RedCap : la 5G des objets connectés se dévoile au MWC
L’équipementier Huawei a multiplié les présentations concernant cette technologie déjà installable sur ses antennes qui permet de transporter les relevés des sondes et les images des caméras à bas prix.
Après les fibres optiques POL/FTTR pour remplacer les câbles RJ45 sur les réseaux locaux, l’autre technologie dont le salon des télécoms MWC a officiellement lancé la commercialisation est le RedCap. Nom moderne de la 5G NR-Light, acronyme de Reduced Capacity, le RedCap consiste en une mise à jour logicielle des infrastructures 5G pour supporter des appareils qui ne communiqueront qu’en 100, voire 200 Mbit/s, là où les smartphones sont susceptibles de grimper jusqu’à 2 Gbit/s. L’enjeu du RedCap est d’incarner le réseau de l’IoT nomade.
« Il s’agit de l’équivalent en 5G du LTE-M en 4G, à savoir le protocole qui est utilisé aujourd’hui par les terminaux de paiement ou encore par les équipements d’infrastructure, du genre Linky, pour remonter des informations régulièrement, sans qu’on n’ait pratiquement jamais besoin de leur envoyer du contenu en retour », précise un expert de Huawei qui n’a pas souhaité que son nom soit cité.
Il n’a pas non plus été possible de prendre en photo les antennes compatibles, estampillées 5,5G chez Huawei, ni les prototypes des terminaux. Ce qui est dommage, car Huawei est, parmi les équipementiers présents, celui qui avait le plus de choses à dire à la presse sur le RedCap.
« Avec le RedCap, nous passons à une génération de terminaux qui pourront être en mouvement. Dans le domaine du grand public, on pense à des bracelets médicaux connectés. Et, dans le domaine des entreprises, à des caméras de vidéosurveillance embarquées dans des trains par exemple, qui ne nécessiteront plus d’avoir une infrastructure Wifi/fibre propre le long des rails, mais qui pourront communiquer via les antennes réseau 5G publiques », ajoute-t-il.
Un réseau 5G dédié à l’IoT
Le RedCap a vocation à devenir le réseau mobile de toutes les sondes connectées. Les 100 Mbit/s de bande passante seraient largement suffisants pour n’envoyer que dans un seul sens tous types de relevés, et même un flux vidéo haute résolution. Son argument principal est de coûter bien moins cher que les solutions en place.
Par rapport aux smartphones 5G qui sont souvent utilisés pour remonter, via le réseau mobile, les données d’un appareil connecté (véhicule, caméra, détecteur, etc.), un modem RedCap ne coûterait que quelques dizaines d’euros. Huawei montrait ainsi des puces-modem chinoises à 10 dollars qui pourraient même s’insérer directement dans les appareils et qui consommeraient dix fois moins d’énergie qu’un smartphone pour émettre les données.
Par rapport aux solutions de type LoRA, le RedCap présente l’intérêt d’utiliser les antennes 5G publiques déjà déployées sur le territoire, c’est-à-dire bénéficier d’une couverture maximale sans investir un euro dans une infrastructure supplémentaire. La latence serait aussi meilleure, mais ce détail est accessoire sur un réseau ou les appareils ne font qu’émettre.
Si cette technologie faisait partie dès le départ du cahier des charges de la 5G, ce n’est qu’aujourd’hui qu’elle a été standardisée par le consortium 3GPP, dans sa toute récente « release 17 » qui normalise les évolutions de la 5G.
« Une antenne 5G est conçue pour envoyer des flux de données avec une largeur spectrale de 100 MHz. Il fallait mettre au point l’algorithme qui permet à une telle antenne de réceptionner des données avec une largeur spectrale dix fois moins importante. Et aussi qui profite de ce spectre moins important pour couvrir une plus longue distance, typiquement 2,5 km au lieu de 1,5 km en ce qui concerne les antennes 5G de Huawei », dit encore notre interlocuteur.
Huawei est déjà prêt, mais pour un parc limité en France
Huawei revendique avoir déjà implémenté le protocole RedCap pour ses antennes 5G, ou plutôt pour les équipements RAN qui les contrôlent. Il évoque le terme de « 5,5G » pour désigner ses infrastructures compatibles RedCap. Le 3GPP semble préférer l’appellation « 5G Advanced ». Les équipementiers européens Nokia et Ericsson devraient proposer le RedCap sur leurs infrastructures dans les semaines qui viennent.
Il faut maintenant attendre que les opérateurs téléchargent une mise à jour « Release 17 » sur leurs infrastructures 5G. En France, SFR et Bouygues sont les seuls opérateurs à pouvoir déjà le faire. Et pour cause : ils ont déployé les antennes 5G de l’équipementier chinois, sur les villes de moins de 200 000 habitants et loin des sites militaires, gouvernementaux ou de grands industriels.
Depuis août 2019, les nouveaux déploiements d’antennes Huawei chez les opérateurs nationaux sont globalement interdits ou, au cas par cas, doivent être validés par l’ANSSI. Bouygues et SFR auraient néanmoins jusqu’à 2028 pour remplacer plusieurs milliers d’antennes par des fournisseurs européens tels que Nokia ou Ericsson. Il est probable qu’ils n’y parviennent pas, d’autant que l’État ne semble pas vouloir dédommager le coût important d’une telle opération.
LeMagIT croit comprendre que Huawei pourrait à terme rabattre ses efforts en matière de 5,5G sur des modèles d’antennes conçus pour la 5G privée, du moins sur le territoire français et ailleurs en Europe. Problème, les pays européens ne se sont pas encore accordés sur la bande de fréquence dévolue à la 5G privée. En France, l’Arcep autorise des tests de 5G privée sur la bande de fréquence comprise entre 3,8 et 4 GHz, sans garantir toutefois qu’elle perdura au moment de la standardisation européenne.
Dans ses cartons, Huawei a aussi des modèles d’antenne 5G émettant aux alentours de 6 GHz (contre 3,5 GHz maximum pour la 5G publique actuelle) et offrant une largeur de spectre de 700 MHz qui pourrait transporter les données avec un débit de 10 Gbit/s. L’équipementier se dit prêt à convertir ses futures antennes 5G en antennes pour un super Wifi le cas échéant.
Demain, le RFID passera aussi par la 5G
D’ici à l’année prochaine, la 5G ira encore plus loin en matière d’IoT avec une technologie appelée pour l’instant Ambient IoT, ou Passive IoT chez Huawei (qui prétend déjà savoir comment l’implémenter). Celle-ci, standardisée par la Release 18 ou 19, aura vocation à remplacer les actuels systèmes de RFID.
« Nous appelons cette technologie passive, car les étiquettes RFID n’ont aucune électronique. Elles sont juste capables de rayonner d’une certaine manière les ondes qu’elles reçoivent des antennes. Avec les systèmes actuels, une étiquette RFID rayonne dans les dix mètres alentour. Avec le Passive IoT elles seront capables de rayonner sur une centaine de mètres. »
« En clair, la technologie actuelle reconnaît les étiquettes collées sur des objets que l’on fait passer dans un portique. Demain, il n’y aura plus besoin de portique. Les étiquettes RFID signaleront leur identité où qu’elles se trouvent dans un hangar ou sur une surface logistique extérieure », conclut l’expert de Huawei.