« Customer Facing Analytics » : la nouvelle raison d’être de Toucan Toco
L’éditeur français laisse de côté la BI généraliste pour mieux se concentrer sur la BI embarquée en marque blanche. Une orientation incarnée par la version 3.0 de sa plateforme.
Charles Miglietti, cofondateur et CEO de Toucan Toco, ne le cache pas. Comme bon nombre d’éditeurs, Toucan Toco a vécu une année 2023 difficile. Difficile, mais les deux derniers trimestres lui ont permis de sortir du rouge et d’être enfin rentable. Une première. Si la reprise économique y est probablement pour quelque chose, le CEO perçoit également les bénéfices d’un changement de cap opéré à la fin de l’année 2022.
Il faut dire que les horizons de la BI sont particulièrement bouchés. Deux géants, Salesforce avec Tableau, et Microsoft avec Power BI, dominent allégrement le marché. Dans ce sillon, Qlik n’est jamais très loin.
Toucan Toco officialise son changement de cap
Pour exister, Toucan Toco misait sur la simplicité d’usage, sur « la BI des derniers kilomètres », celle dans les mains des opérationnels. Si les racines de l’éditeur ancré dans le data storytelling lui imposent cette simplicité, il resserre encore son offre pour miser sur le concept de Customer Facing Analytics.
Charles MigliettiCofondateur et CEO, Toucan Toco
Les plus attentifs se demanderont en quoi cette stratégie est différente de celle menée depuis trois ans par l’éditeur. « Le Customer Facing Analytics concerne tous les cas d’usage où la plateforme Toucan Toco est utilisée par les clients de nos clients », résume Charles Miglietti. « Notre solution doit servir à créer une nouvelle offre, à enrichir un module existant, et permettre à nos clients d’apporter une valeur ajoutée à leurs clients à travers le data storytelling ».
Au cours de ces deux dernières années, l’éditeur s’est rendu compte qu’il bénéficiait d’une « meilleure rétention, un plus grand succès comparativement aux cas d’usage de BI en interne qui pouvaient être trop loin de la valeur perçue ou trop en concurrence avec d’autres solutions du marché », explique le CEO. « Dans le Customer Facing Analytics, nous avons un boulevard qui s’ouvre à nous ».
Toucan Toco cible surtout les éditeurs de logiciels qui souhaitent intégrer la plateforme en marque blanche dans leurs produits et les entreprises qui veulent embarquer des tableaux de bord dans des portails à destination de leurs clients professionnels. Pour rappel, il avait créé une offre dédiée pour ces acteurs en 2021, après avoir étendu les capacités analytiques de sa plateforme dans une V2.
Une V3 sous le signe de la simplification et de la centralisation
Dans sa V3, l’éditeur conforte ce positionnement en renforçant les composants aux mains des développeurs et des « builders ». « Historiquement, nous nous sommes concentrés sur les utilisateurs finaux, nous souhaitons une expérience simplifiée pour ceux qui orchestrent la solution », avance Charles Miglietti. « Nos clients se posent la question du “make or buy”. Il fallait que l’on montre que faire avec Toucan, c’est dix fois plus rapide, trois fois plus puissant, trois fois plus facile », vante-t-il.
Cette version 3.0 vient surtout améliorer des fonctions introduites précédemment, à commencer par YouPrep, un outil no-code de préparation de données. Toucan met en avant sa fonction « Native SQL » qui permet d’exécuter les opérations rédigées dans une logique sans code directement sur RedShift, Athena, Snowflake, BigQuery, PostgreSQL et MySQL.
