Rachat de VMware : les concurrents alertent des clients… impassibles
Les concurrents de VMware prédisent que les entreprises souffriront de son rachat par Broadcom. Mais les analystes n’observent pas d’abandon du navire.
Le rachat de VMware par Broadcom est une aubaine marketing pour ses concurrents, lesquels préviennent les entreprises que cette acquisition suscite des sueurs froides sur le marché. Ils encouragent les entreprises à quitter le navire avant que les contrats n’expirent ou que les produits et services ne disparaissent.
Leurs avertissements ne sont pas sans fondement. Broadcom a supprimé les licences perpétuelles de VMware à la fin de l’année dernière. Puis il a fait de même avec l’édition gratuite de l’hyperviseur vSphere ESXi, le mois dernier. Ce dernier servait à attirer les PME à l’écosystème VMware.
Ces jours-ci, ce sont les acteurs du stockage qui alertent les entreprises sur une probable augmentation de prix de vSAN, le système de stockage de VMware, voire une obligation de migrer vers du matériel plus performant pour pouvoir continuer à l’utiliser.
De son côté, Broadcom déclare invariablement qu’il cherche juste à normaliser et à simplifier les licences, les prix et le catalogue de produits VMware. Les produits auparavant distincts sont de fait regroupés dans des offres d’abonnement multifonction.
« En dépit de l’alarmisme de la concurrence, de nombreuses entreprises clientes de VMware réfléchissent toujours à la nécessité d’un changement », pondère Dave Raffo, un analyste indépendant spécialisé dans les solutions de stockage. « Et concernant vSAN, il est probable que les entreprises ne feront pas leur choix sur la seule composante stockage ; elles évalueront la pertinence de rester clientes de VMware pour l’ensemble des produits qu’elles utilisent chez cet éditeur. »
Un catalogue VMware réduit à quatre offres
Dans le détail, le nouveau catalogue de VMware ne proposera que quatre offres d’abonnement, avec une poignée de services optionnels. Les souscriptions à VMware Cloud Foundation ou vSphere Foundation incluront forcément vSAN. Les deux autres abonnements sont des variantes de vSphere Foundation selon la capacité de la solution ou son nombre d’accès.
Cloud Foundation regroupe la plupart des logiciels de VMware, notamment l’hyperviseur vSphere et le réseau NSX. L’abonnement vSphere Foundation offre moins de fonctionnalités. On y trouve vSphere, vSAN et le logiciel de gestion multicloud Aria. Cloud Foundation inclut 1 To de stockage vSAN par cœur de CPU, tandis que vSphere Foundation ne supporte que 100 Go de stockage par cœur.
Parmi les services optionnels, citons la gestion de Kubernetes pour les administrateurs, avec Tanzu Intelligence Services, ainsi que des capacités de stockage vSAN supplémentaires.
Selon Prashanth Shenoy, vice-président du marketing chez VMware, la fragmentation préalable des offres de VMware et la grande diversité des contrats de vente semaient la confusion sur le marché. Il veut croire que les entreprises qui persistent à vouloir acheter des licences perpétuelles, plutôt que souscrire à un abonnement, risquent de se retrouver avec des capacités sur- ou sous-dimensionnées.
« Le modèle par abonnement offre une plus grande flexibilité en matière de quantité de stockage gérée par vSAN, ainsi qu’une portabilité entre le cloud public et l’infrastructure matérielle », assure Mark Chuang, responsable du marketing produit pour VMware Cloud Foundation.
L’effort de simplification conduit à la disparition de choix techniques. Par exemple, il n’est plus possible de prendre ou non l’option d’un stockage désagrégé, fonction qui était incarnée par le logiciel vSAN Max. Désormais, vSAN Max est inclus dans la souscription. Cela suggère que des clients pourraient payer plus cher à cause de la présence d’une option imposée.
Des clients laissés pour compte
Paul WozniakConsultant, Cabinet PBG Networks
Broadcom affirme cependant que ses nouveaux abonnements entraîneront une baisse générale des coûts. Ses concurrents répondent qu’ils ont, eux, toujours, des prix plus bas, un choix de licences moins restrictif et un plus grand nombre d’options de déploiement.
Il en va ainsi de StorMagic qui propose aux PME et aux prestataires de services le système de stockage hyperconvergé SvSAN, plutôt bien adapté aux matériels d’entrée de gamme.
Selon le consultant Paul Wozniak, du cabinet PBG Networks, ce sont précisément les PME et les petits prestataires de service que les nouveaux abonnements de VMware vont laisser au bord de la route.
Paul WozniakConsultant, Cabinet PBG Networks
« Broadcom est là pour faire de l’argent. Il est improbable que vSAN devienne moins cher. Au contraire », dit-il. « De plus, le remplacement des licences perpétuelles ne signifie rien d’autre que de nouveaux coûts récurrents pour les entreprises qui achetaient auparavant des licences perpétuelles. »
Des entreprises pas encore prêtes à quitter VMware
Pour autant, les entreprises seraient encore loin de se ranger à l’avis des concurrents de VMware.
Ainsi, les entreprises qui souhaiteraient cesser d’utiliser des logiciels de VMware devraient affronter une complexité accrue quant aux choix des alternatives. « À la place de vSAN, les entreprises devront choisir entre StorMagic, Nutanix, VergeIO, ou encore Dell PowerFlex », estime Dave Raffo.
Un choix d’autant plus cornélien que le consultant Ray Lucchesi, du cabinet Silverton Consulting, estime que les nouveaux abonnements de VMware pourraient bel et bien devenir un avantage au fil du temps : « ils ne souffriront d’aucune majoration lorsqu’ils voudront déployer du stockage désagrégé, par exemple », dit-il.
Marc Staimer, du cabinet Dragon Slayer Consulting, ajoute que VMware reste l’une des plateformes de virtualisation les plus matures et les plus riches en fonctionnalités.
Marc StaimerPrésident et consultant, Dragon Slayer Consulting
« Malgré l’attention médiatique entourant l’acquisition de Broadcom, la véritable concurrence pour VMware viendra plus d’une évolution technologique de la virtualisation vers les containers », prédit-il.
À date, les conteneurs offrent une plus grande flexibilité et de meilleures capacités à un coût moindre. Le coût des solutions est moindre et celui des serveurs l’est aussi, car les containers nécessitent moins de puissance de calcul que les machines virtuelles.
Revers de la médaille, le manque de maturité de la plupart des offres de containers les empêche d’être adoptées à grande échelle par les entreprises. Par exemple, les containers ne disposent pas encore de fonctions telles que la haute disponibilité, le stockage persistant et la protection des données.
« D’ici à ce que les plateformes de containerisation arrivent au même niveau de maturité que les machines virtuelles, VMware restera probablement en place dans la plupart des entreprises. Et pour cause : personne n’a jamais perdu son emploi en achetant du VMware », conclut Marc Staimer.