« Oui, nous faisons encore de la BI… Et de mieux en mieux » (MicroStrategy)
Bitcoin et bruit médiatique. Reboot de la société. Modernisation de l’offre. Notoriété. Perspectives de retour à la croissance. Lors d’un évènement à Paris, MicroStrategy s’est entretenu avec LeMagIT pour (re)mettre les points sur quelques « i » de sa BI et de son IA.
Et MicroStrategy se remit à parler. L’éditeur de BI n’avait plus donné de nouvelles depuis plusieurs mois – à la presse (pas très grave), et à ses clients (plus problématique). Fraîchement nommé, le nouveau Country Manager France, Julien Bloch a d’ailleurs abordé le sujet de front sur la scène de son évènement, le AI/BI Symposium, à la Maison de l’Amérique Latine.
« Vous nous avez dit que l’on n’entendait pas assez parler de MicroStrategy en France. Je vous le dis comme je le pense : la remarque est pertinente. MicroStrategy a peut-être un petit peu sous-investi en marketing », confesse-t-il.
Mais, promet-il immédiatement, tout a changé (ou va changer). D’abord avec un nouveau directeur général, Phong Le, arrivé il y a 18 mois. « Il a immédiatement identifié les points qui posent problème », assure Julien Bloch, à commencer par la vitesse de l’innovation qu’il a accélérée. « On s’est remis à l’offensive », se réjouit le Country Manager.
Sur le problème de notoriété de la marque, l’équipe marketing a été complètement renouvelée « pour transformer l’image et remettre MicroStrategy en position de leader », explique Julien Bloch, qui a aussi bon espoir de bien figurer dans le prochain rapport de Gartner. « Nous avons été la première solution BI à sortir une GenAI, de confiance et qui fonctionne. Et ce n’est pas passé inaperçu [dans les] benchmarks », assure-t-il.
Le plan de transformation de MicroStategy ne s’arrête pas là. « Il est global. […] Tout est en train de changer chez nous ». Processus simplifiés. Nouvelle culture-conseil. Mise en place de Customer Success Manager. Nouvel écosystème partenaire. Les chantiers ne manquent pas.
Reste la lancinante question du bitcoin (lubie irrationnelle ou pari gagnant – en fonction des points de vue – de Michael Saylor, fondateur de MicroStrategy) dans lequel l’entreprise a massivement investi. Au point de devenir quasiment un ETF de la cryptomonnaie. Et de brouiller, en tout cas, les cartes et son image.
Après son introduction sur la scène de l’AI/BI Symposium, Julien Bloch a accordé un entretien exclusif au MagIT où il a abordé ces questions de la transformation du produit, de la croissance à retrouver… et du Bitcoin. L’occasion de remettre tous les points sur les « i » de sa BI et de son IA (dont MicroStrategy résume le mélange par un « i² » sur ses affiches).
LeMagIT : Sur scène vous avez parlé « d’inquiétude » de vos clients qui se demandent où est passé MicroStrategy, et pourquoi leur fournisseur de BI ne parle plus. Ou alors de Bitcoin. J’imagine qu’une grande partie de votre mission sera de les rassurer. Comment allez-vous faire ?
Julien Bloch : Oui, il y a une forme d’inquiétude chez nos clients. Quand ils me demandent comment on va et pourquoi on n’entend pas parler de nous, c’est la conséquence directe d’un sous-investissement [marketing]. C’est une des bases. Si l’on ne vous entend plus, on a peur que vous ayez disparu. C’est aussi simple que ça.
D’autant plus que nos concurrents, des poids lourds du SaaS mondial, ont des machines marketing massives, rodées, et véloces.
LeMagIT : Pour vous, c’est une question marketing et pas une confusion issue de l’actualité de MicroStrategy dans le bitcoin qui crée de l’inquiétude ?
