Avec Pulse, Tableau combine suivi de métriques, GenAI et Data Storytelling
Cet outil, qui surveille les données pour détecter les variations de métriques et utilise le langage naturel pour alerter les utilisateurs, est la première capacité de GenAI de l’éditeur de solutions d’analytique à être disponible de manière générale.
Tableau a lancé jeudi dernier en disponibilité générale Pulse, un outil d’IA générative qui permet de faire apparaître des indicateurs en langage naturel.
La filiale de Salesforce a officiellement dévoilé Pulse pour la première fois en mai 2023 alors qu’il était encore en phase de développement. Pulse est inclus sans frais supplémentaires dans Tableau Cloud et dans les outils analytiques embarqués de l’éditeur. Il correspond à la première application concrète de Tableau AI, une suite de fonctions d’IA et d’IA générative dédiées à l’analytique, qui seront infusées dans l’ensemble des produits Salesforce.
Pulse est avant tout un outil de suivi d’évolution de KPI augmenté au data storytelling et à l’IA générative. Il peut surveiller les données des clients de Tableau de manière automatisée. Lorsqu’il détecte des changements de métriques et de nouvelles tendances qu’un humain aurait pu omettre, l’outil alerte les utilisateurs en exécutant des visuels et en générant une explication en langage naturel.
En outre, Pulse doit expliquer les facteurs qui sous-tendent les changements et les tendances afin que les clients puissent mieux comprendre ce qui se passe dans leur entreprise.
Ces informations, intégrées dans les flux de travail des utilisateurs, leur permettent de poser des questions complémentaires et, idéalement, de fonder leurs décisions sur l’analyse de données.
Pour cela, Tableau Pulse inclut Pulse on Mobile. Cette fonctionnalité alerte les utilisateurs sur les changements et les tendances des métriques sur leurs appareils mobiles, depuis l’application Tableau ou par mail.
Enfin, Tableau présente Pulse Slack Digest. Cette intégration fournit des résumés générés par l’IA et des informations contextuelles liées aux métriques et aux tendances dans les canaux Slack choisis par les utilisateurs.
La « Metric Layer », à la fois l’intérêt principal et le plus gros défaut de Pulse
La clé de voûte, de Tableau Pulse, c’est sa « couche de métriques » (ou Metric Layer en VO).
Cette couche est rendue accessible par une UI qui permet aux utilisateurs de créer des définitions de métriques standard en utilisant des métadonnées pour déterminer la signification des termes et le contexte commercial des métriques.
Celle-ci vise à garantir qu’il n’y a qu’une seule métrique pour un ensemble de métadonnées afin d’assurer la cohérence au sein d’une organisation. Cette fonctionnalité doit limiter la production de définitions différentes par les départements.
En revanche, cela veut dire que Pulse doit être connecté à une seule source de données, contenant à minima, selon la documentation :
- Une métrique à agréger sous forme de moyenne, de médiane, de minimum/maximum, etc.
- Une dimension temporelle : jour, semaine, trimestre, année (les heures et les minutes ne sont pas prises en charge).
- Une dimension pour filtrer les données et les indicateurs.
Une fois une métrique définie, Pulse peut automatiquement détecter des indicateurs activés par défaut ou à activer dans l’interface. Ces indicateurs sont : des comparaisons entre des périodes, la détection des contributeurs et des détracteurs principaux, des changements inhabituels, des tendances actuelles, ou encore les changements de tendances.
Ces variations sont détectées à l’aide de « modèles statistiques déterministes et standardisés pour détecter des faits sur les mesures dont l’exactitude est garantie », selon la documentation de Tableau Cloud. « Ces faits servent de vérité de base lors de la génération d’informations ».
Les définitions permettent à Tableau d’analyser automatiquement la sémantique métier, afin d’associer des questions et réponses pertinentes à des métriques, seulement en anglais pour le moment.
Le contrecoup de cette architecture, c’est qu’il n’est pas possible de piocher dans un workbook pour appliquer ces métriques sur des tableaux de bord déjà disponibles dans l’entreprise.
La data literacy avant tout
Ce choix discutable, l’éditeur l’explique par sa volonté de réduire la dépendance aux environnements de BI traditionnels et de miser sur l’expérience NLP.
Car la motivation pour créer Pulse n’était autre que renforcer l’engagement des utilisateurs finaux. Un problème bien connu des éditeurs de BI et de leurs clients. Depuis près de vingt ans, ils observent que seuls 25 % des utilisateurs potentiels des outils de BI les exploitent effectivement. C’est finalement Narrative Science, racheté par Salesforce/Tableau en décembre 2021, qui a eu l’idée de Pulse, possible remplaçant à Ask Data.
Ask Data est l’une des nombreuses tentatives initiées par les éditeurs de BI pour démocratiser l’usage de l’analytique en s’appuyant sur le NLP. Or ces fonctions se sont avérées limitées et largement dépendantes d’un vocabulaire technique qui exigeait – finalement – une maîtrise du langage SQL, tandis que les outils low-code/no-code ne permettaient pas d’effectuer des analyses approfondies.
