effet d’investir jusqu’à 100 milliards de dollars dans la construction ou la rénovation de cinq usines d’ici à cinq ans. Il y a quelques jours, le fondeur américain décrochait un chèque de 8,5 milliards de dollars de la part du gouvernement américain, toujours dans le cadre du Chips and Science Act.
Pour parvenir à rivaliser avec la puissance industrielle de TSMC, Intel compte également déployer des moyens de production en Europe. Son programme comprend la construction d’une nouvelle usine de production de semiconducteur en Allemagne, la rénovation d’une autre en Irlande et le lancement d’une usine d’assemblage en Italie. L’ensemble pour un investissement de 80 milliards d’euros.
Cet investissement devrait en partie être financé par des fonds publics européens, via le programme European Chips Act, équivalent au programme américain, entré en vigueur en septembre dernier et qui doit représenter une enveloppe globale de 43 milliards d’euros.