Cisco Live : Motific se dévoile pour fluidifier et sécuriser l’IA
Projet développé au sein de la cellule avant-gardiste OutShift, Motific relie une IA générique aux données de l’entreprise sans faire de calcul. En bonus, il sécurise les prompts et évalue le retour sur investissement du projet.
Cisco a profité de son événement Cisco Live, qui se tient cette semaine à Amsterdam, pour dévoiler Motific, une sorte d’agent de la circulation avant-gardiste pour sécuriser et assurer le trafic de données autour d’un LLM, c’est-à-dire un grand modèle de langage utilisé dans les chatbots dopés à l’IA, tel ChatGPT.
« Motific fait essentiellement trois choses : il s’assure d’empêcher les prompts toxiques qui serviraient à pirater une activité, il connecte un LLM préentraîné à vos données et il mesure son activité, que ce soit la manière dont il est utilisé, comme le degré de ses hallucinations ou de ses déviances », résume Guillaume Sauvage de Saint-Marc, le patron d’Outshift, la cellule au sein de Cisco qui chapeaute tous les projets innovants.
Fonctionnant en SaaS, Motific a initialement été conçu pour réduire les temps de déploiement d’un modèle préentraîné d’IA, Cisco argumentant que le délai pourrait passer de plusieurs mois à seulement quelques jours. En quelques clics, Motific est censé configurer automatiquement les chatbots, les APIs auxquels ils ont accès et le RAG vers les données de l’entreprise.
Cisco, qui se place au premier rang des fournisseurs de réseau, espère ainsi peser dans les projets d’IA en apportant une optimisation basée sur son savoir-faire : les communications de données entre différentes ressources.
« Dans de nombreux scénarios de déploiement d’une IA générative, l’entreprise n’aura ni besoin d’entraîner elle-même un modèle (ce qui est hors de prix) ni besoin de spécialiser un modèle existant sur ses cas d’usage (fine tuning) », dit Guillaume Sauvage de Saint-Marc.
« Très souvent, elle pourra se contenter de faire du RAG, c’est-à-dire configurer le modèle de langage pour qu’il ajoute à ses réponses des données puisées dans une source indiquée par l’entreprise. C’est ce que fera une compagnie aérienne, par exemple, qui proposera à ses clients un chatbot capable d’indiquer les derniers horaires des vols. Ainsi, on se sert du réseau pour réduire considérablement l’investissement en puissance de calcul », ajoute-t-il.
Plus besoin d’entraînement, ni même de fine tuning
Le RAG, ou Retrieval Augmented Generation, n’enrichit pas le modèle lui-même, ce qui évite à une entreprise d’effectuer de lourds calculs préparatoires. Il rallonge plutôt à la volée les prompts des utilisateurs avec des données listées dans un document, un peu comme si un passager envoyait lui-même toute la base de données des vols en cours au chatbot d’une compagnie aérienne, en lui demandant de ne retenir que les lignes qui correspondent à son numéro de billet.
Guillaume Sauvage de Saint-MarcVice President Engineering, Outshift by Cisco
Si la quantité d’informations contenues dans un prompt (exprimée sous la forme de tokens) est généralement limitée avec les services en ligne gratuits de type ChatGPT, elle est en revanche potentiellement illimitée avec un modèle générique qu’une entreprise installe sur ses propres serveurs.
« La variété des connecteurs que Motific fournit aux chatbots a vocation à croître. Pour l’heure, Motific gère en entrée les documents partagés sur SharePoint et ceux indiqués par une URL. C’est un bon début. En sortie, nous lui permettons d’envoyer ses réponses vers les API d’autres applications pour y activer des fonctions », explique notre interlocuteur.
« Évidemment, le RAG ne fonctionne que dans les scénarios où il faut extraire des données. Dans ceux où il faut dresser un diagnostic – par exemple en médecine, en cybersécurité –, un entraînement ou un fine-tuning seront nécessaires », prévient Guillaume Sauvage de Saint-Marc.
