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IA générative : les dirigeants français y adhèrent prudemment (étude IBM)
D’après une étude d’IBM, les entreprises françaises et européennes de plus de 500 employés s’apprêtent à tester l’IA générative, malgré une grande prudence en matière de gouvernance et d’éthique. Si les dirigeants de Big Blue se disent confiants pour l’année prochaine, ces essais seront sans doute soumis à un arbitrage, dans un contexte économique troublé.
IBM a réalisé en septembre, en collaboration avec Censuswide, un sondage auprès de 1 633 décideurs européens de plus de 500 employés en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Suède et au Royaume-Uni (au moins 250 personnes interrogées par pays, dont 100 cadres supérieurs).
Ces cadres et dirigeants en provenance de 15 industries sont unanimes. Environ 82 % d’entre eux ont déjà testé l’IA générative ou ont l’intention de le faire l’année prochaine.
En France, ce taux tombe à 77 %, soit le plus faible observé par IBM dans son panel.
« Malgré cela, l’on constate une adhésion très forte à cette technologie », affirme Alex Bauer, directeur général d’IBM Consulting France, lors d’un point presse. « En ce moment, moi et mes équipes réalisons une dizaine de rendez-vous par semaine avec les directions des entreprises pour évoquer l’IA générative ».
Les organisations françaises cernent de mieux en mieux les cas d’usage
Alex BauerDirecteur général, IBM Consulting France
Cette promesse d’adoption découlerait en premier lieu d’une volonté d’amélioration de l’efficacité opérationnelle (40 % en France, 45 % dans l’ensemble du panel) en automatisant les tâches à faible valeur ajoutée. Environ 38 % des sondés français espèrent optimiser l’expérience client (contre 50 % des cadres britanniques) et redéployer la main-d’œuvre (36 %). Dans les autres pays, les entreprises entendent accroître leur vente et leur revenu (38 % en moyenne) grâce à l’IA générative.
De son côté, Alex Bauer perçoit un intérêt pour les cas d’usage autour de l’intégration d’outils d’aide aux conseillers dans des centres d’appel, de la génération de code, de la recherche d’informations dans des bases de connaissances, par exemple pour constituer des FAQ interactives consacrées aux ressources humaines, mais aussi dans l’analyse des processus de la chaîne logistique.
L’amélioration de la recherche documentaire est un cas d’usage plébiscité par SNCF Voyageurs.
« L’IA générative nous permettra de faire des bonds en avant dans notre gestion de la vaste documentation exigée par les cadres réglementaires français et européens des transports publics », affirme Olivier Beaurepaire, Directeur programme DATA & CDO, SNCF Voyageurs – Direction TER chez SNCF, dans le commentaire de l’étude partagée par IBM.
Comme dans les autres pays, plus de 90 % (94 % exactement) des dirigeants français « reconnaissent que l’IA générative a le potentiel de favoriser de meilleures décisions de leadership ».
En conséquence, 95 % des dirigeants (92 % en France) font de la formation des collaborateurs en IA une « priorité clé ». Eux-mêmes cherchent à se former sur les technologies de l’IA générative, à mieux comprendre le paysage réglementaire et les implications éthiques.
Des dirigeants convaincus qu’il faut contrôler l’IA générative
Il y a cependant une forte attention à l’éthique et à la gouvernance des modèles d’IA.
Selon l’étude d’IBM, « 96 % des répondants qui ont déployé ou prévoient de déployer l’IA générative sont activement engagés dans l’élaboration de nouveaux cadres éthiques et de gouvernance ». Ce pourcentage est de 94 % en France. Toutefois, IBM observe que les organisations françaises ont de l’avance sur leurs homologues européennes : 36 % des sondés français qui ont déployé la « GenAI » ou prévoient de le faire ont confirmé avoir créé des comités d’éthiques dédiés à l’intelligence artificielle.
Pas moins de 39 % des dirigeants français souhaiteraient collaborer avec les décideurs politiques sur les implications éthiques de l’IA générative et les garde-fous, alors que l’AI Act fait encore l’objet de débats parlementaires. Pour autant, seuls 31 % d’entre eux prévoient d’échanger « activement » avec leurs pairs, contre 74 % dans le reste de la région.
Environ 91 % des sondés affirment avoir une bonne compréhension du contexte réglementaire, contre 87 % en France, soit le taux le plus bas mesuré par IBM. En revanche, et comme les homologues européens, 53 % sont clairement conscients de ceux que cela suppose pour leur secteur.
Pour Big Blue, le bilan de l’étude est encourageant en France, comme ailleurs en Europe. Si 2023 fut l’année de l’essor de l’IA générative, « il y a fort à parier que 2024 sera l’année où les entreprises suivront en masse », notent les auteurs.
Grands modèles de langage, petite portion des revenus
Pour autant, rien n’est véritablement fait. « Aujourd’hui, nous sommes dans une optique de pilote », signale Alex Bauer.
Arvind KrishnaPDG, IBM
« Notre chiffre d’affaires au troisième trimestre lié spécifiquement à l’IA générative se situait dans la fourchette basse des centaines de millions de dollars », informe Arvind Krishna, directeur général d’IBM dans les remarques consacrées aux résultats du troisième trimestre 2023 de la firme.
Cela inclut à la fois l’activité de conseil du groupe et l’adoption de la plateforme d’IA générative WatsonX. Au total, lors du Q3 2023, IBM a réalisé un chiffre d’affaires de 14,8 milliards de dollars.
« L’intérêt est plus important [que les montants le laissent entendre], avec des milliers d’interactions pratiques avec nos clients. Cela concerne nos plus gros clients ainsi que des clients plus petits, ce qui pose les bases pour les futures opportunités WatsonX », ajoute Arvind Krishna.
Si Alex Bauer est, lui aussi, convaincu que l’IA générative constituera une part plus importante des revenus d’IBM et des autres fournisseurs et ESN l’année prochaine, il faut prendre en compte d’autres critères.
L’IA générative bénéficiera-t-elle d’un arbitrage favorable ?
IBM Consulting réalise « le gros de son chiffre d’affaires autour de projets de transformation “business” et “process” », selon le directeur général d’IBM Consulting France.
Selon le bilan du troisième trimestre fiscal 2023, le segment « Business Transformation » (dont les missions sont « la conception de processus, la mise en œuvre de systèmes et services opérationnels pour améliorer et transformer les processus métiers clés ») a généré 2,3 milliards des 5 milliards de dollars que représente l’activité Consulting.
Béatrice KosowkiPrésidente, IBM France
« Nous voyons que les investissements sont redirigés vers les gros projets de transformation de la supply chain, de la finance, des traitements de données et autour de la durabilité », précise-t-il.
En clair, le marché semble tendu et les marges de manœuvre faibles. Avec les crises en cours, « les dirigeants choisissent » leurs projets.
Reste à savoir si l’IA générative a sa place dans ses grands projets de transformation. « Les arbitrages vont se faire sur l’agilité, l’efficience, la durabilité et les gains possibles », anticipe Alex Bauer.
Béatrice Kosowski, présidente d’IBM France, qui fait part d’un bon troisième trimestre en France du côté de l’infrastructure (notamment en matière d’adoption de la gamme de mainframes Z16) n’a pas de doutes. Elle estime même que « l’IA générative va déplafonner les budgets IT ».