Julien Bloch : Franchement, je suis là depuis 6 mois. Nous avons presque 300 clients en France. J’en ai rencontré une bonne trentaine. J’ai aussi rencontré tous nos partenaires et nos intégrateurs. Et aucun ne m’a dit qu’il percevait [notre stratégie] bitcoin comme un risque. Aucun. Ils me demandent plutôt s’il n’est pas trop tard pour acheter des actions MicroStrategy !
Pour moi, le vrai risque, c’est que les gens se demandent si l’on est toujours actif. Avec une espèce de disparition [marketing], nos clients se demandent si ce n’est pas une mort lente.
Mais le bitcoin, non, cela ne crée pas d’inquiétude. De mon point de vue, c’est même l’inverse. Depuis septembre, quand je suis arrivé, notre action a été multipliée par 4 en 6 mois. C’est plutôt le signe d’une entreprise en bonne santé.
LeMagIT : Oui, mais l’action fait x4 parce que le bitcoin monte, et pas pour la BI.
Julien Bloch : Bien sûr. Mais ce n’est pas uniquement le bitcoin. L’action ne pourrait pas être aussi forte s’il n’y avait pas aussi une plateforme technologique, cloud, modernisée, stable, aux standards. 80 % de notre valorisation vient des Bitcoins que nous avons en caisse, certes. Mais 20 % viennent aussi du fait que l’éditeur MicroStrategy a des revenus récurrents.
N’oubliez pas une chose : notre valorisation n’est pas égale à la valeur des bitcoins que nous possédons. Nous sommes beaucoup plus valorisés. Pourquoi ? Parce qu’il y a cet effet « software ». Notre EBITDA s’améliore aussi, et cela y participe.
Donc il y a eu une inquiétude, mais elle n’est vraiment pas liée au bitcoin.
LeMagIT : N’est-ce pas quand même un facteur d’instabilité, pour l’activité software, d’investir la trésorerie de l’entreprise dans du bitcoin, plutôt que dans le marketing ou dans la R&D ?
Julien Bloch : Je dirais que la question est mal posée. Ce n’est pas un choix qui se fait entre l’investissement pour développer l’entreprise et améliorer sa rentabilité d’une part, et le bitcoin d’autre part. Ce sont deux budgets différents. Et d’ailleurs il n’y a pas que de l’investissement, il y a aussi de l’endettement [pour acheter des bitcoins].
Donc ce sont deux sujets bien à part. Il y a d’un côté les bitcoins. Et de l’autre, il y a une vraie stratégie BI, dont le cœur est notre plateforme, et avec un programme de transformation. Regardez le nombre de gens que nous avons embauchés aux US pour faire cela !
Le Bitcoin, en fait, c’est un axe d’investissement. Il y a quatre ans, le fondateur de MicroStrategy a décidé d’investir dedans. Il avait le choix entre des assurances vie, des devises, et même de l’art. Et il l’a fait dans le Bitcoin. C’est sa vision.
LeMagIT : D’accord, mais il n’investit pas son patrimoine personnel. Il le fait avec les liquidités et les capacités de financement (l’emprunt) de la personne morale qu’est l’entreprise MicroStrategy. Ce n’est pas forcément une bonne pratique de gestion financière, non ?
Julien Bloch : En fait, MicroStrategy c’est un peu comme [le] bébé [de Michael Saylor]. Son idée est de construire une institution. Et il y a une chose qui nous manque par rapport à nos concurrents qui sont adossés à des surfaces financières énormes. Nous n’avons pas d’ombrelles comme Microsoft (N.D.R. : PowerBI) ou Salesforce (Tableau). Nous sommes une société indépendante qui fait un demi-milliard de CA par an. Et le bitcoin nous donne de la portance et de l’indépendance. Demain, si quelqu’un veut acheter MicroStrategy, c’est plus compliqué.
LeMagIT : Pour vous, ce n’est donc pas un pari (et donc pas un risque de marché sur vos ressources financières), mais un socle qui vous permet de pérenniser l’entreprise ?
Julien Bloch : Tout à fait. D’autant plus que les bitcoins sont un asset très liquide. Vous pouvez en acheter et en vendre quand vous voulez. On peut se retirer assez vite.
