Nutanix se dit « prêt pour la prochaine transformation des entreprises »
Alors que le rachat de son concurrent VMware est entériné, le PDG de Nutanix explique au MagIT qu’il est désormais le mieux placé pour équiper les entreprises européennes en IA et en cloud hybride.
La semaine dernière, Nutanix tenait salon à Paris. Pour ce champion de la virtualisation, l’objectif consistait à annoncer à quelque 1 500 partenaires et clients présents une extension de son catalogue de produits vers les bases de données.
Dévoilé en mai dernier à Chicago, son projet Beacon doit permettre aux applications en machine virtuelle et en containers d’utiliser n’importe quel entrepôt de données, sur site ou en cloud. Plus qu’une mise à jour du logiciel ERA (entretemps rebaptisé Nutanix Database Service, ou NDB) qui remplissait déjà ce rôle, il s’agit cette fois-ci d’apporter des fonctions de haut niveau comme la diffusion programmable des contenus, la mise en cache automatique selon la géographie des utilisateurs et, bien entendu, des services d’indexation capables de traiter aussi bien des textes que des médias.
Surtout, Beacon – dont aucune date n’est encore annoncée – pourra fonctionner indépendamment d’une infrastructure Nutanix HCI, depuis un cloud, et sera conçu pour fonctionner avec les mêmes rouages que ceux utilisés aujourd’hui par les DevOps dans le monde Kubernetes.
En parlant de Kubernetes, l’éditeur promet également la commercialisation prochaine de NDK, alias Nutanix Data services for Kubernetes. Plus que l’actuel pilote CSI qui permet à Kubernetes d’utiliser le stockage d’un cluster Nutanix HCI, NDK doit servir à stocker des copies de secours en cloud, sur des services S3 peu chers à des fins de migration comme de reprise d’activité.
Mais, globalement, la présence à Paris de Nutanix – et de son PDG – avait surtout pour but de démontrer que l’éditeur américain n’hésite pas à relever les manches pour parler directement avec ses clients. Un effort qui serait d’autant plus important dans un contexte où le numéro 1 du marché de la virtualisation – son concurrent VMware – peinerait à rassurer une clientèle inquiète de son rachat par Broadcom. Rachat qui a été définitivement entériné la semaine dernière.
Pour cerner un peu mieux la position de Nutanix, LeMagIT est allé à la rencontre de son PDG Rajiv Ramaswami. Interview.
LeMagIT : Quelle est la situation aujourd’hui pour Nutanix ?
Rajiv Ramaswami : Il y a quatre points de contexte. Le premier est que les entreprises fonctionnent véritablement en multicloud. Nous n’entendons jamais qu’elles veulent être uniquement en cloud privé, ou uniquement en cloud public. Le second est que le rachat de notre concurrent VMware par Broadcom sert notre publicité. Le troisième est que nous avons de nouveaux partenariats très forts, notamment celui avec Cisco, qui nous donnent un avantage concurrentiel considérable sur le marché. Le quatrième point est que Nutanix est dans une situation financière très favorable. Nous augmentons annuellement notre CA de 20 %.
LeMagIT : Pourriez-vous être un peu plus précis sur les avantages que vous tirez du rachat actuel de VMware par Broadcom ?
Rajiv Ramaswami : Le rachat de VMware par Broadcom a pour conséquence que des entreprises qui ne sont pas nos clientes demandent à étudier notre offre, car elles s’inquiètent de ce qui va se passer. Après, ces entreprises ne vont pas migrer chez nous du jour au lendemain.
Bien entendu, nous fournissons des outils qui simplifient la migration de VMware vers notre plateforme. Je pense d’ailleurs que 65 % des applications qui sont aujourd’hui exécutées sur notre plateforme ont été migrées depuis des infrastructures VMware grâce à nos outils. Il y a deux ans, elles ne représentaient que 50 %.
