Bilan 2023 : en stockage, peu d’innovations matérielles
Alors que le développement de fonctions logicielles et d’offres commerciales s’est accéléré en 2023, l’innovation en matière de matériel de stockage de données a plutôt stagné.
On retiendra de l’année 2023 que les grands fabricants d’équipements de stockage ont lancé des versions commercialement plus optimales de leurs baies de disques. Mais sans véritablement innover dans la partie matérielle, font remarquer les analystes.
« Lorsque l’on fait le bilan des produits de stockage mis sur le marché cette année, on s’aperçoit finalement que l’essentiel des efforts a porté sur une simplification des offres matérielles et une attractivité commerciale. Tous ces fournisseurs ont compris que la pandémie de Covid-19 a durablement modifié les cycles de renouvellement des baies de disques et qu’il n’y avait pas d’urgence à investir dans des innovations matérielles », estime Brent Ellis, analyste chez Forrester Research.
« Il faut aussi estimer que les sociétés de financement ont moins investi dans les startups du stockage de données depuis la pandémie, alors que les startups sont historiquement un vivier d’innovation pour les fabricants de baies de disques », observe Marc Staimer du cabinet de conseil Dragon Slayer Consulting.
NetApp et Pure Storage se sont battus sur les versions économiques
On se souvient ainsi que NetApp et Pure Storage, grâce aux prix particulièrement attractifs des mémoires NAND QLC, ont mis sur le marché des baies de SSD qui, à capacité égale, coûtent à peine plus cher que des baies à base de disques durs.
En février, reprenant une formule technique et une appellation marketing inventées par Pure Storage sur ses baies SAN FlashArray//C, NetApp met sur le marché des baies AFF séries C (C250, C400 et C800) qui supportent 48, 96 ou 144 SSDs QLC de 15 To chacun. Les baies AFF sont hybrides : même s’il est possible de s’en servir en mode bloc (SAN), les entreprises les achètent majoritairement comme des NAS (mode fichiers). Ces AFF Série C sont vendues pour les applications non critiques – sauvegarde, diffusion de contenus – qui se contentent amplement des défauts des SSD QLC (usure accélérée et latence plus importante sur les écritures intensives).
En mars, Pure Storage réplique en déclinant le même concept cette fois-ci sur des baies NAS, les FlashBlade//E, qui font tomber le prix du Go à 20 centimes. Pure Storage fabriquant ses propres SSD, appelés DFM, leur format plus dense (jusqu’à 48 To par unité) permet de mettre plus de capacité par étagère rack que NetApp, leader des NAS.
Mais en juin, Pure Storage persiste à dire que les SSD QLC sont tout aussi valables pour les usages en mode bloc (par exemple pour les clusters VMware). Il lance ainsi une nouvelle famille de baies SAN FlashArray//E, qui reprend les caractéristiques économiques de ses nouveaux NAS.
En juillet, puis en octobre, NetApp répond à Pure Storage en s’attaquant à son marché, avec une nouvelle gamme de baies, cette fois-ci uniquement SAN, les ASA. Et il les décline elles aussi en ASA Série-C, avec un prix de 50 centimes/Go.
Les deux rivaux ont vu arriver en fin d’année un troisième acteur bien décidé à jouer le même jeu qu’eux : Huawei. Le fabricant chinois lançait en septembre la baie SAN OceanStor Pacific 9920 puis, en novembre, la baie NAS OceanStor Dorado 2100. Ces deux produits déclinent des configurations très haut de gamme dans un format modulaire – on peut n’installer qu’un module de 2U pour commencer – qui permettent aux PME de s’équiper au meilleur prix.
Dell, HPE, Hitachi et IBM ont misé sur les logiciels embarqués
Pendant ce temps, Dell, le numéro 1 des fournisseurs d’équipements pour datacenters, n’a lancé aucune nouvelle baie. Mais il a insisté sur le gain de performances et de fonctionnalités que leur apportent de simples mises à jour logicielles.
Même son de cloche du côté de Hitachi Vantara et HPE, lesquels reviennent à des baies de stockage beaucoup plus simples, sans les puces ASIC qui leur donnaient autrefois une réputation de haute performance, mais où tout l’intérêt ne réside plus que dans les logiciels embarqués.
Pour Hitachi Vantara, il s’agit de tout miser à présent sur le système VSP One, un SDS qui transforme des nœuds serveur pourvus de disques en baie de stockage avec un mode bloc, fichiers, ou objet.
Dave PearsonAnalyste, IDC
Chez HPE, la nouvelle baie Alletra MP est un cluster de serveurs, qui, grâce à une conception modulaire au niveau du système, peut être vendue comme une baie SAN maison, comme une baie objet embarquant les systèmes de Scality ou de Cohesity, ou encore comme un NAS distribué avec le système de Vast Data.
IBM avait lui aussi annoncé qu’il rationaliserait entièrement son offre de stockage autour d’équipements serveur de série différenciés dans leurs fonctions uniquement au niveau du système, incarné par un SDS capable d’embarquer des solutions NAS ou objet tierces.
Cela a commencé en mars avec une refonte de tous les produits de stockage sous la seule marque commerciale IBM Storage, à l’occasion du lancement des appliances de sauvegarde IBM Storage Defender livrées avec le logiciel de Cohesity. En fin d’année, IBM commercialisait un NAS haut de gamme IBM Storage Scale 6000, mieux pourvu en connectique et qui exécute en container le système de fichiers parallélisé GPFS.
« À l’évidence, il existe encore une marge de progression en termes d’efficacité et de consolidation dans le data center avec les matériels existants. Si l’innovation sur le matériel stagne, c’est tout simplement parce que tous les fournisseurs se rendent compte qu’ils peuvent faire encore beaucoup plus avec les baies qu’ils ont déjà mises sur le marché », dit Dave Pearson, analyste chez IDC.