Et une fois de plus, c’est vraiment séparé. Il n’y a pas de vase communicant. Ce sont des budgets différents. L’un ne se fait pas au détriment de l’autre.
LeMagIT : Reste qu’au départ, c’est quand même une seule et même trésorerie qui part d’un côté ou de l’autre ?
Julien Bloch : Un chiffre… Notre budget marketing corp a augmenté de 50 % cette année. Nous avons aussi beaucoup investi pour moderniser notre plateforme BI. Nous n’avons pas eu besoin de vendre un seul bitcoin pour faire ça.
LeMagIT : D’accord. Le message est clair. Avec vos capacités d’autofinancement, vous faites toujours de la BI. Ce qui m’amène à une autre question : comment va MicroStrategy – éditeur de BI – en France ? Avez-vous des chiffres qui traduisent, concrètement, les retombées commerciales de cet investissement dans votre plateforme ?
Julien Bloch : C’est encore un peu tôt. Mais nous voyons les premiers effets. Nous recevons toutes les semaines des demandes de contact que nous ne recevions plus. Ce qu’on voit déjà c’est l’accueil du marché qui demande à nous rencontrer.
C’est un peu tôt aussi, parce que la nouvelle directrice marketing monde, Carla Fitzgerald, est arrivée il y a à peine trois mois avec une toute nouvelle équipe de quatre personnes [en central]– product, brand, partner et digital.
LeMagIT : Vous avez changé de DG et de CMO. Vous avez modernisé vos produits. Vous faites évoluer l’organisation interne. En France et en EMEA, beaucoup de personnes sont parties, ou ont été remerciées. D’autres sont arrivées. Peut-on parler de « reboot » de MicroStrategy ?
Julien Bloch : Il y a beaucoup de sujets dans votre question.
Tout d’abord, nous avons eu une croissance stable, presque « flat ». Quand vous considérez l’inflation, on peut quasiment parler de décroissance. Avec des clients qui ne nous choisissaient plus parce qu’on avait disparu de leurs radars.
Ceci étant dit, il y en a d’autres chez qui notre empreinte grandit. Vous en avez vu ce matin : Chronopost, McDonald’s, Leclerc. Dans une grande banque française de détail, il y a un projet BI pour l’envoi de rapports de performance financière pour toute sa banque privée. Vous voulez savoir comment performent les économies de toute une vie ? C’est MicroStrategy qui vous fait ça.
Donc bon an, mal an, on est resté flat. Ce n’est pas suffisant. Mais je crois que la réorganisation, les nouvelles personnes et la stratégie d’investissement vont porter leurs fruits. D’ailleurs, on voit les débuts d’un frémissement.
Un autre signe est très positif : des cabinets de conseils – qui ne font pas d’intégration, mais qui sourcent de manière indépendante des technologies innovantes pour les recommander aux entreprises – viennent nous voir. Depuis que je suis arrivé, nous en voyons un par mois pour nous benchmarker.
Et le fait que nous soyons capables de gérer aussi bien la Data Viz que les cas d’usages traditionnels (comme celui que je vous ai cité dans la banque privée) nous permet aussi de tirer parti d’un mouvement de fond de rationalisation des outils qui est en cours sur le marché français. Souvent, les entreprises ont deux ou trois BI, et elles veulent en sortir une. Nous sommes systématiquement consultés sur nos bases clients. Et on ne perd pas ces projets-là.
LeMagIT : Quand espérez-vous voir ces frémissements se concrétiser en réelle croissance ?
Julien Bloch : Je vais être prudent. Je dirais décembre. Nous devrions revoir de la croissance d’ici neuf mois. L’image de marque, ce sera certainement un peu plus long.
Donc oui, il y a un « reboot ». Oui on innove (rien que sur la GenAI, nous avons 84 PoCs en Europe). Oui, nous faisons encore de la BI, et on en fait de mieux en mieux !