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Gaia-X : l’heure est aux réalisations

Lancée en 2020, l’initiative Gaia-X va de l’avant. Avec une vingtaine de hubs dans toute l’Europe, une dizaine de groupes de travail formalisent les services cloud d’échanges sectoriels. Les premiers espaces sectoriels de données commencent à émerger de ces réflexions.

La sixième session plénière du Hub France de Gaia-X s’est tenue à Bercy afin de faire un point d’étape sur les multiples projets et thèmes d’étude de ce que sera le cloud européen dans les prochaines années.

Nommé il y a 3 mois seulement, Ulrich Ahle, CEO de Gaia-X, European Association for Data and Cloud, a résumé l’action de cette alliance : « toutes les actions de l’écosystème Gaia-X tournent autour des challenges auxquels font face les utilisateurs. Les utilisateurs du secteur public, du secteur de la mobilité, de l’industrie et d’autres secteurs ont de plus en plus d’activités qui reposent sur la donnée. C’est la même chose pour les particuliers et c’est notre rôle de développer une gestion de cette donnée de confiance. Il s’agit à la fois d’apporter un cadre de gestion de la donnée, mais aussi les couches sous-jacentes pour porter cette donnée. Nous avons besoin de fournisseurs cloud pour cela et créer un continuum Cloud-Edge ».

« Il s’agit à la fois d’apporter un cadre de gestion de la donnée, mais aussi les couches sous-jacentes pour porter cette donnée. »
Ulrich AhleCEO Gaia-X, European Association for Data and Cloud

Le responsable a souligné que 4 Clearing House sont déjà en place. Martine Gouriet, Gaia-X BoD Member et directrice des usages numériques chez EDF a souligné le besoin impérieux de pouvoir s’appuyer sur des échanges de données sécurisés, dans des espaces de confiance : « ce sujet de la conformité et des labels me tient particulièrement à cœur. Gaia-X promeut un modèle de confiance sur 3 niveaux, selon la sensibilité des données ».

Prenant l’exemple d’EDF dont le contrat avec AWS a fait couler beaucoup d’encre, Martine Gouriet rappelle : « EDF a une stratégie Move-to-Cloud équilibrée. Pour les données qui ne sont pas sensibles pouvant aller jusqu’au niveau C1 et parfois C2, on peut aller dans le cloud public. En revanche, pour des données sensibles, il est hors de question que nous allions dans un cloud public, notamment si les données sont hébergées aux États-Unis. Nous nous battons pour que nous ayons des normes européennes harmonisées avec des fournisseurs cloud localisés en Europe. C’est un point extrêmement important. Nous ne sommes pas manichéens, ce n’est pas tout l’un ou tout l’autre, avec une stratégie équilibrée sur plusieurs niveaux et pour tous les grands utilisateurs, c’est la même chose ».

Changement à la tête du Hub France

L’alliance Gaia-X a créé 21 hubs dans autant de pays et ce mois de mars 2024 voit aussi un changement à la tête du Hub France. Jusqu’ici piloté par le Cigref, celui-ci sera désormais placé sur l’égide de l’Institut Mines-Télécom.

Jean-Claude Laroche, président du Cigref, est revenu sur les débuts du Hub France : « l’initiative a pris auprès de nos membres [les grandes entreprises françaises, N.D.L.R.], mais aussi auprès du secteur académique, de centres de recherche et de PME. Dans un premier temps, il s’agissait essentiellement d’un Think Tank pour réfléchir à un cadre de partage de la donnée ». Ces travaux ont donné naissance à une dizaine de groupes de travail qui travaillent aujourd’hui au niveau européen dans de multiples secteurs.

« Les trois derniers ont débouché sur des projets phares de Gaia-X, avec Agdatahub pour l’agriculture, Eona-X pour la mobilité et le tourisme et Omega-X dans le domaine de l’énergie », explique Jean-Claude Laroche. « Deux sont amenés à devenir des projets phares à leur tour : Prometheus-X dans le domaine de l’éducation et des compétences et un dernier, Digital TER X pour les territoires et villes neutres en carbone ».

