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Cloud & open source : la CNCF tend la main aux « utilisateurs finaux »
La Cloud Native Computing Foundation (CNCF) tente de mieux accompagner les équipes IT et de développement dans l’adoption des frameworks open source établis, tels que Kubernetes, Prometheus ou Argo. Il s’agit par ailleurs d’attirer davantage d’entreprises qui pourraient contribuer financièrement à la filiale de la Linux Foundation.
« En interne, nous répétons régulièrement que la CNCF repose sur trois piliers : le conseil d’administration, le comité de direction technique (Technical Oversight Committee ou TOC) et nos utilisateurs finaux », relate Taylor Dolezal, responsable de l’écosystème au sein de la CNCF depuis 2022.
« C’est vrai, mais nous n’avions pas d’organe pour donner aux gens de meilleurs moyens pour interagir et nous sommes désormais suffisamment importants en taille pour en nécessiter un ».
La CNCF réunit 173 projets open source supportés par plus de 220 000 contributeurs en 2023, contre 157 projets et 178 000 contributeurs en 2022.
Ce problème, la CNCF pense avoir trouvé un moyen de le résoudre en lançant à la fin de l’année dernière un comité technique consultatif (Technical Adversory Board ou TAB) consacré à ses utilisateurs finaux.
Mieux remonter les besoins de la communauté
Pour l’heure, il rassemble 13 personnes, en provenance d’Apple, de Shopify, de Fidelity Investments, de Boeing, de JPMorgan, d’Adobe inc., de Mercedes Benz Tech Innovation, de Blackrock, du CERN ou encore d’Allianz Direct.
« Le TAB est un point d’ancrage pour la communauté », assure Taylor Dolezal.
Les membres du « End Users TAB » n’ont pas été choisis au hasard. Il s’agit plus particulièrement de représentants des membres platine, or et argent de la CNCF, de personnes désignées par le TOC, d’invités des membres existants et de trois individus « élus par l’ensemble des utilisateurs finaux participants ».
Leurs objectifs et champs d’action ? « Aborder de manière proactive les sujets qui préoccupent les utilisateurs finaux, promouvoir l’adoption de la CNCF par le marché, organiser des réunions pour les utilisateurs finaux, conseiller le conseil d’administration de la CNCF et créer des groupes de travail dédiés à des sujets spécifiques ». Pour ce faire, ils pourront « développer des politiques et des procédures cohérentes » avec leur mission.
« Ici, il ne s’agit pas de diriger les projets techniques, mais de conseiller des approches en fonction des retours de la communauté en matière de simplicité d’utilisation, de fiabilité, de performance, de favoriser l’adoption de technologies comme Kubernetes, OpenTelemetry, Argo, etc. Et de fournir de meilleures informations aux utilisateurs finaux », précise Taylor Dolezal.
Cette initiative traduit un problème de représentativité au sein de la CNCF.
Outre les formations, l’organisation est portée financièrement par les contributions de ses membres, réparties en trois niveaux de contribution (silver, gold, platinum) et en deux catégories principales : fournisseurs et utilisateurs finaux. Or, certains projets sont parfois critiqués à cause de la trop forte influence des éditeurs membres.
Taylor DolezalHead of Ecosystem, CNCF
« C’est un écosystème dominé par les fournisseurs. Il y a plus de membres éditeurs et fournisseurs que de membres utilisateurs », reconnaît le responsable de l’écosystème au sein de la CNCF.
Autres enjeux, le foisonnement des projets open source.
« Il y a tellement de projets que certains membres utilisateurs finaux comme Mercedes-Benz, Intuit ou le CERN ont demandé de l’aide », ajoute-t-il.
Pour la CNCF, il s’agit de faciliter l’interconnexion entre ses membres et la communauté au sens large, l’accès à la documentation, à son équipe de recherche, aux formations, aux programmes de certifications et aux conférences.
Les retours des entreprises et des développeurs ont déjà de l’influence sur les feuilles de route des projets. Taylor Dolezal était auparavant un membre du groupe spécial d’intérêt SIG Docs, chargé de la rédaction et du maintien de la documentation de Kubernetes. Il a vu le cycle de mise à jour ralentir au fur et à mesure que les grands groupes ont adopté l’orchestrateur.
