Rokas - stock.adobe.com
Sam Altman reprend la direction d’OpenAI
Tôt ce matin, le milliardaire a finalement retrouvé son poste au sein du spécialiste de l’IA générative. Le conseil d’administration initial devrait favoriser la conduite de sa stratégie technico-commerciale et celle de Microsoft.
Courte, mais très intense, la saison de Telenovela chez OpenAI touche à sa fin.
Comme l’avait suggéré Satya Nadella, PDG de Microsoft, auprès des médias américains, Sam Altman, grand manitou de l’IA générative, reprend son rôle de CEO au sein d’OpenAI.
« Nous sommes parvenus à un accord de principe pour que Sam Altman revienne à OpenAI en tant que PDG avec un nouveau conseil d’administration initial composé de Bret Taylor (président), Larry Summers et Adam D’Angelo », indique la communication d’OpenAI dans un message lacunaire publié sur les réseaux sociaux. « Nous collaborons pour régler les détails. Merci beaucoup pour votre patience ».
Pour rappel, après s’être vu destitué le vendredi 17 novembre pour des raisons peu claires, Sam Altman avait décidé dimanche 19 d’accepter l’offre de Satya Nadella afin de prendre, avec son collègue Greg Brockman, la tête d’une nouvelle entité de recherche avancée en IA au sein de Microsoft.
Entretemps, les cadres d’OpenAI, dont Mira Murati, actuelle CTO de l’entreprise et Jason Kwon, Chief Strategy Officer, ont relayé une lettre réclamant la destitution du conseil d’administration. Sinon, les signataires quitteraient derechef leur poste et rejoindraient Sam Altman et Greg Brockman chez Microsoft. Hier, environ 500 collaborateurs d’OpenAI avaient signé ce document, dont Ilya Sutskever, désigné comme l’un des participants au coup contre Sam Altman. Le directeur scientifique d’OpenAI s’était rapidement repenti après les effets détonants des « actions du conseil d’administration ». Ce matin, heure française, au moins 710 des 770 collaborateurs d’OpenAI avaient signé la fameuse lettre en soutien de leur patron.
Pendant une courte durée, la naissance d’un OpenAI interne à Microsoft semblait possible. L’accord de principe annoncé tard dans la soirée (et tôt ce matin en Europe) balaye cette réalité alternative.
« J’aime OpenAI et tout ce que j’ai fait ces derniers jours était au service de cette équipe et de sa mission », assure Sam Altman. « Lorsque j’ai décidé de rejoindre Microsoft dimanche soir, il était clair que c’était la meilleure voie pour moi et pour l’équipe. Avec le nouveau conseil d’administration et le soutien de Satya Nadella, j’ai hâte de retourner à OpenAI et de construire sur notre solide partenariat avec Microsoft ».
OpenAI en capacité d’assumer pleinement ses objectifs commerciaux
Sam Altman devrait effectivement retrouver son poste sous l’égide d’un conseil d’administration plus sensible à l’expansion commerciale du poulain de Microsoft.
Pour rappel, le conseil d’administration de la structure hybride d’OpenAI était constitué de membres fondateurs de l’entreprise (Greg Brockman, Ilya Sutskever, Sam Altman) et d’Adam D’Angelo, fondateur de Quora et ancien cadre de Facebook, Tasha McCauley, PDG de GeoSim Systems, ainsi que d’Helen Toner, directrice de la stratégie et des subventions de recherche fondamentale au Centre pour la sécurité et les technologies émergentes de Georgetown.
Le nouveau conseil d’administration « initial », encore sujet à modification, accueille comme président Bret Taylor, l’ex co-CEO de Salesforce qui a mené l’acquisition de Slack pour le géant du CRM. Entre aussi au conseil, Lawrence Summers, économiste, qui n’est autre qu’un ancien secrétaire du Trésor des États-Unis sous l’Administration Clinton, un temps président de l’université de Harvard. Ce chercheur prolifique s’est prononcé à de nombreuses reprises auprès de Bloomberg pour affirmer que « l’IA générative pourrait être la technologie la plus importante depuis la roue et le feu », mais aussi que « ChatGPT s’attaque à la classe cognitive ».