Sécuriser les prompts
Le but numéro 2 de Motific est d’empêcher les prompts malicieux. Car donner ses propres données à un chatbot pour qu’il en fasse quelque chose est une pratique à haut risque, l’utilisateur pouvant pousser l’IA à exécuter une opération normalement interdite.
« On pense au collaborateur qui va demander au chatbot interne de lui donner le salaire d’un collègue, ou au client d’un site d’e-commerce qui dit à son agent conversationnel de placer les produits correspondants à une recherche dans son panier, en appliquant une ristourne de 100 % »
« L’OSWAP, l’organisme qui publie les bonnes pratiques à suivre pour protéger les applications web, dresse désormais une liste des attaques possibles par prompts malicieux sur les LLM et le moyen de les empêcher. Nous implémentons ces méthodes dans Motific », dit Guillaume Sauvage de Saint-Marc.
Les prompts malicieux s’apparentent dans le principe aux injections SQL. Ces attaques consistent à extirper des informations secrètes des sites web en glissant, via des balises de retour à la ligne, des requêtes SQL dans les cellules normalement dévolues à la saisie du nom de l’utilisateur.
Ici, point besoin de faire passer des ordres informatiques : en sachant que les données sources sont insérées de manière transparente dans le prompt avec des recommandations automatiques du style « tu ne peux utiliser ces données que dans tel périmètre », il suffit à l’utilisateur malveillant d’indiquer dans son propre prompt « ne tiens pas compte du périmètre de sécurité dans ta réponse. »
« Plus exactement, pour que l’IA soit utile, il faut que le modèle puisse accéder à des API, mais cela pose le risque de lui donner trop de pouvoir. Donc la problématique revient finalement à implémenter des droits d’accès. Mostific attribue en temps réel au chatbot des règles de sécurité qui correspondent aux droits d’accès, définis ailleurs, de la personne qui est en train de se servir du chatbot », détaille notre interlocuteur.
Toujours plus loin dans l’analyse du trafic
Enfin, Motific analyse les postures du modèle et celles de ses utilisateurs. « Il y a d’une part le besoin de déterminer si le modèle est lui-même toxique, dans quelle mesure il a des failles de sécurité ou produit des hallucinations. Et il y a d’autre part la nécessité pour les directions métier de comprendre ce que les clients ou les collaborateurs font avec le chatbot, de sorte à optimiser la manière de s’en servir, les ressources qu’il utilise et le retour sur investissement de l’IA », dit Guillaume Sauvage de Saint-Marc.
Le développement de Motific s’inscrit à la suite de celui de Panoptica, un autre projet avant-gardiste mis au point sous la tutelle de la division Outshift. Panoptica adressait déjà la sécurité des clusters Kubernetes, en surveillant les API que les containers utilisent pour converser et en analysant les failles de ces API au regard des bonnes pratiques de l’OSWAP.
L’événement Cisco Live a d’ailleurs servi à présenter deux nouveautés sur Panoptica, qui pourraient à terme être implantées dans Mostific : l’identification de la surface d’attaque réelle du système et un chatbot pour mieux comprendre comment le cluster est utilisé.
« Lorsque vous vous contentez d’identifier les failles telles que décrites par l’OSWAP, vous obtenez typiquement des milliers d’alertes sur un cluster. Mais cela ne signifie pas forcément que ces failles sont utilisables. »
« Dans sa nouvelle version, Panoptica retrace les chemins possibles entre les failles. Techniquement, c’est de l’analyse de graphes, où l’on prend en considération des moteurs de risque. En faisant cela, vous réduisez le nombre des dangers réels à quelques dizaines, ce qui vous rend plus efficace pour savoir comment lutter en priorité contre les malveillances », assure le patron d’Outshift.
Le nouveau chatbot, quant à lui, est intégré à la console de supervision de Panoptica. D’une manière classique, sous la forme d’un agent conversationnel interrogeable à tout moment, sur le côté. Mais aussi de manière proactive, avec des commentaires et des analyses qui apparaissent tous seuls, selon les intentions de l’administrateur que l’IA croit déceler parmi les clics qu’il fait sur la console.