MWC 2024 : Dell et HPE rivalisent avec les équipementiers télécoms
Les deux géants des serveurs présentent des machines x86 avec une carte accélératrice Nokia pour remplacer les boîtiers RAN et proposent aux opérateurs des cœurs de réseau containerisés sous OpenShift.
Lors du récent salon des télécoms mobiles MWC 2024, qui se tenait fin février à Barcelone, les constructeurs informatiques Dell et HPE présentaient des solutions censées permettre aux opérateurs de ne plus dépendre des équipements fermés de Nokia, Ericsson, Huawei et autres ZTE.
Ces solutions sont doubles. Elles consistent d’une part à remplacer les boîtiers RAN installés au pied de chaque antenne 4G/5G mobile par des serveurs génériques. Et, d’autre part, à fournir des clusters de serveurs clés en main pour exécuter et router les services mobiles dans les cœurs de réseau des opérateurs.
« En se fournissant chez HPE, Dell, Lenovo ou d’autres, les opérateurs pourront dans une certaine mesure faire jouer la concurrence et obtenir de meilleurs prix. Mais le but de nos solutions n’est pas d’être moins chères que les équipements traditionnels. Le but est que nos serveurs génériques, qui fonctionnent tous sous OpenShift de Red Hat, peuvent exécuter n’importe quelle application. C’est-à-dire qu’il devient très facile de déployer de nouveaux services pour les usagers », explique Mikko Sipilä, responsable des partenariats chez HPE.
S’il imagine quantité de services collaboratifs, Mikko Sipilä estime que l’un des domaines qui pourraient le mieux profiter d’un routage dédié chez les opérateurs est celui des jeux vidéo. « Ça, c’est pour la partie cœur de réseau. Mais même au niveau du RAN, vous gagnez l’opportunité, par exemple, d’exécuter des moteurs d’intelligence artificielle », ajoute-t-il, en évoquant des antennes plus astucieuses qui pourraient mieux répartir leur bande passante ou mieux sécuriser les communications.
Dell propose un cœur de réseau en containers, tout automatisé
Les solutions des fournisseurs informatiques reposent sur deux éléments nouveaux. D’abord, il existe enfin sur le marché des technologies alternatives pour décoder les signaux des antennes. Ensuite, les opérateurs télécoms expriment à présent le besoin de basculer leurs cœurs de réseau d’un fonctionnement en machines virtuelles, sous Open Stack voire VMware, à un fonctionnement en containers.
« Il est indéniable que les télécoms mettent en œuvre un fonctionnement de type cloud depuis un certain temps pour leurs cœurs de réseau et qu’ils sont très bien parvenus à le faire tous seuls. Mais il faut bien comprendre que ce sont eux qui nous sollicitent aujourd’hui pour leur fournir des solutions plus modernes, capables d’exécuter des applications en containers. Car c’est le format qui s’impose désormais dans les développements dits cloud natif », dit un expert de Dell qui n’a pas souhaité que son nom soit cité.
En l’occurrence, Dell paraît être le fournisseur qui propose la solution la plus complète. Elle comprend d’une part des serveurs et des baies de stockage préconfigurées sous OpenShift, le Kubernetes de Red Hat. Baptisée Dell Telecom Infrastructure Blocks, cette partie se compose d’un cluster de contrôle, constitué d’une douzaine de nœuds, pour piloter 1 500 autres serveurs répartis en clusters applicatifs. Ces derniers sont composés de 9 à 504 nœuds.
D’autre part, Dell propose Telecom Infrastructure Automation Suite, un moteur qui permet aux opérateurs de déclarer simplement le but à atteindre et qui automatise la reconfiguration en conséquence de toutes les strates de leurs réseaux. Et, ce, quels que soient les équipements qui s’y trouvent. Selon le fournisseur, il s’agirait d’accomplir en quelques minutes un travail qui prend d’ordinaire des jours.
« Honnêtement, les opérateurs avaient commencé à construire eux-mêmes des infrastructures de containerisation. Cela fonctionnait en silos, il y avait des bouts de logiciels propriétaires. Rien n’allait. Cela nécessitait plus de ressources et un processus spécialisé à exécuter pour chaque application supplémentaire. Ils sont finalement venus nous voir, pour que nous leur proposions une plateforme générique », raconte l’expert de Dell.