Jusqu’à six autres personnes pourraient rejoindre le trio, selon the Verge.
« Nous sommes encouragés par les changements apportés au conseil d’administration d’OpenAI », réagit Satya Nadella. « Nous pensons qu’il s’agit d’un premier pas essentiel sur la voie d’une gouvernance plus stable, mieux informée et plus efficace ».
« Sam [Altman], Greg [Brockman] et moi-même avons discuté et convenu qu’ils ont un rôle clé à jouer avec l’équipe dirigeante d’OpenAI Inc. pour qu’elle continue à prospérer et à construire sur sa mission ».
Emmett Shear, cofondateur de Twitch et déjà « ex-CEO par intérim d’OpenAI » ne semble pas déçu par la situation.
« Je suis très heureux de ce résultat, après environ 72 heures de travail très intenses. En rejoignant OpenAI, je n’étais pas sûr de la bonne voie à suivre », déclare-t-il sur X. « C’est cette voie qui a permis de maximiser la sécurité tout en respectant les intérêts de tous les acteurs concernés. Je suis heureux d’avoir fait partie de la solution ».
Et d’écrire en plaisantant : « ceo any% 55:32 - nouveau record ??? », en référence à la manière dont les speedrunners, des e-sportifs dont le but est de finir un jeu vidéo le plus rapidement possible, communiquent leurs résultats.
« Nous pensons qu’il s’agit de la meilleure solution pour l’entreprise, ses employés, ceux qui s’appuient sur ses technologies et le monde en général », affirme pour sa part Joshua Kushner, CEO, fondateur de Thrive Capital, un des fonds d’investissement surpris par l’annonce de vendredi.
« J’sais plus qui tu es, qui a commencé, quelle est la mission »
Selon The New York Times, de fortes tensions existaient au sein du conseil d’administration. Elles oscillaient entre guerre d’ego et désaccords sur le rôle de l’ancien institut de recherche.
L’une d’entre elles implique Sam Altman et Helen Toner. La chercheuse a participé à une étude que l’entrepreneur aurait considérée trop critique à l’égard d’OpenAI, et un peu plus encline à souligner les efforts d’Anthropic en matière d’IA responsable, alors que la FTC était en train d’enquêter sur la manière dont OpenAI avait récupéré et traité les données qui ont fait son succès.
Mark BeccueAnalyste, Futurum Group
De même, Ilya Sutskever, par ailleurs inquiet de la menace que représente l’IA générative si elle n’est pas maîtrisée, aurait gardé une rancœur contre le dirigeant pour son manque de franchise dans certaines situations. Qui plus est, les membres du conseil d’administration auraient eu maille à partir au moment de remplacer des cadres sur le départ.
Selon Mark Beccue, analyste chez Futurum Group, ces tensions émergent en partie de la distension organique entre la direction et le conseil d’administration qui ne servaient pas la même mission.
« OpenAI a du pain sur la planche », avance-t-il auprès de SearchEnterpriseAI, une publication sœur du MagIT. « S’agit-il d’une entreprise axée sur la recherche ou d’une entreprise génératrice de revenus ? Il est clair que le conseil d’administration n’était pas en phase avec la direction sur ce point ».
Ray « R » Wang, président et analyste chez Constellation Research, considère que le précédent conseil d’administration était « inexpérimenté », voire « négligent ».
Les attentes envers le nouveau conseil sont donc importantes. Reste à savoir quel rôle aura Microsoft dans cette nouvelle organisation. Pour l’heure, le groupe reste à l’écart du nouveau board plus favorable à son activité de fournisseur de services cloud.
Selon Ray Wang, Satya Nadella a très bien su gérer la crise « en préservant le cours en bourse de Microsoft ». Encore une fois, l’entreprise a investi 13 milliards de dollars dans OpenAI et a lancé de nombreux services établis sur les modèles GPT-3 et 4. De son côté, le dirigeant de la firme de Redmond s’est fendu d’un message sur X pour saluer « la résolution et le calme » des équipes de Microsoft et d’OpenAI dans cette tempête, espérant, semble-t-il, un peu de repos lors de la fête de Thanksgiving.