Pour rappel, l’éditeur exploite (de longue date) MongoDB, une base de données orientée documents (NoSQL). Il fallait auparavant copier les données sur l’instance Mongo avant de pouvoir les modifier. Désormais, il y a des jeux de données stockés sur MongoDB, précalculés, qui peuvent servir quand l’entreprise ne souhaite pas forcément recourir à son propre data warehouse et des data sets « live ». Ces ensembles sont, eux, stockés sur l’entrepôt de données de l’organisation, ce qui doit permettre d’éviter les réplications de données et d’en conserver la fraîcheur. En revanche, il ne s’agit pas de visualiser des informations en temps réel. « Nos clients affichent généralement des données actualisées entre un jour et un mois », résume le CEO.
Une fois les données préparées, Toucan Toco indique que les ensembles peuvent être réunis en un seul endroit, le DataHub. Plus précisément, l’éditeur a centralisé la gestion de sa cinquantaine de sources et de fichiers compatibles, ainsi que des jeux de données dans une seule interface. Le DataHub permet non seulement de consulter les ensembles, mais également leurs dépendances. Il est possible de libeller les data sets et d’implanter des règles de validation, afin de vérifier la présence de Null, de doublons, de type de valeur, etc. Le tout doit permettre de « réduire le coût de maintenance et d’installation », affirme Charles Miglietti.
Outre l’agrégation des interfaces du catalogue de données et du hub de connecteurs AnyConnect, l’éditeur a « largement remanié les présentations de [sa] page d’accueil, de [ses] “stories” et de [son] tableau de bord afin d’offrir une expérience unifiée de filtrage des données » depuis l’interface utilisateur. La création, la gestion et les performances des filtres ont été revues pour l’occasion. Auparavant, cela pouvait nécessiter de bâtir des rapports personnalisés. « Cela permet d’avoir une meilleure couverture des cas d’usage exploratoires ou en libre-service », relate le dirigeant.
Le choix de la convergence plutôt que l’innovation pour l’innovation
À l’avenir, l’éditeur souhaite optimiser ce qu’il nomme la gestion des variables. « L’idée, c’est de simplifier la création des interfaces personnalisées en fonction des clients finaux, voire des utilisateurs », anticipe le CEO de Toucan Toco. « Ces logiques existaient, mais elles réclamaient de gérer du code. Nous basculons tout en no-code avec des workflows de conception et de maintenance consacrés à la gestion de ces variables ».
Charles MigliettiCofondateur et CEO, Toucan Toco
Dans la même veine, il devrait être plus simple de modifier les couleurs, les polices, de personnaliser les interfaces. Enfin, Toucan Toco a pour projet de faire « converger l’expérience end-user et l’expérience des builders » dans une approche libre-service.
Ici, point d’analytique avancée ou prédictive. « Pour être précis, fiable et avoir une certaine confiance de l’utilisateur final sur ces aspects de prédiction, il faut être solide techniquement. Ce n’est pas encore donné à tout le monde. Les cas d’usage sont rares, sinon inexistants », constate Charles Miglietti.
De même, l’éditeur laisse de côté pour le moment l’IA générative. « Ça nous intéresse clairement, j’y vois un véritable potentiel pour la création de visuels et de requêtes, mais nous n’avons pas le temps, les ressources et les compétences pour y investir », répond le CEO, sans fard.
Reste à savoir maintenant si cette stratégie technico-commerciale aura un impact sur les clients existants. Pour rappel, l’éditeur est passé de 140 clients en 2021, à plus de 170 en ce début d’année 2024. Selon notre interlocuteur, Toucan Toco ne les abandonne pas. « Les clients existants qui restent le font parce qu’ils aiment les valeurs de Toucan en matière d’UX, de mobilité, la simplicité d’usage », assure-t-il. En revanche, l’éditeur « arrête l’acquisition » de nouveaux clients sur le segment de la BI interne, à une exception près : le marché public, notamment français.
Sa plateforme peut servir à motoriser des portails dédiés aux administrations ou aux citoyens, rappelle le PDG. « C’est cohérent avec notre stratégie Customer Facing Analytics. En outre, les acteurs publics peuvent chercher un acteur français, même pour des usages BI plus traditionnels ».