LeMagIT n’est pas parvenu à obtenir plus d’information sur ces infrastructures de containerisation que les opérateurs auraient eux-mêmes mises au point et qui les auraient déçus. On notera cependant qu’il existe le projet Sylva. Hébergé par la Linux Foundation, il a été initié en 2022 par Orange, Deutsche Telekom, Telefónica, Vodafone et Telecom Italia dans le but de standardiser une plateforme cloud à base de containers pour les télécoms. À date, ce projet ne semble pas avoir été abandonné.
Sur le salon MWC 2024, Lenovo – concurrent direct de Dell et HPE sur le marché des serveurs – était le seul à évoquer des machines préconfigurées sur Sylva.
Une carte PCIe Nokia pour transformer un serveur en RAN
Concernant la partie RAN, Dell et HPE ont eu la joie de voir arriver de la part de Nokia une carte PCIe, baptisée Cloud RAN SmartNIC, qui s’insère dans leurs serveurs et qui s’occupe en temps réel de toutes les fonctions inhérentes aux antennes. Il y en a en l’occurrence deux : la DU (Distributed Unit), qui transcode les données en signaux radio et leur attribut des bandes de fréquences, et la CU (Central Unit) qui formate les données en différents protocoles et les communique au cœur de réseau. Ces deux fonctions sont réunies sous l’acronyme de BBU quand on parle de 5G privée.
La Cloud RAN SmartNIC est basée sur une puce propriétaire de Nokia appelée ReefShark.
Dans ce schéma, le serveur x86 gère une antenne publique éloignée au maximum de 100 mètres. Il s’agit de la distance maximale que peuvent parcourir les signaux de l’antenne sur des fibres optiques sans souffrir de latence. Et il s’agit d’un éloignement suffisant pour installer le serveur dans un local dédié, à l’abri des intempéries qu’affronte l’antenne.
Un RAN Nokia + processeur ARM chez HPE
Ici, l’originalité est du côté de HPE. En plus d’un serveur Proliant DL110 Gen11 x86 classique, le constructeur a mis au point une configuration qui fonctionne avec un Proliant RL300 Gen11 à base de processeur ARM. Il s’agit manifestement d’un Altra Max fabriqué par Ampere.
« Pourquoi ARM ? Tout simplement parce qu’au niveau des antennes on manque de puissance/watts et de refroidissement. Le modèle de processeur ARM que nous proposons comporte 128 cœurs et il chauffe beaucoup moins qu’un x86 », explique Mikko Sipilä.
« Le serveur Proliant RL300 ARM est une machine que nous vendons déjà. Pour autant, la configuration comprenant la carte de Nokia ne sera proposée que dans un second temps, quand les opérateurs auront validé qu’elle répond à leurs besoins. Notre objectif ici est juste de démontrer que cela fonctionne avec la carte PCIe de Nokia », ajoute-t-il.
Deux autres cartes d’accélération RAN chez Dell
Précisons que Dell ne propose aucune configuration ARM. En revanche, le constructeur montrait sur son stand deux autres cartes alternatives à celles de Nokia.
Il y a tout d’abord une carte accélératrice simplement baptisée Dell Open RAN. Elle est conçue pour fonctionner avec les algorithmes que le consortium O-RAN met actuellement au point, dans le but de remplacer les boîtiers RAN propriétaires des équipementiers. Cette carte comprend une puce Octeon CNF105 de Marvell, qui réunit à la fois des cœurs ARM et des DSP (puce de traitement du signal). Pour autant, elle ne semble compatible qu’avec des antennes spéciales capables d’envoyer leurs signaux par paquets Ethernet. Ce genre de modèles est plutôt dédié aux réseaux 5G privés.
On trouve également une carte Qualcomm X100 basée sur un ASIC appelé QRU100 5G. Plus spécialisée dans les signaux radio que la précédente, elle serait compatible avec toutes les antennes standard. Capable de moduler la forme des faisceaux d’ondes (sur les antennes MIMO), elle serait plutôt conçue pour fonctionner de pair avec le système vRAN de Samsung.
Ces deux cartes accélèrent la partie DU du RAN. Les systèmes O-RAN et vRAN exécutent la partie CU sur le processeur x86 du serveur hôte.