« On n’aura pas d’interopérabilité si on ne travaille pas sur les architectures des systèmes d’information ».
Jean-Claude LarochePrésident du Cigref

La journée Gaia-X a été l’occasion d’annoncer la création d’un nouveau projet lié à l’industrie. C’est Jean-Pascal Riss, directeur de la stratégie Schneider Electric qui a expliqué l’objectif de ce groupe de travail : « on estime qu’aujourd’hui seulement 30 % du tissu industriel réussit à exploiter le numérique. L’écart est énorme. Il y a globalement deux types de cas d’usage dans l’industrie : d’une part sur le cycle de vie du produit avec la traçabilité, les contrôles qualité et, de plus en plus, la circularité. Le deuxième cas d’usage se situe au niveau des équipements et des usines. Il faut connecter les shopfloors, connecter les machines en écosystème pour gagner en efficacité, faire de l’OEE (Operational Equipment Efficiency). Cela va permettre d’améliorer la productivité, avoir un meilleur suivi énergétique des machines et aussi améliorer la qualité ».

Schneider Electric anime ce projet avec le CEA, Valeo, Dawex et Prosyst, un expert de la Data pour l’industrie. « Cela fait plusieurs mois que nous travaillons sur le projet Data4Industry X, avec l’ambition de connecter les shopfloors à l’ensemble de la chaîne logistique », ajoute Jean-Pascal Riss. « L’objectif est de casser ces silos qui nous empêchent de gagner en productivité ».

Jean-Claude Laroche a toutefois un message pour les patrons du numérique en entreprise : « il faut aujourd’hui mettre les mains dans le cambouis sur les architectures des systèmes d’information. On n’aura pas d’interopérabilité si on ne travaille pas sur les architectures des systèmes d’information ».

Il met ainsi dos-à-dos l’approche de Gaia-X qui distingue bien les couches applicatives, les couches infrastructures et les couches Data, et les hyperscalers américains qui misent sur des logiques verticales totalement intégrées. Lesquelles, selon lui, tuent l’interopérabilité : « il y a un travail à faire sur l’architecture et sur la protection des données sensibles. Sur ce plan, le modèle mis en place par EDF est extensible à l’ensemble du Cigref. Rien n’empêche des acteurs américains de s’intégrer à cette démarche s’ils s’intègrent dans des dispositifs qui respectent totalement la réglementation européenne. Les labels de Gaia-X entrent dans cette philosophie ».

La Commission européenne travaille dans le même sens

Cette approche pragmatique trouve écho auprès de la Commission européenne qui travaille aussi de son côté à une vision européenne des espaces de données dans le cadre de sa stratégie 2030 Digital Compass. Celle-ci vise 75 % d’adoption du cloud contre 40 à 50 % actuellement, ainsi que le déploiement de 10 000 nœuds Edge sur le continent.

« Nous avons décidé de mettre à disposition une plateforme logicielle baptisée Simpl à même de fournir une couche logicielle commune entre les espaces de données. »
Manuel GoyetDeputy head of Unit, Cloud et Software, direction générale CNECT de la Commission européenne

Parmi les actions menées par l’Europe figure un projet d’implémentation de plateforme de partage des données baptisée Simpl. Manuel Mateo Goyet, chef de l’unité Cloud et Software à la direction générale CNECT de la Commission européenne, explique ce qui a motivé le lancement de ce développement : « il y a 10/15 ans, on développait des API pour faire communiquer les systèmes. Cette approche marche très bien, mais demande beaucoup d’efforts et cela ne marche plus dans des écosystèmes complexes comptant des dizaines d’acteurs. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de mettre à disposition une plateforme logicielle baptisée Simpl à même de fournir une couche logicielle commune entre les espaces de données. Nous le faisons pour être moins cher et que chaque espace de données n’ait pas à repayer pour disposer de sa propre plateforme. Il s’agit de ne pas avoir à réinventer la roue à chaque fois. Nous le faisons aussi pour accélérer et enfin instaurer l’interopérabilité qui va estomper les frontières entre les silos de données ».

Le projet a officiellement démarré en janvier dernier. Le contrat a été confié à un consortium dans lequel on retrouve notamment Eviden, Capgemini, Ionos, Aruba et l’Espagnol Indra. Ce projet dispose d’un budget de 150 millions d’euros.

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