Mais les entreprises qui nous sollicitent aujourd’hui exécutent des applications critiques qui sont plus compliquées à migrer, pour des raisons qui vont au-delà de la technique. Nous voyons ainsi des entreprises qui signent une dernière fois avec VMware avant le rachat de Broadcom, pendant que les prix n’ont pas encore explosé, pour se donner encore un peu de temps afin de préparer au mieux ces migrations.
LeMagIT : Ne craignez-vous pas que l’abandon des solutions VMware par les entreprises, s’il se confirme, favorise plutôt des solutions 100 % Kubernetes, comme OpenShift de Red Hat ?
Rajiv Ramaswami : OpenShift n’est pas un concurrent. Nous sommes partenaires d’OpenShift. Nous le faisons fonctionner au-dessus de nos machines virtuelles, mais aussi en conjonction avec notre propre moteur Kubernetes. Nous adressons ensemble les entreprises pour qu’elles déploient OpenShift sur Nutanix.
Mais nous constatons aussi que, dans cette offre, les entreprises seraient obligées de transformer leurs applications pour qu’elles s’exécutent en mode container. Il y a donc dans la volonté de migrer depuis VMware, celle de rester sur une architecture de virtualisation. Et notre architecture va leur permettre d’effectuer une migration en douceur de leurs applications vers le cloud.
Rajiv RamaswamiPDG, Nutanix
LeMagIT : Quel poids l’Europe représente-t-elle dans votre activité ?
Rajiv Ramaswami : Pour nous l’Europe est un marché très important. Si important, d’ailleurs, que nous n’allons pas organiser notre prochain événement annuel aux USA, comme à notre habitude, mais ici, en Europe, à Barcelone. Nos résultats en Europe sont très bons, l’équipe locale a fait un travail remarquable ces trois ou quatre dernières années. Très clairement, nous sommes heureux d’investir dans cette région, pour croître plus encore. C’est ici que nous formons nos équipes de ventes les plus spécialisées. Nous avons la chance de trouver en Europe les meilleurs talents du marché.
Nous nous sommes beaucoup investis auprès des hébergeurs locaux de cloud. Nous travaillons notamment avec OVHcloud, mais aussi avec nombre d’autres fournisseurs de services locaux. C’est un segment qui s’accélère. D’une part, parce que ces fournisseurs répondent mieux aux attentes de PME pour lesquelles il est trop compliqué de transformer leur SI pour les hyperscalers ; d’autre part, parce que nos solutions permettent de constituer des clouds souverains. Et cela inclut des partenariats avec Azure et AWS qui s’efforcent de proposer eux-mêmes des alternatives plus souveraines à leur cloud public.
En Europe, le secteur public constitue certainement notre clientèle la plus importante. Et nous travaillons avec beaucoup d’administrations dans tous les pays européens pour répondre à des enjeux de souveraineté. Mais vous savez, les entreprises du secteur privé sont de plus en plus nombreuses à adopter un modèle similaire. Le cloud privé, ou le cloud public local, est de fait le moteur de notre activité.
LeMagit : Justement, comment votre offre va-t-elle évoluer au regard du cloud ?
Rajiv Ramaswami : Je m’attends à ce que nous élargissions considérablement la présence de nos solutions dans le cloud d’ici à deux ans. Notamment en multipliant les partenariats avec des hébergeurs.
Parmi ces solutions que nous voulons mettre en cloud, il y a le projet Beacon, ou cette faculté de gérer les services de bases de données, qu’ils soient en ligne ou sur vos serveurs, depuis une seule interface. Notre idée est de gérer de plus en plus de services de bases de données en ligne. Et nous allons y parvenir très rapidement. Nous avons embauché les spécialistes de ces technologies il y a quelques années – nous avons notamment recruté des gens chez AWS pour le faire. L’équipe est sur des rails désormais, la technologie est mature, il n’y a plus qu’à étendre sa couverture.
Rajiv RamaswamiPDG, Nutanix
Une autre évolution consiste à gérer les services d’infrastructures des hyperscalers depuis nos interfaces. Nous avons aussi une équipe qui y travaille. Notre portefeuille de produits est aujourd’hui très solide sur toutes les couches d’infrastructure. Il nous reste à intégrer dans nos outils d’administration l’infrastructure d’autres clouds.
