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Broadcom évoque les directions qu’il donnera à VMware
Le PDG de Broadcom se veut rassurant en annonçant de nouveaux investissements dans VMware. Mais l’éditeur est morcelé en quatre filiales, des produits ne sont plus cités et les licenciements commencent à pleuvoir.
Le fabricant de puces Broadcom a finalisé la semaine dernière l’acquisition de VMware, l’éditeur no 1 des solutions de virtualisation. Véritable feuilleton qui dure depuis un an et demi, au gré des validations étatiques qui ont servi à écarter tout risque de position commerciale dominante, ce rachat était évalué dès le départ à 61 milliards de dollars.
Reste à présent à savoir comment Broadcom influencera la stratégie de VMware. La question se pose d’autant plus que les analystes s’accordent à juger sévèrement ses précédentes acquisitions (CA, Symantec). Selon eux, Broadcom augmente à chaque fois les prix, n’investit plus dans le développement et détériore le service support pour ne conserver que les plus gros clients.
« Broadcom a une longue tradition d’investissement dans les entreprises qu’il acquiert afin de stimuler une croissance durable. Et cela se poursuivra avec VMware pour le bénéfice des parties prenantes que nous servons », a souhaité démentir Hock Tan, le PDG de Broadcom, en promettant un investissement de 2 milliards de dollars par an dans VMware.
La moitié de cette somme serait consacrée à la recherche et au développement et l’autre moitié à « l’accélération du déploiement des solutions VMware par le biais des services professionnels de VMware et de ses partenaires », dit le PDG de Broadcom.
Pour l’heure, VMware est réorganisé en quatre filiales, respectivement dédiées aux solutions pour hébergeurs, à l’offre Tanzu, au Edge et aux outils de sécurité et de réseau. Raghu Raghuram, qui occupait le poste de PDG de VMware depuis le départ de Pat Gelsinger, est débarqué. De nombreux salariés de VMware – le nombre exact n’a pas été dévoilé – ont reçu cette nuit un avis de licenciement.
Quel avenir pour les solutions de VMware ?
Pour Hock Tan, l’objectif est désormais de concentrer l’activité de VMware sur la création et la modernisation d’environnements de clouds privés et hybrides.
Plus particulièrement, Broadcom annonce qu’il investira plus que tout dans Cloud Foundation, lequel est désormais confié à une filiale dédiée et éponyme. Cloud Foundation est la version de la plateforme de virtualisation vSphere destinée aux prestataires qui veulent assembler un cluster de serveurs dans le but de le revendre à la carte sous forme de cloud. On ignore si cela suppose d’améliorer aussi le vSphere ordinaire qu’utilisent les entreprises.
Également, Broadcom valide la poursuite de la commercialisation de Tanzu, lui aussi confié à une nouvelle filiale. Cette famille de produits est désormais officiellement une plateforme pour accompagner les DevOps dans leur usage d’OpenShift de Red Hat, et plus vraiment un concurrent d’OpenShift. Du fait de son haut niveau de fonctionnalité, Tanzu est aussi une clé pour permettre à de nouveaux entrants sur le marché de l’hébergement cloud de proposer des services managés avec une marge confortable.
Broadcom se dit par ailleurs très enthousiaste concernant les versions pré-packagées de vSphere qui sont vendues sous forme d’appliances dédiées. Pour autant, il n’est pas très clair si la nouvelle filiale dédiée aux solutions Edge computing compte maintenir toutes les déclinaisons ou certaines plus que d’autres. On dénombre les infrastructures hyperconvergées avec vSAN pour les succursales, ECS pour piloter les machines-outils et les équipements urbains, ou encore Telco Cloud Automation pour exécuter sur le terrain toutes les fonctions nécessaires aux opérateurs télécoms.
Shamus McGillicuddyAnalyste, Enterprise Management Associates
Et puis, surtout, aucun mot n’a été donné à propos des solutions de gestion des postes de travail virtuels, principalement VMware Horizon, qui fonctionne idéalement au-dessus des infrastructures hyperconvergées.
« À l’évidence, il y aurait une synergie sur le terrain entre les versions embarquées de la plateforme de VMware et les composants électroniques que fabrique Broadcom pour les systèmes embarqués. On pense à des systèmes informatiques pour collecter et analyser les données recueillies à partir d’appareils fonctionnant dans les magasins, les hôpitaux et les usines », estime Shamus McGillicuddy, analyste chez Enterprise Management Associates.