Pour AWS, Microsoft, Google, Alteryx, Domo, Informatica, Qlik, ThoughSpot, Tableau et bien d’autres, en raison de leur entraînement sur de grands volumes de données hétérogènes, les grands modèles de langage (mis en lumière par ChatGPT) apparaissent comme une amélioration significative par rapport aux fonctions de traitement de langage naturel en place.
Tous ces acteurs ont lancé des initiatives pour intégrer l’IA générative dans leurs produits.
Un signal envoyé au marché
Or Pulse est l’un des premiers outils d’analytique augmenté à l’IA générative généralement disponible, notent les analystes.
David Menninger1nalyste, Ventana Research
« En matière d’IA générative, les éditeurs de logiciels se livrent à une véritable course à l’armement », rappelle David Menninger, analyste chez Ventana Research, une filiale d’ISG. « Si de nombreux éditeurs proposent des fonctions GenAI en préversion ou en avant-première, rares sont ceux qui en proposent une qui soit généralement disponible. On peut considérer cette étape comme la validation de l’engagement des éditeurs de logiciels à intégrer la GenAI dans leurs produits ».
Mike Leone, analyste chez Enterprise Strategy Group [propriété de Techtarget, également propriétaire du MagIT], voit, lui aussi, un signal envoyé au marché.
« Le passage de la préversion à la disponibilité générale représente un niveau perçu de maturité et donne aux clients une certaine tranquillité d’esprit en sachant que [les outils] sont officiellement pris en charge », note-t-il. « C’est essentiel en ce qui concerne les fonctions de GenAI, car cela inspire un plus grand niveau de confiance de la part des utilisateurs finaux ».
Qui plus est, David Menninger, observe que l’accent mis sur le suivi de métriques et l’explication d’indicateurs en langage naturel distingue Pulse des autres outils du marché. Les acteurs du marché, dont AWS, Google, et Microsoft, ont présenté des agents conversationnels pour écrire des requêtes SQL en langage naturel.
« Toutes ces choses sont utiles aux utilisateurs, et il sera passionnant d’observer d’autres manières d’exploiter l’IA générative », remarque l’analyste, sans trop prendre de risque.
Pulse est la « star » de Tableau 2024.1, mais Einstein for Tableau, ex-Tableau GPT, devrait davantage convaincre les data analysts. Sa disponibilité générale est prévue en même temps que celle de la version Summer’ 24 des produits Salesforce, c’est-à-dire aux environs du mois de juin prochain.
Une fois disponible, Salesforce promet qu’Einstein for Tableau infusera l’IA générative à travers la plateforme Tableau en toute sécurité et avec des mesures de gouvernance, permettant aux clients d’utiliser le langage naturel plutôt que le langage SQL. En somme, Einstein for Tableau correspond davantage aux propositions des concurrents de l’éditeur.
Des limites à faire sauter
En ce qui concerne Tableau Pulse, ce n’est qu’un début, selon Southard Jones, qui assure que l’outil a été « bêta testé » par 1 000 utilisateurs pendant trois mois. Salesforce avait déjà présenté l’expérience utilisateur lors de Dreamforce 2023, en septembre. La démonstration reposait, semble-t-il, sur une maquette.
Contrairement à la plateforme globale de Tableau qui est mise à jour trois fois par an, l’éditeur prévoit de mettre à jour Pulse toutes les deux semaines.
« Il s’agit d’une fonctionnalité que nous devons continuellement améliorer pour voir comment les utilisateurs réagissent au produit et comment ils assimilent les informations et prennent des décisions à partir de celles-ci », avance le Chief Product Officer.
De fait, le responsable avoue que les réponses aux questions des utilisateurs générées par Tableau AI dans Pulse sont encore peu étendues. La faute à la maîtrise nécessaire des hallucinations des LLM, selon lui.
« Les produits qui permettent d’effectuer des questions-réponses sans filtrage sont particulièrement sensibles aux hallucinations », remarque-t-il. « Nous travaillons d’arrache-pied pour mettre sur le marché une version [de Pulse] permettant d’obtenir un système de question-réponse précis et fiable », promet-il.
David Menninger, lui, espère qu’à l’avenir Tableau mettra l’accent sur l’automatisation de la préparation de données.
« Étant donné qu’une grande partie du temps consacré à l’analytique se trouve dans le processus de préparation des données, je m’attends à ce que l’IA générative soit utilisée pour simplifier considérablement les processus », déclare-t-il. « Mais il existe de nombreux domaines dans lesquels la GenAI peut améliorer la productivité, de la génération SQL à l’autodocumentation des analyses. J’encourage Tableau et les autres fournisseurs à exploiter toutes ces possibilités ».
De son côté, LeMagIT, note que l’intégration de Pulse dans les flux de travail des métiers passe essentiellement par des produits Salesforce. Si les services du géant du CRM sont largement déployés, les intégrations nécessaires, même lorsque Pulse est associé à des fonctions d’analytique embarquée, limitent encore sa portée dans un environnement de travail constitué d’une myriade de produits différents.