Un gros morceau de cette stratégie, que nous allons commercialiser sous peu, est la fonction de snapshots qui prend en compte leurs services Kubernetes. Cela va permettre aux entreprises de migrer plus simplement d’un cloud à l’autre. Cela va nous permettre de proposer des solutions complètes de reprise d’activité avec des containers, comme nous le faisons déjà avec les machines virtuelles.
Mais il faut comprendre que les bases de données et la gestion de l’infrastructure ce sont deux domaines différents. Nous vendons les produits d’infrastructures aux gens de l’infrastructure et la gestion des bases de données en ligne aux gens responsables des bases de données. Au final, ce sont deux lignes de produits. La gestion des bases de données est donc une extension importante de notre activité historique, alors que la gestion de Kubernetes s’inscrit dans sa continuité.
LeMagIT : Qu’en est-il de vos travaux sur des versions miniatures de votre plateforme, qui pourraient s’exécuter sur des machines d’appoint pour l’IoT ?
Rajiv Ramaswami : Techniquement, nous savons déjà orchestrer les applications sur un seul nœud au lieu de trois. Nous travaillons toujours à réduire l’empreinte de notre solution pour, par exemple, fonctionner sur seulement un serveur, avec un seul socket. Nous constatons que certaines des nouvelles applications sont produites au format container pour de tels cas d’usage.
À l’avenir, peut-être que nous pourrions adapter notre solution à des processeurs ARM. Cela dit, nous n’avons pas encore constaté de besoin impérieux de le faire. Il n’y a pas de demande significative. Avec nos versions optimisées pour les processeurs d’Intel et ceux d’AMD, nous couvrons toutes les demandes dont nous avons connaissance.
LeMagIT : Vous avez récemment lancé un bundle « GPT-in-a-Box ». Que pouvez-vous nous dire de votre offre concernant l’IA ?
Rajiv Ramaswami : Elle existe. Mais nous n’en sommes qu’au début. Il est clair que l’IA suscite énormément d’intérêt, ici comme partout ailleurs dans le monde. Le problème est que les infrastructures nécessaires à l’entraînement des modèles peuvent vite devenir très coûteuses. Il faut d’énormes clusters de calcul et leurs prix baissent d’autant moins que les constructeurs connaissent aujourd’hui une pénurie de GPUs.
Par conséquent, les entreprises évaluent consciencieusement les dépenses qu’elles devraient faire au regard des gains qu’elles pourraient en tirer. Quel niveau d’automatisation cela peut-il leur apporter ? Quelles économies cela va-t-il permettre de réaliser ? Elles sont encore dans une phase d’expérimentation. Nous ne voyons pas encore des demandes d’infrastructure pour exécuter des applications finales en IA. Je ne sais pas exactement quand les entreprises basculeront en production. Cela peut être dans un an, dans deux ans. Cela dépendra en tout cas de la disponibilité des matériels.
Ce que nous pouvons dire, c’est que des entreprises font leurs expérimentations dans le cloud public à l’heure actuelle. Donc, nous ne sommes pas sollicités par elles. Mais lorsqu’elles voudront passer à l’étape de la production, pour des raisons de sécurité, de criticité des données, elles voudront fonctionner en cloud hybride, avec un modèle générique en cloud qui affine ses résultats en travaillant sur les données de l’entreprise qui, elles, restent dans le datacenter. C’est là que nous serons pertinents.
Notre technologie est prête pour l’IA. Nous virtualisons les GPUs depuis un moment déjà. Nous avons ajouté du stockage objet et du stockage de fichiers à notre plateforme. VMware n’offre pas ça, par exemple. Ensuite, il faut avoir des frameworks prêts à l’emploi. C’est exactement ce que propose notre solution GPT-in-a-Box. Tout ce qui concerne les I/O, le réseau est déjà dans notre plateforme. Notre message est de dire que nous sommes déjà prêts pour accompagner les entreprises dans leurs prochaines évolutions.