Selon lui, Broadcom pourrait d’ailleurs intégrer directement à son catalogue de solutions électroniques les outils de VMware qui servent à la sécurité et à la surveillance des réseaux. Et ce serait d’ailleurs le but principal de la quatrième filiale, Application Networking and Security, créée par Broadcom.
Paul NashawatyAnalyste, cabinet d’études ESG
« Après, il n’est pas certain que VMware, sous l’égide de Broadcom, innovera autant qu’il le faisait lorsqu’il était indépendant. À présent, sa stratégie de produits pourrait s’aligner sur celle de Broadcom. C’est un point qui reste à déterminer », pondère-t-il, en suggérant que les infrastructures hyperconvergées pour les bureaux distants, par exemple, ne correspondent à rien dans le catalogue de Broadcom.
Paul Nashawaty, analyste au cabinet d’études ESG, est d’accord avec cet avis, mais y voit une opportunité pour les entreprises. La finalisation de l’acquisition devrait selon lui signifier que VMware va enfin pouvoir fournir aux entreprises une feuille de route plus précise concernant ses produits. « Cela devrait dissiper toute confusion concernant ce qui arrive réellement sur le marché et les orientations qui seront prises ensuite », estime-t-il.
Il évoque notamment les effets d’annonce de VMware depuis 2021 à propos de produits qui n’en sont qu’au stade expérimental. Une stratégie de communication qui visait à démontrer que VMware n’avait rien perdu de sa vivacité après que sa maison mère Dell s’est séparée de lui. Parmi ces effets d’annonce, il y a notamment la promesse de mieux supporter l’IA.
Et quel avenir pour le marché sur lequel VMware évolue ?
Une interrogation commune à tous les analystes concerne le devenir du marché même sur lequel opère VMware. Pour certains d’entre eux, Dell se serait séparé de VMware et VMware aurait recherché un repreneur, car les entreprises virtualiseraient moins leurs applications dans le datacenter au profit d’applications SaaS prêtes à l’emploi chez les hyperscalers.
Pire, le format des applications aurait lui aussi tendance à glisser de la machine virtuelle au container, bien plus adapté à une migration rapide entre datacenters et clouds, au gré des tarifs et des avantages que chaque fournisseur propose.
Selon VMware, mais aussi selon son concurrent Nutanix, et même selon Canonical qui relance une plateforme de virtualisation, les entreprises auraient finalement découvert qu’il n’est pas pertinent de n’utiliser que des containers. La principale raison évoquée est que la majorité des applications fonctionne encore en machines virtuelles et qu’il coûterait bien trop cher de les convertir en containers.
Ainsi, Kubernetes, la plateforme Open source d’orchestration des containers qui fait office de standard, et même OpenShift, son implémentation commerciale par Red Hat, seraient désormais majoritairement déployés au-dessus d’une plateforme de virtualisation.
Concernant le cloud, les fournisseurs d’infrastructures semblent avoir trouvé deux parades pour exister malgré les offres des hyperscalers.
En misant sur la nécessité de traiter certaines données dans un espace hermétique aux indisponibilités et aux réglementations du cloud public, ils proposent d’une part le concept de cloud hybride : à savoir, le fait de continuer à exécuter des fonctions dans un datacenter local, mais avec la promesse de fournir des outils qui interagissent avec le cloud public, pour répartir les charges selon le meilleur schéma économique. Cette stratégie est améliorée avec l’installation des solutions des fournisseurs d’infrastructure – la pile vSphere de VMware, les baies de stockage virtuelles de NetApp – directement chez les fournisseurs de cloud. Au prétexte d’une meilleure continuité technologique entre le datacenter et le cloud, cela permet surtout à ces fournisseurs de continuer à vendre des licences de leurs produits.
D’autre part – et le cas se présente surtout en Europe où la souveraineté informatique pose question – VMware, Nutanix, Red Hat et Canonical incitent leurs revendeurs à se servir de leurs plateformes de virtualisation pour bâtir leurs propres clouds locaux. Cette démarche, qui devrait permettre de vendre à moins de clients beaucoup plus de licences, est celle qui semble le plus intéresser Broadcom.