Des architectures de référence pour faciliter l’adoption des projets les plus matures
Pour autant, les utilisateurs finaux n’ont pas forcément les clés pour optimiser au mieux les architectures suivant leurs besoins ou leurs activités. En vue de simplifier l’adoption des projets les plus matures, le comité consultatif des utilisateurs finaux prévoit de proposer des architectures de référence.
« C’est sans doute sa mission la plus importante », considère Taylor Dolezal. « Il s’agit de répondre à des questions du type : “quelle stack fonctionne le mieux lorsque vous adoptez Kubernetes ? Quels sont les composants principaux à intégrer ?” ».
Taylor DolezalHead of Ecosystem, CNCF
« Kubernetes est devenu le système d’exploitation du cloud. Les utilisateurs espèrent obtenir un certain niveau de composabilité en fonction de leur secteur d’activité : la finance, le manufacturing, etc. », poursuit-il. « Une architecture peut être adaptée à un secteur, mais ne pas du tout convenir à un autre ».
L’idée est donc de rassembler des piles technologiques adaptées à différents secteurs d’activité que les équipes IT pourront « copier, coller et modifier ».
« Nous essayons de trouver d’autres moyens d’aider les utilisateurs finaux afin qu’ils puissent se concentrer davantage sur leur travail quotidien et un peu moins sur les méandres du “cloud native” », avance Taylor Dolezal.
Cet objectif concerne les projets les plus matures, c’est-à-dire les 25 frameworks « gradués » (graduated) sur les 173 hébergés au sein de la CNCF. Pour autant, l’attention des membres de l’organisation est tournée vers une combinaison de solutions open source plus ou moins éprouvées.
Taylor DolezalHead of Ecosystem, CNCF
Selon le rapport annuel 2023 de la CNCF, les membres utilisateurs finaux ont majoritairement contribué à Backstage (4 188 contributions), le framework pour concevoir des portails développeur imaginé par Spotify et repris, entre autres, par VMware dans sa gamme Tanzu ou encore par Red Hat dans OpenShift. Prometheus, le framework de monitoring/base de données time series (601 contributions), l’outil GitOps – CI/CD Argo (548 contributions) sont également très soutenus par les utilisateurs finaux, qui s’intéressent par ailleurs à Buildpack.io, Tremor, OpenTelemetry, le proxy Envoy et l’outil de feature flagging Openfeature.
« Lorsque les projets sont en bac à sable et en incubation, il y a beaucoup plus de questions techniques. À l’état “graduated”, il y a davantage d’audits de sécurité, des retours d’expériences et des partages de trucs et astuces pour la configuration et l’adoption », résume Taylor Dolezal. « À chaque niveau de maturité d’un projet, la conversation est très différente ».
Comme le reflètent les contributions, les entreprises et les éditeurs se concentrent majoritairement sur l’ingénierie de plateforme, selon le responsable de l’écosystème.
« Beaucoup de gens parlent d’IA, mais il y a encore beaucoup de délibérations sur les architectures types. Je suis plutôt soulagé que les sujets autour des LLMs (Large Language Models) n’aient pas monopolisé les contributions. Nos membres utilisateurs finaux, eux, se concentrent sur leurs projets, par exemple Backstage qui est porté par Spotify », remarque Taylor Dolezal.
La CNCF perd des membres payants, une première
Ces facilitateurs s’adressent à l’ensemble de la communauté. Se rendre plus utile pour la CNCF, c’est aussi se maintenir à flot. De fait, la naissance du TAB s’inscrit dans un contexte particulier. Le nombre de membres utilisateurs finaux et de fournisseurs a baissé de 850 en 2022, à 827 en 2023, alors même que le nombre de projets et de contributions ne cesse d’augmenter. Une première depuis sa création.
La filiale de la Linux Foundation explique cette baisse de soutien par des dynamiques de fusion et acquisition, ainsi que par la crise économique. Pour autant, le taux de contribution des membres au financement de l’ONG n’a pas changé entre 2022 et 2023 : il représente 26,9 % des fonds obtenus par la CNCF deux années de suite. L’événementiel (engagement des sponsors, 41 %, et inscriptions, 24,6 % en 2023) demeure la première source de financement de l’organisation. En revanche, les entreprises ont légèrement réduit leur dépense dans les formations prescrites par la CNCF (de 7,1 % en 2022 à 6,5 % des fonds en 2023). L’année 2023 fut difficile, même pour l’open source.